Le CNDH condamne la violence et réclame la protection du droit de manifester    Résultats. La Bourse dopée par les télécoms au 1er semestre    Le Hamas d'accord pour libérer tous les otages    USA: le Sénat va voter pour la 4e fois sur une proposition de financement de l'Etat    Crédits-Dépôts bancaires : le tableau de bord de BAM en 5 points clés    Maroc-Allemagne : Première réunion du Groupe de travail sur l'alimentation et l'agriculture    Joe & The Juice s'installe au Maroc : une première en Afrique    Accord Maroc-UE : Revers pour le polisario après l'inclusion explicite des produits du Sahara    La FIFA dévoile Trionda, le ballon officiel de la Coupe du monde 2026    Botola : Résultats et suite du programme de la 4e journée    Botola : Victoire du Wydad Casablanca sur la pelouse du COD Meknes    Revue de presse de ce samedi 4 octobre 2025    Le temps qu'il fera ce samedi 4 octobre 2025    Les températures attendues ce samedi 4 octobre 2025    L'Humeur : Yves Saint Laurent, homme à chiens    Munich : le trafic aérien de nouveau interrompu après une alerte aux drones    Mondial U20 au Chili : Le Maroc « fascine »    Températures prévues pour le samedi 4 octobre 2025    Droits de douane : le gouvernement US promet une aide « conséquente » aux agriculteurs    Entre légitimité et inconstitutionnalité : les revendications de la Génération Z 212 en question    Maroc - Allemagne : La BVMW inaugure son bureau à Rabat    Une ONG appelle Israël à poursuivre Aziz Rhali et les participants marocains à la flottille Sumud    GenZ 212 llama a la diáspora marroquí a manifestarse por derechos políticos y sociales    Between legitimacy and unconstitutionality : GenZ 212 demands in question    Elections au Maroc : Le mouvement GenZ 212 pourrait «remodeler» le débat politique    Réforme de la santé : la pilule ne passe pas au parlement    Salon : cinquièmes "Lettres du Maghreb", pour habiter et écrire le monde (VIDEO)    Rendez-vous : demandez l'agenda    Maroc-UE : Amendement de l'accord agricole, les produits du Sahara inclus    Actes de violence et de vandalisme : les peines varient entre 10 et 30 ans de prison    Iresen et GGGI concluent un accord sur l'hydrogène vert à Marrakech    Signature à Bruxelles de l'échange de lettres amendant l'accord agricole Maroc-UE    Mondial U20 : le Mexique d'Eduardo Arce joue sa survie face au Maroc    Témoignant de l'ouverture du Maroc aux questions mondiales... Mohamed Oujar participe au Congrès pour la Paix en Chine    Maroc... Quand la stabilité devient la véritable richesse    Gestion de l'eau. La Sierra Leone rejoint la Convention des Nations Unies    Le Festival du cinéma méditerranéen à Tétouan rend hommage à : Nabil Ayouch, Aida Folch et Eyad Nassar    Manifestations au Maroc : L'ONU appelle à une enquête sur les violences meurtrières    Espagne : Un jeune marocain arrêté pour le meurtre d'un historien à Almería    Mondial U20 : Nigeria et Afrique du Sud relancés ; Arabie Saoudite éliminée    Botola D1 / J4 : Clasicos Saïss vs Casa en ouverture dès la fin de cet après-midi    Coupe du Monde 2026 : La FIFA dévoile le ballon officiel de la compétition « Trionda »    L'ONU salue le rôle du Maroc dans le soutien au processus humanitaire visant à réduire les impacts des conflits armés    SM le Roi présidera jeudi une veillée religieuse à l'occasion du 27e anniversaire de la disparition de Feu SM le Roi Hassan II    Street art : Fatima Ezzahra Khilad (Tima) fait voyager le vase de Safi à travers le monde [Portrait]    Salon du livre d'Oujda : ce qu'il faut savoir sur la prochaine édition (VIDEO)    La 27e édition de Jazz à Rabat clôturée avec succès    Trois films marocains en lice aux rencontres cinématographiques de Cotonou    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Mohamed Choukri, le poète cru
Publié dans La Gazette du Maroc le 24 - 11 - 2003

Après une longue maladie, Mohamed Choukri, l'écrivain maudit de Tanger, est décédé la semaine dernière. Son parcours intriguant aura été marqué par la recherche de l'authenticité et de la vérité que l'auteur du Rif et de la misère aura été chercher jusque dans son âme. Portrait en rime libre.
