Face au débat récurrent sur l'avenir des retraites au Maroc, la ministre de l'Économie et des Finances, Nadia Fettah, a pris ses distances avec ce qu'elle décrit comme un discours « alarmiste » des centrales syndicales. Selon elle, la situation des caisses de retraite impose désormais de dépasser « la dramatisation » et « les surenchères politiques » autour de l'existence d'une crise, pour entrer résolument dans le temps des décisions. Intervenant mardi lors de la séance des questions orales à la Chambre des conseillers, la ministre a assuré que « la volonté d'aborder ce dossier existe au niveau du gouvernement ». Elle a rappelé que le procès-verbal du dernier round du dialogue social central fait état d'un accord de principe : les partenaires sociaux ont accepté d'assumer collectivement la responsabilité de la réforme des régimes de retraite. Après plusieurs années d'hibernation, la Commission nationale de réforme des systèmes de retraite a ainsi été réunie par le chef du gouvernement. Un compromis a été arrêté : le dossier est confié à une commission technique chargée d'élaborer des propositions concrètes pour la refonte des différentes caisses. Nadia Fettah a néanmoins insisté sur un point : aucune solution ne sera retenue sans consensus avec les partenaires sociaux. La question touche, a-t-elle rappelé, « les droits de cinq millions de citoyens marocains ». L'enjeu principal demeure la soutenabilité financière des caisses, défi qu'elle appelle à traiter sans exagération des déficits ni dramatisation des perspectives. La commission technique a déjà entamé ses travaux et se réunit « de manière régulière ». La ministre a reconnu que s'accorder sur une méthodologie commune avec les syndicats relève de la facilité dans le discours, mais devient beaucoup plus ardu lorsqu'il s'agit de la traduire en décisions opérationnelles. Les négociations prennent du temps, a-t-elle dit, et doivent aboutir à un accord sur les principes structurants de la réforme. Le lancement de cette réforme suppose, selon elle, une compréhension partagée de la situation réelle des caisses. Mettre en doute la complexité du dossier ou la profondeur de la crise des régimes de retraite serait « inconcevable ». Pour autant, elle rejette « le registre de la peur » qu'elle attribue à certaines prises de position syndicales. Le gouvernement, affirme-t-elle, a répondu à leur demande d'examiner « tous les régimes, caisse par caisse ». Quatre réunions sont programmées avec la participation des centrales syndicales. Chaque caisse sera passée en revue séparément, en présence de ses directeurs généraux, avec présentation de données chiffrées « claires » et en « toute transparence ». Ces rencontres doivent permettre de dresser un état des lieux précis et d'orienter les prochaines étapes de la réforme. Le débat n'a toutefois rien perdu de sa dimension politique. Mbarek Sbai, conseiller parlementaire du groupe haraki (Mouvement populaire), a ainsi reproché au gouvernement de ne pas disposer d'une « vision claire » pour réformer les retraites — ou, à l'inverse, de préparer une réforme « choc » pour les affiliés qu'il éviterait de dévoiler. Selon lui, l'exécutif chercherait à « jeter la braise » de ce chantier dans le camp des centrales syndicales. Le parlementaire a demandé à l'exécutif de clarifier son projet : la future réforme s'éloignera-t-elle de l'approche paramétrique adoptée par un précédent gouvernement ? Celle-ci avait notamment relevé l'âge de départ à la retraite, revu la durée de cotisation, ses taux et l'assiette du calcul du salaire de référence. À ses yeux, une seule option réaliste demeure : la mise en œuvre de la décision de 2013 instaurant un système à deux pôles, public et privé. Une architecture qui ferait, selon ses calculs, peser sur quelque 4,4 millions de salariés du secteur privé la crise touchant environ 1,2 million de fonctionnaires du secteur public. Dans ce débat, le gouvernement continue d'afficher sa volonté d'aboutir à un compromis. Reste à savoir si la méthode technique et progressive engagée par l'exécutif saura répondre à l'inquiétude exprimée par les syndicats — et à l'urgence financière qui guette les caisses.