Nous voici donc en 2008, année particulière pour la ville de Fès et pour tout le Maroc. Voici douze siècles, un certain 4 janvier 808 selon les sources historiques, le jeune Moulay Driss II entame la fondation de sa future capitale Fès, jetant les bases de ce qui va devenir le Royaume du Maroc actuel. Ce prince, lui-même fruit d'un mariage arabo-amazigh, incarne une des constantes de la personnalité Marocaine. Ce n'est pas pour rien qu'à ce jour, chaque Roi du Maroc, une fois intronisé, va se recueillir sur sa tombe et chercher sa baraka. Douze siècles plus tard, le pays entier va, durant toute l'année 2008, vivre au rythme de son histoire complexe et riche, de son patrimoine, sa civilisation, tout en se projetant dans le présent et l'avenir. En effet, en novembre 2007, l'annonce a été faite de la décision Royale de donner à cette commémoration historique toute la dimension nationale (et même internationale) qu'elle mérite. Combien de pays, en effet, et combien de monarchies peuvent se prévaloir d'une telle profondeur historique ? Les moyens mis en œuvre sont également à la hauteur : Une commission nationale (comprenant en particulier quatre Ministres, quatre Walis et Maires des villes impériales Fès, Meknès, Marrakech et Rabat et les seize présidents de région), un budget conséquent une association ad hoc sont mis en place. SM le Roi a désigné l'homme d'affaire, Saâd Kettani Haut Commissaire pour la célébration et le centralien Ahmed Benseddik directeur exécutif de l'Association. Ce dernier n'est autre que le promoteur de l'idée. Passionné d'histoire, il a réussi à éclore le concept (nouveau pour le Maroc) et faire adhérer de multiples institutions tant nationales qu'internationales, avant de soumettre le projet au Souverain. Démarche audacieuse, mais combien porteuse d'espoir. Une telle célébration doit nous interpeller à plus d'un titre, nous en retenons les piliers suivants : 1-Le sens de l'histoire : L'histoire n'est pas le passé. L'histoire est vivante et contribue à ce qu'est la personnalité individuelle et collective. Se connaître soi-même c'est connaître son histoire et comprendre les leçons de cette histoire. D'emblée, il est un fait avéré : c'est que le citoyen lambda connaît très peu l'histoire de son pays. Qu'elle soit ancienne ou contemporaine, elle reste mal comprise, mal enseignée et très peu mise en valeur dans le monde des médias. La fierté nationale et le patriotisme, à ne pas confondre avec le chauvinisme, commencent par une appropriation de sa propre histoire. Pour nos historiens, sociologues et pédagogues, il y a du travail. À ce propos, combien connaissent l'existence d'un Institut Royal de Recherche sur l'Histoire du Maroc ? Ne fut-ce que celle-là, voilà déjà une première vertu à cet évènement. 2-Un arrêt sur le présent : Le présent marocain est celui des transformations, des mutations mais aussi celui des frustrations. Si sur le plan économique et celui des infrastructures, les efforts se poursuivent sans relâche, les défis restent grands pour sauvegarder l'équilibre social et assurer un revenu de dignité à tous. Les réformes ne sont pas assez audacieuses, la corruption n'est pas affrontée, le champ politique est plutôt terne et reste dominé, évidence oblige, par un seul acteur, la monarchie. La volonté de modernité est freinée par de multiples archaïsmes. La culture de la méritocratie, de la responsabilité est un véritable labeur. Le pays regorge pourtant de potentialités humaines, contrariées voire brimées. Bref, le pays n'a pas le moral et a besoin d'électrochoc mobilisateur, surtout après les élections de septembre 2007 et l'échec de Tanger 2012 et la frustration qui en résulte, celles de Maroc 2010 et Maroc 2006 étant à peine oubliées. A ce titre là, le projet Maroc 1200 est une alternative multidimensionnelle propice. 3-La nécessité d'un projet pour l'avenir dans un monde globalisé et incertain: On ne vit pas que d'économie. Les gens dans ce pays ont besoin d'avoir un projet, de rêver, d'être rassurés sur leur place dans le monde. L'identité nationale, si elle est sereine et équilibrée, devient un facteur de paix et de cohésion. Si la victoire d'un athlète national ou de l'équipe nationale de football est toujours la bienvenue car elle fait plaisir, que dire de la célébration du patrimoine et de toute une civilisation ? A travers Fès et les villes impériales, c'est la contribution du Maroc à la civilisation universelle qui sera à l'honneur. Cela signifie que comme par le passé, nous avons la capacité de redevenir un contributeur actif à la mondialisation actuelle si nous savons faire confiance à nos compétences et notre intelligence. L'un des objectifs de la célébration « réhabiliter la mémoire pour construire la modernité et s'inscrire dans l'universalité» devra être un travail de tous les jours. La modernité est d'abord celle des mentalités, et suppose la liberté de ton, le débat contradictoire responsable. 4-La nécessité de saisir cette occasion pour défendre la cause nationale du Sahara . Est-ce opportun ? L'idée est que la commémoration de 12 siècles d'histoire est une opportunité formidable pour rappeler à tout le monde à travers le Monde que l'attachement du Sahara à la mère patrie est un fait multiséculaire, plusieurs dynasties régnantes du Maroc ayant leur origine au Sahara. Les personnalités politiques, intellectuelles et médiatiques du monde entier qui seront invitées pourraient ainsi véhiculer les messages qu'il faut au bénéfice de la sagesse de la position marocaine. Le modèle de gouvernance et le nouveau rôle du citoyen : La marche du Maroc vers la modernité et la démocratie est irréversible. Dans cette construction, le choix stratégique de SM Le Roi d'associer la société civile aux multiples actions nationales (ce qui est une tendance mondiale) est un signe majeur d'espoir et de maturité. Les observateurs internationaux relèvent que par rapport à la sphère Arabo islamique et méditerranéenne, la société civile marocaine est parmi les plus actives. Dans ce contexte, et à l'occasion de cet anniversaire historique, deux signes très positifs méritent d'être soulignés, en raison de leur originalité : La célébration a été voulue par les autorités suprêmes comme une opportunité de mobilisation des énergies plurielles des marocains et non pas une fête de l'Etat imposée à la population. Les acteurs, créateurs, intellectuels sont ainsi interpellés pour proposer eux-mêmes des activités, fruits de leur imagination ; En conclusion, si l'idée de base est elle-même l'osmose du génie royal et la passion de la société civile, la décision de lui donner corps est en soit la meilleure preuve que la stratégie participative n'est pas un vain mot. Tout citoyen est ainsi invité à contribuer à la marche de son pays.