S.M en Arabie Saoudite et au Qatar Les troisième et quatrième étapes de la tournée de S.M le Roi Mohammed VI ont été consacrées à deux Etats du C.C.G (Conseil de Coopération du Golfe), qui jouent, à l'heure actuelle, des rôles significatifs. L'Arabie Saoudite “ chapeaute ” le plan de paix arabe alors que le Qatar préside aujourd'hui l' “ Organisation de la Conférence Islamique ”. De ce fait, le choix porté par le Souverain Chérifien sur ces pays n'est donc pas dû au hasard. Il se place non seulement au centre de ses préoccupations arabes et islamiques, mais également au cœur des intérêts bilatéraux du Maroc. Djedda, capitale économique du royaume et perle de la mer rouge, comme disent les Saoudiens, est devenue, depuis le retour du prince héritier Abdallah Ibn Abdelaziz de sa tournée aux Etats-Unis, au Maroc et en Egypte, un passage obligé pour tous ceux qui sont généralement concernés par la solution du problème du Moyen-Orient et, plus particulièrement, pour ceux qui ont un rôle incontournable dans ce processus. C'est le cas de S.M le Roi Mohammed VI et du souverain Hachémite Abdallah II. Tous deux soutiennent à fond l'initiative de paix saoudienne, “ arabisée ” à l'unanimité lors du sommet de Beyrouth. Si la visite du Roi du Maroc à ce pays frère et allié, consiste à consolider l'esprit de concertation permanente et de coordination continue des positions, le déplacement du roi de Jordanie, quant à lui, est nuancé. Ce dernier, inquiété par le jeu en solo effectué ces dernières semaines par l'Egypte, notamment pour ce qui est des dispositifs de sécurité régionale, s'est rendu auprès du prince Abdallah pour en savoir plus sur ce sujet. Amman a le sentiment qu'elle a été écartée du mini-sommet de Charm al-Cheikh qui a regroupé, en plus du responsable saoudien, les présidents Moubarak et Bachar al-Assad. Les Jordaniens estiment qu'ils ont droit à une explication surtout que leur pays supportera directement les conséquences d'une quelconque solution de paix. Ce souci a d'ailleurs, selon Marwan al-Muashar, ministre jordanien des Affaires étrangères, été évoqué lors de la rencontre avec S.M Mohammed VI. En tout état de cause, l'étape saoudienne dans la tournée de S.M Mohammed VI, a une importance particulière. Elle a permis, d'une part, de mesurer de très près le développement rapide de la situation ; et de l'autre, d'aider l'establishment marocain à définir sa nouvelle stratégie moyen-orientale en fonction des éléments collectés sur le terrain. L'alliance privilégiée La visite de travail du Souverain, en Arabie Saoudite, est la troisième du genre depuis son accession au trône en juillet 1999. La première s'était effectuée en décembre de cette même année et la deuxième, début février dernier. “ Notre fils S.M Mohammed VI est chez lui au Royaume, il n'a pas besoin d'invitation ” ; phrase souvent répétée par le prince héritier Abdallah, souligne son entourage. De toute façon, les dirigeants saoudiens apprécient de plus en plus la nouvelle dynamique entreprise par le Maroc à l'égard du processus de paix au Moyen-Orient. Ils estiment qu'il y a une parfaite complémentarité entre les deux pays aussi bien au niveau de l'approche politique que sur le plan des démarches pratiques. “ Nous étions toujours sur la même longueur d'onde pour ce qui est de l'intérêt de la nation arabe et islamique ”, tiennent à rappeler les différents responsables saoudiens à chaque occasion. Ainsi, S.M n'est pas venu en Arabie Saoudite pour convaincre ses hôtes de ses idées, ni pour avoir leur soutien pour un quelconque projet, car cela va de soi. L'alliance stratégique entre les deux royaumes ne date pas d'hier, de l'initiative de paix saoudienne ou de la présidence par le Souverain du Comité Al-Qods. Elle a commencé bien avant l'indépendance du Maroc avec Feu le Roi Mohammed V, puis s'est renforcée avec Feu Hassan II et se développera sans doute avec S.M. Mohammed VI. Pour le reste, c'est-à-dire les relations économiques, elles suivent leur cours normal suivant les termes des accords et les plans définis par les deux parties. Cela dit, il n'y a aucune raison ou nécessité pour que ce sujet soit soulevé au cours de cette visite de travail de quarante-huit heures. Ce qui lie Riad et Rabat, va au-delà du conjoncturel, du coup par coup. Il s'agit d'une relation profonde, claire et sans faille. Cela a été