En l'espace de deux décennies, le Maroc a connu une transformation sociale et économique remarquable à travers la quasi-éradication de l'extrême pauvreté, l'amélioration significative de l'éducation et le bond du revenu par habitant. Le Haut-Commissariat au Plan (HCP) confirme, dans un récent rapport, l'entrée du Royaume dans le cercle des pays à développement humain élevé. Cependant, ces avancées s'accompagnent aussi de défis persistants, notamment la résurgence des inégalités et la pression sur le pouvoir d'achat. En 2023, le Maroc atteint un indice de développement humain (IDH) de 0,710, franchissant pour la première fois le seuil des pays à développement humain élevé. Ce bond de près de 56% depuis 1990 reflète des progrès significatifs en santé, éducation et niveau de vie. Reconnu dès 2010 par le PNUD comme l'un des pays ayant le plus amélioré son IDH depuis 1970, le Royaume se classe 120e mondial et autour de la moyenne arabe, fruit de politiques publiques durables centrées sur le renforcement du capital humain. Selon le rapport du HCP baptisé « Lutte contre la pauvreté, réduction des inégalités sociales et territoriales, développement humain et équité de genre au Maroc. Progrès et défis », couvrant la période 2000-2023 et s'appuyant sur le Discours du Trône 2025, le Royaume a su transformer son paysage socio-économique grâce à des politiques publiques ciblées et à une résilience face aux crises. Le revenu disponible brut par habitant (RDBH) témoigne de ce changement. Entre 2000 et 2023, il est passé de 11.000 à près de 27.000 dirhams (21.000 en 2014, 22.000 environ en 2020, 24.000 en 2021), soit une multiplication par 2,5. En 2023, malgré une inflation toujours élevée à 6,1 %, la hausse des revenus a réussi à dépasser celle des prix. Le pouvoir d'achat des ménages s'est ainsi amélioré de 1,5 %, ce qui marque un retour à une évolution positive du niveau de vie après la forte érosion enregistrée en 2020 (-5,4 %) et en 2022 (-2,5 %). D'après le HCP, la période 2000-2014 a été particulièrement favorable, avec une hausse annuelle de 3,5 % du pouvoir d'achat. Toutefois, les années suivantes ont connu des turbulences, notamment le ralentissement entre 2014 et 2019, le recul inédit de -5,4 % en 2020 sous l'effet de la pandémie, la reprise en 2021, puis la nouvelle baisse en 2022 (-2,5 %) due à l'inflation mondiale. L'année 2023 a toutefois marqué un léger redressement, signe d'une sortie progressive des tensions économiques. L'un des succès les plus marquants reste la lutte contre la pauvreté. Mesurée au seuil international (1,9 dollar/jour), l'extrême pauvreté a été quasiment éradiquée, elle ne concernait plus que 0,3% des Marocains en 2022, 0,04% en milieu urbain et 0,68% en milieu rural, dévoile la même source. L'incidence de la pauvreté absolue au Maroc a fortement diminué entre 2001 et 2019, passant de 15,3% en 2001 à 8,9% en 2007, puis à 4,8% en 2014, pour atteindre 1,7% en 2019. Même si les crises récentes ont fait remonter ce taux à 3,9% en 2022, le bilan demeure largement positif. En milieu urbain, les indicateurs avaient connu une amélioration spectaculaire au cours des deux dernières décennies, le taux de pauvreté absolue étant passé de 7,6% en 2001 à 1,6 % en 2014, puis à seulement 0,5% en 2019, mais cette tendance s'est inversée avec la succession des crises, et la pauvreté urbaine a atteint 2,2% en 2022. En milieu rural, la dynamique fut comparable, quoique à des niveaux plus élevés. Le taux de pauvreté est tombé de 25,1% en 2001 à 9,5% en 2014, puis à 3,9% en 2019, avant de repartir à la hausse pour s'établir à 6,9% en 2022. Entre 2019 et 2022, le nombre total de personnes pauvres a plus que doublé, passant de 623.000 à 1,42 million, soit une hausse annuelle moyenne de 33,7%. Le phénomène a été particulièrement marqué en milieu urbain, la population pauvre y a été multipliée par près de cinq, de 109.000 en 2019 à 512.000 en 2022, ce qui correspond à un rythme de croissance annuel moyen de 72,5%. Dans les zones rurales, l'augmentation a été plus contenue, mais néanmoins significative, de 513.000 à 906.000 personnes considérées pauvres sur la même période, soit une progression annuelle de 22,2%. Le rapport précise également que la vulnérabilité à la pauvreté monétaire absolue reflète le risque pour les ménages de basculer dans la pauvreté face aux chocs économiques et sociaux. Au Maroc, ce taux avait fortement diminué entre 2001 et 2019, passant de 22,7% à 7,3%, avant de remonter à 12,9% en 2022 sous l'effet de la pandémie, de l'inflation et de la sécheresse. En termes absolus, le nombre de personnes vulnérables est passé de 2,6 millions en 2019 à 4,75 millions en 2022, avec une augmentation particulièrement rapide en milieu urbain. La proportion de vulnérables vivant en ville est ainsi passée de 37,9% en 2014 à 47,2% en 2022. Entre 2014 et 2024, la pauvreté multidimensionnelle a fortement reculé, passant de 11,9% à 6,8%, tandis que l'intensité moyenne des privations a légèrement diminué de 38,1% à 36,7%. Ces évolutions ont entraîné une baisse significative de l'indice de pauvreté multidimensionnelle, de 4,5% à 2,5%, traduisant une amélioration globale du bien-être. En revanche, le rapport met en garde contre le retour des inégalités notamment sous l'effet des crises entre 2019 et 2022. Il cite en ce sens l'indice de Gini, qui mesure la répartition des richesses, qui était descendu à 38,5% en 2019, son plus bas niveau depuis deux décennies. En 2022, il est remonté à 40,5%, soit un retour à des niveaux proches du début des années 2000.