Petit détour en Guadeloupe. Ce petit archipel des Antilles de 451.000 «bouts de bois de Dieu», qui se trouve à environ 7.000 km de la France métropolitaine, vit depuis une quinzaine de jours une crise économique et sociale prononcée. Pour lutter contre la cherté de la vie, les Guadeloupéens ont utilisé une solution radicale : un mouvement de grève générale qui a paralysé tout le pays avec, en toile de fond, une plate-forme revendicative de 146 points. Mais le pire, sil est permis de sexprimer ainsi, est le mouvement déclenché par les gérants de stations-service pour réclamer le gel de toute nouvelle implantation de stations sur lîle qui en compte déjà 115. Conséquences de ce double débrayage : les entreprises suffoquent, les camions de transport sont mobilisés et une pénurie daliments qui se fait de plus en plus ressentir, les supermarchés ne pouvant plus être approvisionnés. Aussi, pour pouvoir ne serait-ce que se déplacer, les automobilistes ont-ils recours au système D : acheter du carburant «au noir» à quelque 2 euros le litre. Les habitants ont néanmoins de quoi se consoler à un moment où lon se les gèle à Paris : le soleil. Quel lien entre la Guadeloupe et le Maroc ? Aucun. Sauf peut-être le système D en matière de carburant, qui nest cependant pas une exception du côté dOujda, mais un marché parallèle bien établi, quasi officiel et accepté de tous. Et, justement, le prix du carburant à la pompe (officiel celui-là) reste bien cher à un moment où les cours du baril du pétrole ont été divisés par trois. Largutie développée par les pouvoirs publics, ou plutôt intelligemment suggérée par les distributeurs, est bien rôdée pour maintenir le niveau des prix actuels : il faut dabord écouler les stocks acquis à un moment où les cours de lor noir étaient au plus fort. On nous dit donc dattendre le mois davril. Il faut croire que dans sa logique arithmétique, le gouvernement ménage bien la chèvre et le chou en faisant jouer pleinement leffet compensation. Car, dans un contexte où il est question daméliorer le pouvoir dachat des ménages, dun côté on maintient inchangés les prix à la pompe, fiscalise davantage la LOA (avec pour corollaire laugmentation des loyers) et augmente la TVA pour leau et lélectricité pour, de lautre, diminuer le taux de limpôt sur le revenu. Une diminution dont ne profitent guère tous les salariés, particulièrement ceux qui en ont le plus besoin. Mais bon, manifestement, il ne sert à rien de laisser sexprimer nos plumes braillardes. Surtout que nous avons choisi nous-mêmes ceux qui sont chargés de nous desservir au Parlement. Il faut donc se contenter de lexistant : une illusion monétaire, des parlementaires fantômes, des patrons faméliques et une circulation rendue infernale par un Casablanca en chantier. Laquelle ressemble à une parade de tortue où lon consomme et pollue davantage. Il est dailleurs peut-être temps de se parer de la fibre écolo et de privilégier la marche verte.