Après environ deux semaines de bombardements intensifs, Israël n'a pas réussi à réaliser un seul de ses objectifs annoncés. En dépit du délai d'une semaine supplémentaire, accordée par Washington à Ehud Olmert et ses généraux afin de changer la donne, Américains, Russes et Européens discutent d'ores et déjà les scénarii d'après guerre du Liban. Les revers cuisants essuyés, mercredi et jeudi derniers, par les Commandos d'élites de Tsahal, notamment sur le front du village de Maroun al-Rav, ont remis en cause la crédibilité de toute l'institution militaire ainsi que de sa capacité de conduire cette « guerre ouverte » jusqu'au bout. Ce qui a poussé ceux qui soutiennent Tel-Aviv directement et indirectement dans sa mission d'application de la résolution 1559 émanant du Conseil de sécurité de l'ONU à réviser leurs approches vis-à-vis de cette guerre. Cette dernière risquant de se propager pour menacer non seulement la stabilité de la région mais aussi les intérêts géostratégiques des grands de ce monde, à commencer par les Etats-Unis. Dans ce contexte, un proche collaborateur de Saâd al-Hariri chef du courant libanais « Al-Moustakbal » -qui vient de rencontrer Jacques Chirac, vendredi dernier- a indiqué à « La Gazette du Maroc » que la politique du profil bas et l'objectivité du Secrétaire général du Hezbollah, Cheikh Hassan Nasrallah intriguent les Français. Notamment ses propos prononcés lors de sa dernière interview accordée à la chaîne Al-Jazirah dans laquelle il a parlé de surprises à attendre et quand il a évoqué avec fermeté le problème des deux soldats israéliens prisonniers. Par ailleurs, les Occidents les plus impliqués dans cette guerre, suivent de très près les manifestations embrasant les capitales arabes. Celles-ci qui ont tendance à faire taches d'huile dans les prochains jours pour enfin briser le front monté par certains Etats arabes qui jusque-là accusait le Hezbollah, sans le nommer, d'aventurier menaçant la stabilité régionale ; et, par là, rejeter toute proposition de la tenue d'un sommet arabe. L'Egypte -qui a déjà assez de problèmes internes-, constituant avec l'Arabie Saoudite et la Jordanie, l'essentiel de cet axe tripartite, cherche maintenant à nuancer. Son président, Hosni Moubarak, a soudainement rendu pour responsable Israël dont l'agressivité pourrait mettre toute la région en péril. Les médias égyptiens, y compris les loyalistes au régime en place, soutiennent désormais la résistance héroïque du Hezbollah. Ce fléchissement devra, selon certains analystes politiques anglo-saxons, basés au Caire et au Koweït, inciter l'administration américaine et ses alliés européens à trouver, d'une part, rapidement des sorties de cette crise et, de l'autre, dessiner les configurations d'une nouvelle trêve entre le Liban et Israël. Des accords dans lesquels le Hezbollah ne sera pas exclu de l'équation, comme cela a été prévu avant le déclenchement de la «guerre ouverte». Surtout, si le mouvement islamique sortira indemne, la tête haute de cette épreuve militaire avec l'armée qui, depuis 1948, ne cesse d'humilier toutes les armées arabes. Conséquences négatives… La résistance héroïque sur le terrain ainsi que la gestion médiatique aussi bien objective que percutante du cours des évènements, ont surpris l'establishement israélien tout entier. D'autant qu'elles ont suscité des interrogations sur la capacité de tous les services de renseignements de l'Etat hébreu. Les réponses seront donc attendues juste après l'arrêt de cette guerre. Le devoir de solidarité avec Tsahal, en ces moments difficiles, n'est pas cette fois, comme à l'accoutumée, au rendez-vous. Car depuis la création de leur Etat, les Israéliens n'avaient jamais fréquenté aussi massivement (environ la moitié de la population) les abris ; ni leurs villes n'avaient été touchées de la sorte par les roquettes et les missiles des ennemis arabes comme cela est aujourd'hui le cas. La peur de la chute de ces missiles se consolide par la crainte d'une défaite militaire face au mouvement islamique libanais. Ce qui devra, le cas échéant, encourager les Palestiniens à développer leur stratégie de résistance armée. Cela dit, il faut mettre fin, et le plus rapidement possible, au cauchemar libanais. Les observateurs israéliens remarquent que le climat de panique prédominant, à l'heure actuelle, ressemble beaucoup à celui qui avait prévalu lors de la guerre d'octobre 1973. Les plus orthodoxes ne cachent plus leur crainte de la destruction du «troisième temple», c'est-à-dire de l'Etat d'Israël. L'Opération surprise qui a déclenché la guerre, suivi de celle qui a visé la frégate au large des côtes libanaises et celles menés contre les commandos d'élites se répercutent de plus en plus négativement sur le moral de la