D'après des sources bien informées contactées par Hespress, les équipes de contrôle relevant de l'Autorité nationale du renseignement financier (ANRF) ont récemment intensifié le rythme de leurs enquêtes et investigations autour des activités de plusieurs petites et moyennes entreprises, suite à la réception de notifications de soupçons émanant de la Direction générale des impôts (DGI). Ces dernières faisaient état de déclarations fiscales affichant des pertes jugées injustifiées. Les mêmes sources précisent que ces anomalies ont éveillé de sérieuses interrogations quant à un possible recours à ces pertes fictives dans des opérations de blanchiment d'argent, en totale contradiction avec la réalité du marché et la nature des activités commerciales des sociétés concernées. Selon les informations obtenues par Hespress, les missions de vérification menées par les inspecteurs de l'ANRF – lesquels ont été dotés de données précieuses fournies par les services de la DGI – se sont focalisées sur les déclarations de trois entreprises opérant respectivement dans les secteurs de la distribution en gros de pièces détachées, des travaux d'aménagement intérieur et de la vente de fournitures sanitaires. Leurs sièges sociaux, points de vente et entrepôts sont répartis entre Casablanca et Tanger. Les investigations, combinant audits documentaires et contrôles de terrain, ont permis de mettre au jour d'importantes irrégularités au sein des transactions commerciales et des opérations bancaires de ces structures. Les sources ajoutent que les gérants de ces entreprises, dont les liens présumés avec des réseaux de trafic de stupéfiants font actuellement l'objet d'investigations, ont eu recours à des factures falsifiées et à des transactions fictives. Objectif : induire en erreur les services fiscaux concernant le volume réel des dépenses et des charges, à travers des déclarations comptables volontairement gonflées mais déposées dans les délais légaux, tout en procédant à des versements périodiques relatifs aux obligations fiscales, notamment en matière de TVA. Les opérations d'audit ont également révélé l'usage de faux procès-verbaux attestant de la destruction de marchandises et de stocks, ainsi que la contournement des procédures d'assurance et d'indemnisation. Les dirigeants ont en outre pratiqué une inflation artificielle de charges d'exploitation difficilement vérifiables, telles que les dépenses de carburant, d'hébergement ou de déplacements. Toujours selon nos sources, les entreprises suspectées de blanchiment par le biais de « pertes fictives » ont cherché à exploiter les lacunes des systèmes de contrôle et d'analyse de données informatiques, en particulier ceux de la DGI. Cette dernière concentre en effet son action sur la détection des cas de réduction artificielle des bénéfices à des fins d'évasion fiscale, alors même que les manipulations consistant à gonfler les pertes ou les bénéfices représentent également un danger majeur. Les contrôleurs ont par ailleurs mis en évidence l'implication de comptables et de responsables bancaires ayant fourni des conseils et conçu des déclarations fiscales et comptables sur mesure pour le compte de ces entreprises soupçonnées de blanchiment. Ces professionnels auraient élaboré des montages destinés à éviter tout niveau élevé de suspicion autour de l'activité réelle des sociétés, en recourant à de nouvelles stratégies de dissimulation, notamment à travers la diversification des clients et des opérations déclarées. Il convient de rappeler que l'Autorité nationale du renseignement financier a transmis, au total, 71 dossiers aux procureurs du roi auprès des tribunaux de première instance de Rabat, Casablanca, Fès et Marrakech, ainsi qu'au procureur général du roi près la Cour d'appel de Rabat, dans des affaires liées au blanchiment d'argent et au financement du terrorisme. Dans son rapport annuel pour l'année 2023, l'ANRF signale une augmentation de 31,48 % du nombre de dossiers transmis au parquet par rapport à l'année précédente. Le rapport indique en outre que les affaires impliquant des faits de falsification ou de contrefaçon de relevés bancaires, de moyens de paiement ou d'autres documents officiels représentent 38 % des cas portés devant les tribunaux de première instance compétents. Ce même pourcentage s'applique aux dossiers liés à des faits d'escroquerie ou de fraude. De nouvelles catégories d'infractions liées au blanchiment d'argent ont également émergé, telles que les paris sportifs, les systèmes de vente pyramidale ou encore les transactions en cryptomonnaies.