démontré, à plusieurs reprises, durant les trois dernières décennies, notamment dans des périodes difficiles par lesquelles sont passés le Maroc et l'Arabie Saoudite, chacun de son côté. Les réunions du Roi Mohammed VI à Djedda se sont concentrées sur l'avenir de la paix et sur les moyens adéquats visant à aider l'Etat palestinien à voir le jour en 2003. Et le plus important, sauver les lieux Saints de l'Islam. C'est une responsabilité marocco-saoudienne, précisément dans cette étape cruciale de notre histoire contemporaine. C'est dans ce contexte aussi qu'il faut situer l'appel de S.M à travers la lettre adressée à l' “ Organisation islamique pour les sciences et la culture ”, réunie à Rabat vendredi dernier, par laquelle, il lui demande d'unifier les forces des Musulmans et des Chrétiens dans le but de sauver “ Al-Qods al-Charif ” des opérations de judaïsation et de destruction menées par l'occupant israélien. Ces propos directs et responsables reflètent l'orientation prise par le Maroc dans le proche avenir, notamment en ce qui concerne le conflit israélo-arabe et la question palestinienne. Position qui va dans le sens de l'esprit de solidarité arabe, initiée à Damas et consolidée à Djedda, puis à Doha. S.M s'est engagée à œuvrer pour l'unification des rangs arabes, et au renforcement de l'action commune pour faire face aux nouveaux défis qui attendent la nation avec l'intransigeance d'Ariel Sharon et son gouvernement. Qatar : nuages dissipés Il est inconcevable de se lancer dans un processus d'unification des rangs ou de solidarité s'il reste un seul obstacle qui envenime les relations du Maroc avec un pays arabe frère. Conscient de la tâche qui l'attend, S.M a pris l'initiative, en décidant de visiter le Qatar, mettant ainsi fin à une période de froideur qui a frappé les relations bilatérales. Cette visite qualifiée par les Qataris, et en premier lieu par le chef de l'Etat, Cheikh Hamad Ben Khalifa Al-Thani, d'“événement historique ”, a permis de remettre les pendules à l'heure. “ Nous ne permettrons plus jamais à quiconque de perturber nos relations fraternelles avec le Maroc ”, soulignent les responsables qataris. Les trois rounds de discussions entre S.M et Cheikh Hamad ont fini par dessiner les contours de la prochaine coordination politique entre les deux pays. Les relations économiques et commerciales ont occupé une place primordiale, affirment des sources du “ Diwan al-Amiri ” à Doha. Ce n'était en fait qu'une concrétisation de ce qui a été mis en place, quelques jours auparavant à Rabat par le haut comité mixte, dirigé par les ministres des Affaires étrangères des deux pays. Ce pas franchi va sans doute propulser les anciens accords de coopération en matière économique et surtout d'investissement, signés en 1990 et presque gelés suite aux malentendus qui ont surgi plus tard. Ce qui a limité les échanges commerciaux à quelques 39,5 millions de dirhams. Le Qatar, qui a reçu S.M à bras ouverts, d'une manière exceptionnelle, tient à développer ses relations avec le Maroc. Il a anticipé en inaugurant au début de ce mois la ligne Doha-Casablanca, qui sera desservie par sa compagnie nationale “ Qatar Airways ”. De sources bien informées à Doha, la Gazette du Maroc a appris que les décideurs de ce pays sont intéressés depuis un certain temps d'investir dans des secteurs marocains tels que : l'immobilier, les zones franches et les industries manufacturières. Ils comptent en plus créer des banques d'affaires mixtes à l'instar de ce qui a été fait en Algérie. Parallèlement, le Qatar, désireux de jouer un rôle politique régional, a proposé au Maroc de coordonner leurs efforts sur la question palestinienne, notamment en cette période où Doha préside la session de l'“Organisation de la Conférence Islamique”. Sa Majesté, en tant que président du Comité Al-Qods, a confié au ministre des Affaires étrangères, Mohamed Benaïssa, de mettre sur pied, conjointement avec son homologue qatari, le mécanisme adéquat. La visite de S.M le Roi Mohammed VI dans ces deux pays du Golfe, qui sera suivie prochainement par un déplacement au Koweït, était indispensable après celles effectuées à Amman et Damas. À travers son Roi, il ne manque presque plus rien au Maroc pour définir les grands axes de sa stratégie moyen-orientale. Et, de là, jouer le rôle souhaité par ses pairs : “ Le Rassembleur ”.