population. Le pire, c'est que les services de renseignements israéliens reconnaissent qu'ils n'étaient pas au courant de la possession par Hezbollah de ce genre de missiles qui ont visé cette frégate. Ce qui fait aujourd'hui peur aux Israéliens, c'est la découverte que leurs services sont incapables de prévoir quoi que ce soit. Pis encore, les avions de l'armée de l'air montrent de plus en plus leurs défaillances quant à la frappe des objectifs. L'annonce de la destruction de 50 % des effectifs militaires du Hezbollah et la liquidation de plusieurs de ses dirigeants à travers les frappes aériennes qui, par la suite, s'est avéré un mensonge, ont augmenté les craintes de la population qui ne croit plus à ses dirigeants aussi bien politique et militaire. Les analystes politiques estiment que les généraux de l'armée conduisent le pays vers une défaite certaine ; d'autant qu'ils ne pensent qu'à la vengeance. Ils ajoutent que les Israéliens ne se rappelleront de cette guerre que des bombardements des villes libanaises, des massacres des familles. Quant à la victoire militaire, personne ne croit plus. Cette guerre est donc incapable de répondre aux véritables problèmes d'Israël. Il s'agit d'un règlement de comptes avec le Liban de certains généraux de l'armée israélienne. La situation pourra se compliquer si ces derniers imposent à Ehud Olmert et son ministre de la Défense, Amir Peretz, d'ouvrir un troisième front, celui de la Syrie. A cet égard, le directeur du département Moyen-Orient auprès de l' «Aipac» conseille dès à présent de mener la guerre contre la Syrie. Ceux qui adoptent la thèse de la nécessité d'attaquer la Syrie au nom de la «Stratégie» connaissent parfaitement que cela veut dire élargir l'éventail de la guerre du Liban y compris les bombardements des civils. La stratégie chez les généraux israéliens signifient détruire un autre pays. Ce qui a poussé des intellectuels israéliens et d'anciens généraux d'appeler à contrecarrer l'arrivée une génération de voyous aux commandes en Israël. … Et tractations qui commencent Des voix de certains sages à Tel-Aviv appellent à un cessez-le-feu unilatéral de 72 heures pour former un nouveau gouvernement d'union nationale pour à la fois gérer cette guerre et ses conséquences, et, gérer la bataille politique qui se profile déjà à l'horizon. Tous les Israéliens sont maintenant convaincus que si leur armée franchit les frontières libanaises, elle s'enlisera dans un bourbier dont il serait par la suite très difficile de s'en sortir indemne. Les Etats-Unis, malgré le délai donné et les déclarations fermes à l'égard du Hezbollah, de la Syrie et de l'Iran, cherchent des sorties pour son allié israélien. La révélation faite, vendredi dernier, par le Secrétaire d'Etat, Condoleeza Rice, concernant la tenue d'une réunion, jeudi prochain, des ministres des Affaires étrangères des pays industriels, en est la preuve. Rice a même défini l'ordre du jour. Il s'agit de tracer les frontières d'avenir d'une part pour le Liban et Israël ; et, de l'autre, entre ce dernier et la Syrie, notamment au Golan. Rice est allée encore plus loin en parlant de la naissance d'un «Nouveau Moyen-Orient». Ce qui prouve que les tractations visant à arrêter cette guerre sont déjà en cours ; et, que l'avenir de la région sera discuté, négocié pour la première fois avec les alliés occidentaux. La question qui se pose, à l'heure actuelle, consiste à savoir si les Etats-Unis profiteront de cette situation explosive pour ajuster leurs fins politiques et changer leur stratégie au Moyen-Orient. Si c'est le cas, Washington devra, selon l'ancien secrétaire d'Etat de l'ère Clinton, Madeleine Albright, travailler à séparer la Syrie de l'Iran, et, par là, encourager cette dernière à regagner la maison arabe. Les propos dans ce sens du ministre saoudien des Affaires étrangères, le prince Saoud al-Fayçal, affirment que des tractations à cet égard sont probablement en cours. C'est aussi pur cette raison que Condoleeza Rice évoque, pour la première fois, le tracé des frontières du Golan.Les Etats-Unis sont conscients après la guerre du Liban que beaucoup de problèmes doivent être discutés avec la Syrie. De ce fait, il faut impliquer l'Arabie-Saoudite, l'Egypte et la Jordanie, inquiets de voir Damas préparer le terrain à la percée en force de l'Iran dans la région. Malgré ce fait, on s'interroge si l'équipe de George Bush est suffisamment intelligente pour négocier avec la Syrie et la séparer ainsi de l'Iran ? Quoi qu'il en soit, dire qu'un nouveau Moyen-Orient est en train de naître, cela veut dire que les tractations ont déjà commencé. Mais, force est d'affirmer que si le conflit israélo-palestinien n'est pas au cœur de ses tractations, le retour à la case départ sera alors consommé.