Leur inimitié, tout aussi viscérale que coutumière a toujours été une constante politique. Pourtant, trois leaders du PJD, et non des moindres, appellent à une alliance avec leur ennemi de toujours, l'USFP. De quoi semer le trouble dans un paysage avant les élections que tout le monde s'accorde à qualifier de cruciale. Ballon d'essai ou calcul politicien ? Analyse. Les déclarations se succèdent et se ressemblent : trois des responsables du PJD ont publiquement fait montre de «gouverner» avec l'USFP. Une position qui n'a pas manqué de semer le trouble dans le microcosme politique. Et pour cause : depuis toujours, les islamistes et les socialistes marocains se surveillent, c'est le moins que l'on puisse dire, comme des chiens de faïence! Leurs dissensions et guerres, ouvertes ou larvées, rythment la vie nationale. Voire, structurent le débat autour de projets politiques et sociétaux ! C'est que l'offre des amis de Mohamed Elyazghi est diamétralement opposée à celle des frères de Saâd Eddine El Othmani. Référents, symboles et priorités… autant de pommes de discorde qui, depuis toujours, opposaient les uns aux autres. D'où cette évidence particulièrement marocaine : les deux sigles ne feront jamais bon ménage ! Et voilà que Lahcen Daoudi, Moqrie Abouzayd et Abdelilah Benkirane laissent supposer le contraire. Economiste des barbus du Royaume, le professeur Lahcen Daoudi a été des plus clairs en déclarant à LGM que son parti «est prêt à gouverner avec l USFP». Ballon d'essai ou profession de foi ? En fait, il y a lieu de croire que c'est là une position politique qui ne manque pas d'adeptes au sein de la direction. Sans trop pronostiquer sur sa faisabilité, un tel appel sera par la suite renouvelé. Cette fois, c'est un doctrinaire et un harangueur de foule, Moqrie Abouzayd qui en sera le chantre : lors d'un meeting organisé par son parti à Fès, l'universitaire et leader islamiste, a clairement fait savoir qu'une alliance entre le PJD et l'USFP et le PI d'Abbas El Fassi est une formule «à ne pas exclure». Mieux : une telle éventualité serait à même de «poser les jalons d'une clarification politique des règles du jeu». Plus nuancé, Abdelilah Benkirane, a plutôt opté pour l'insinuation : «le PJD, a-t-il déclaré, est prêt à s'allier avec les partis qui comptent dans le pays». En clair : tous les partis dont l'enracinement est démontré par les urnes. Nombreux sont les observateurs qui voient dans la main tendue du PJD une «réponse», même tardive, à des positions similaires déjà exprimées par une certaine mouvance, au sein du parti de Feu Abderrahim Bouabid. Et c'est Attajdid, l'organe officieux du PJD qui en a fait le «memoring». «Une alliance entre le PJD, le PI et l'USFP est-elle possible ?», s'interrogeait le quotidien. Pour rappeler, cependant, que «le rapprochement entre les deux grands antagonistes, USFP et PJD a déjà été soulevé par des responsables au sein du bureau politique». Et non des moindres : Abdelouahed Radi, le secrétaire adjoint du parti et président de la première Chambre, Driss Lachgar, président du groupe socialiste au sein de la même chambre et Mohamed Lamrini. Remake Depuis, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts. Plus féroces, les échanges d'hostilités n'ont jamais cessé entre les deux partis. «Il y a fort à parier que les appels du PJD resteront lettre morte», note un membre du conseil national du parti socialiste. En matière d'alliances, Mohamed Elyazghi, le chef du parti, reste dans ses bottes : D'abord, la Koutla, puis la gauche et enfin la majorité : on ne change pas une équipe qui gagne ! Une question cependant : à quoi rime ce rapprochement, jusqu'ici à sens unique? «Pour le PJD, embrouiller les cartes est une stratégie gagnante, et qui a déjà donné ses fruits lors de la constitution des bureaux des communes en 2003», rappelle un observateur. Pointé du doigt et attaqué de toutes parts après les attentats du 16 mai, le parti de Saâd Eddine El Othmani a conclu des alliances avec tout le spectre politique, ou presque. «Une normalisation» qui avait son pesant en sièges communaux. Et qui plus est, présentait le PJD en tant que parti comme les autres. Pour l'heure, le fait d'évoquer une alliance avec l'USFP a pour objectif de «faire anesthésier» un électorat socialiste et faire chavirer les hésitants. Aussi, note un membre de la direction du parti socialiste «il y a fort à parier que cette offre, une fois les preneurs trouvés, est de nature à affaiblir les alliances actuelles». Une aubaine pour les islamistes et «une remise en question de tout le consensus péniblement élaboré depuis les années 90». La direction socialiste, qui garde le silence, est plutôt préoccupée à serrer ses rangs pour la bataille qui approche. Effectivement, le principal adversaire sur l'autre bord ne serait autre que le PJD.