En 2009, le Maroc a adhéré à la communauté internationale par la ratification de la convention relative aux droits des personnes handicapées (CDPH). Ainsi, il manifeste son engagement à renforcer le processus de la participation sociale des personnes en situation de handicap et promeut leurs droits en conformité avec la CDPH. À cet effet, il a promulgué la loi-cadre n° 97-13 relative à la protection et à la promotion des droits des personnes en situation de handicap, dont l'article 2 définit la personne en situation de handicap : comme toute personne présentant, de façon permanente, une limitation ou une restriction, qu'elle soit stable ou évolutive, dans ses facultés physiques, mentales, psychiques ou sensorielles, dont l'interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à sa pleine et effective participation dans la société sur la base de l'égalité avec les autres. Ceci dit, par cette définition, notre pays a rompu avec l'approche médicale et caritative pour faire face aux problèmes liés aux questions du handicap et, par la suite, à la nécessité de prendre en compte les interactions entre la personne et son environnement, et d'agir pour réduire les obstacles à la pleine participation à la société (obstacles sociaux, culturels, économiques, etc.). Ainsi, changer le regard sur le handicap est désormais un enjeu sociétal et une question liée aux politiques publiques. Cela souligne que la société marocaine doit reconnaître qu'un véritable changement nécessite l'engagement collectif de toute la société, commençant par la personne elle-même, la famille, le gouvernement et les différents acteurs sociaux, d'où il faut agir sur les mentalités pour changer les perceptions et développer une nouvelle compréhension du handicap fondée sur une approche des droits humains. À cet égard, l'État marocain doit mettre en œuvre des mesures stimulantes, efficientes et adéquates pour combattre les stéréotypes, les préjugés et les actions nuisibles et discriminatoires envers les personnes en situation de handicap. L'objectif de la campagne nationale de sensibilisation sur le handicap, lancée récemment, est de combattre tous les préjugés, stéréotypes et idées inculqués dans nos esprits concernant ces personnes, profondément enracinés dans notre mémoire collective à travers le temps et à travers une culture sociale largement répandue. Le fait de ne pas traiter ces problématiques risque d'engendrer davantage d'entraves qui compromettent l'épanouissement et l'implication sociale des personnes en situation de handicap, les mettant ainsi aux derniers échelons de la société, voire même les rendant invisibles. Toutefois, cette campagne ne doit plus être qu'un simple slogan limité dans le temps. Elle doit être un vecteur de changement et doit instaurer une culture axée sur l'effectivité, l'efficacité et l'efficience des droits des personnes en situation de handicap, valoriser la diversité humaine et surtout être persuadée que le handicap est un moteur de cohésion et de développement social. Changer le regard sur le handicap, c'est communiquer autrement autour du handicap, changer notre jargon social et notre vocabulaire habituel utilisé pour décrire une situation ou une personne par « handicap » ou « handicapé » ou autres mots péjoratifs ayant lien avec le handicap (débile, fou, fous, faible, incapable, ou malade etc.). Il s'agit de croire à une société de différences et de diversité, où tous sont différents mais égaux, et que chacun est susceptible d'être atteint d'un handicap dans un laps de temps suite à un malaise de santé, un accident ou autres incidents. Changer notre regard sur le handicap, c'est aussi croire que le handicap est une question des obstacles environnementaux plus qu'une question du corps, en gros c'est mettre l'accent sur la personne et ses compétences et non sur son handicap. Changer le regard sur le handicap implique d'intervenir sur les différentes parties prenantes à partir des personnes en situation de handicap elles-mêmes par la sensibilisation, la formation et en les rendant conscients de leurs droits et en leur offrant la chance de vivre en dignité en tant que citoyens à part entière. Agir sur les familles et la société pour accepter l'enfant avec ses différences, le rendre socialement visible et promouvoir la reconnaissance des compétences, mérites, aptitudes et contributions des personnes en situation de handicap, et promouvoir une perception positive de ces personnes vers une conscience sociale plus poussée à leur égard. Et enfin, plaider auprès des décideurs pour promouvoir le respect des droits et de la dignité des personnes handicapées, œuvrer pour la pleine jouissance de leurs droits, la prise en compte du handicap dans les politiques de développement durable. Une campagne de sensibilisation limitée dans le temps et l'espace ne suffit pas pour changer le regard sur le handicap. Cependant, ce chantier nécessite le déploiement des efforts de tous pour améliorer le degré de connaissance générale du grand public sur ce sujet, pour que les Marocains deviennent pleinement acteurs de ce changement de perspectives d'avenir. Il n'est pas question de la façon dont on voit cette personne, mais de comment lui accorder sa place dans la société et valoriser toutes ses compétences, ses capacités et ses contributions en tant qu'acteur du changement et de développement social et économique. Mais cela n'est plus possible que par : – Un système éducatif inclusif qui respecte la diversité entre les élèves, n'excluant personne, et encourageant l'apprentissage des connaissances et des attitudes de respect des droits des personnes en situation de handicap, notamment chez les enfants dès leur plus jeune âge. – Des programmes de formation, de sensibilisation et de conscientisation dédiés aux personnes en situation de handicap abordant des thématiques se liant à leurs droits primordiaux et précisant la manière dont elles peuvent en jouir et bannir tout acte discriminatoire envers eux. – Des médias qui communiquent d'une façon positive sur les personnes en situation de handicap et mettent en relief leurs compétences et leur participation positive à la vie sociale et économique, soit au niveau des sujets traités, soit au niveau de la visibilité accordée à cette frange de la population. Et, les médias doivent cesser d'utiliser des mots péjoratifs, parfois qu'ils utilisent inconsciemment, considérant que le meilleur baromètre d'une société dite inclusive sont les médias et la communication autour du handicap. – Des opportunités offertes aux personnes en situation de handicap pour développer certaines compétences qui permettent de défier son corps et son handicap telles que les activités physiques, sportives, de loisir ou de compétition ; ça peut aider à modifier le regard porté sur le handicap. Et permet une large médiatisation positive, ex. : la participation des athlètes marocains aux Jeux paralympiques de Paris 24 et la forte médiatisation positive suite aux résultats obtenus et au nombre de médailles décroché. En conclusion, ce chantier de remaniement de la société marocaine ne vient que commencer. C'est une bataille de grande haleine contre les mentalités et contre le temps et ne peut être clôt du jour au lendemain, mais elle peut attendre des résultats et un impact sur les personnes en situation de handicap que suite à l'engagement effectif des différents partis prenants. *Chef des projets – FRMSPSH