C'était un homme cru. A la silhouette longiligne et nerveuse, avec des moustaches à l'anglaise, avec un regard perçant d'oiseau de proie. Les cheveux gris depuis belle lurette. Ses yeux balayaient en permanence les rues, les recoins, scrutaient ses interlocuteurs comme pour leur soutirer leurs pensées les plus retranchées. Il avait un air aristocratique que la vie a lentement effacé de sa personne, au fil du temps, de l'alcool, du hash. Mohamed Choukri a traversé son époque en cassant des portes et en criant parfois plus haut que ne pouvait supporter sa voix. Comme un destin tout tracé qui commencera dans la misère et la marginalité qu'il s'appropriera pour revendiquer plus tard son expérience intime.C'était cela sa force, puiser dans son existence les éléments de son écriture, de ses rêves. Jeune, il s'exilera du Rif natal avec sa famille qui avait suivi le père vers les villes du Nord. Pieds-nus, allant à la recherche de son Eldorado, le jeune enfant gardera un goût amer de son enfance, qu'il essayera de retracer dans son premier ouvrage scandaleux, le “Pain nu”.Cette œuvre écrite en arabe, interdite à l'époque, racontera ses périples dans la montagne et la longue route jusqu'à sa ville d'adoption. Violé physiquement par les hommes, maltraité par son père, ayant connu la faim jusqu'à dévorer des racines d'arbustes, Mohamed Choukri a produit une œuvre violente, mal comprise, vite cataloguée comme vulgaire et fantaisiste. Mais c'était bien la vie de Marocains et du destin du Rif en général que nous contait l'auteur. Après sa réhabilitation, près de trente années plus tard, le récit reste un témoignage unique sur l'époque et a inauguré un genre picaresque qui inspirera d'autres auteurs du Nord. Mohamed Choukri était fidèle à sa mémoire. L'écrivain se confondait d'ailleurs avec l'homme. Il a profondément vécu sa condition d'artiste dans la ville de Tanger. Il connaissait Genet, fréquentait la plupart des adeptes de la Beat Génération menée par Paul Bowles et c'est même ce dernier qui le fera connaître au public américain en publiant aux Etats-Unis certains de ses récits. Mohamed Choukri défrayera la chronique, en publiant en 2003 un livre sur Bowles et Tanger. Il y dénoncera le mythe de Tanger, ses gens, la Beat Génération. Ce livre équivaut à un testament, le dernier livre de Choukri où il fait le dernier pas avec sa mémoire…
A Tanger, l'homme était saltimbanque et vivait seul dans un appartement situé en face du célèbre cinéma Goya. Il n'avait jamais pensé se marier, parce que semble-t-il, il n'avait jamais trouvé l'âme sœur. Dans un entretien à la Radio de Tanger, Mohamed Choukri avait affirmé un jour qu'il “ne souhaitait pas se marier avec la femme-tabou”.Etrange expression qui montre le froid qu'entretenait l'écrivain avec les vieilles traditions marocaines. On le rencontrait de préférence au bar Negresco, où il avait ses habitudes. Il dominait de sa silhouette imposante le comptoir et lançait des phrases marrantes aux amis qui l'accompagnaient. Toujours quelque chose à dire, le verbe facile, et ce maintien de dandy qu'il traînera jusqu'à la fin de la soirée. Mohamed Choukri n'oubliait pas ses origines. Mais il donnait l'impression d'être toujours pressé, d'avoir l'œil ailleurs, d'être mal à l'aise dans le rôle que la vie lui a donné à jouer. Il ne voulait aucune attache et n'en a point eu de véritable.C'était un frondeur, un casseur d'hommes qui maniait les idées comme il le ferait avec des épées tranchantes. Sa langue littéraire est ce reflet de la violence qui affleurait. Mélange d'argot et de styles modernes, il a réinventé son propre texte dès “le Pain nu” qui demeure son œuvre majeure. On se rappellera que Mohamed Choukri était analphabète jusqu'à l'âge de vingt ans. Oui, c'est à vingt ans qu'il apprit à lire et à écrire l'arabe, avant de relever le défi de cracher sur du papier les affres de son existence. Etait-il heureux ? Lourde question dont la réponse apparaît dérisoire dans la vie d'un intellectuel. La vie est faite de hauts et de bas, l'échelle est toujours ouverte et il ne faut pas chercher plus loin…
La vie était à ce point douloureuse et passionnée et l'air de Tanger lui allait à ravir. Pour tout l'or du monde il n'aurait échangé sa ville contre une autre. Quand il recevait chez lui, dans un appartement qui sentait le célibataire, Mohamed Choukri aimait raconter le bon vieux temps, l'âge de toutes les illusions à Tanger, où il se sentait comme assis sur le nombril du monde. La ville le lui rendait bien, puisqu'il était devenu un personnage populaire. On disait : “ah, ce vieux fou de Choukri”, en rigolant quand on venait à penser à lui. Il n'a jamais voulu s'éloigner des gens, préféré les livres aux compagnons humains, ni ne s'est retranché, comme d'autres auteurs marocains, dans son cocon d'écrivain. Il disait : “oui à la vie” en bloc, comme si tout cela était insuffisant et qu'il existait un monde parallèle que lui seul percevait et qu'il voulait atteindre.
Mohamed Choukri, grand écrivain ? Qu'importe cette seconde question dérisoire qui alimentera les débats esseulés des critiques … C'est surtout son rapport à l'écriture qui le prémunissait contre toute dérive et lui apportait sa plus grande joie sur terre. Non, ce n'était pas un être aimé, un membre de la famille, mais les mots qui ont bouleversé sa sensibilité en dégageant ce qu'il avait de mieux en lui. Sa vérité, son histoire personnelle qu'il refusait de déguiser. Il avait affirmé un jour : “les auteurs qui écrivent beaucoup de livres le font car ils sont incapables d'écrire la vérité, une bonne fois pour toute”.Et Choukri a agi durant sa vie comme si la carrière d'écrivain lui était venue par accident, sans endosser réellement le rôle d'auteur et d'essayiste, sans chercher à se convaincre de sa mission sur terre. En avait-il une et existe-t-il des missions pour les hommes ici-bas ? Il a surtout vécu, et il n'a écrit que pour raconter ce qu'il ressentait.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.