Dans un coin de plage, sur la belle corniche d'Essaouira, comment passer sans s'arrêter à côté d'un chalet qui fait face à l'océan, surnommé «Chalet de la plage» ou encore «Chez Jeannot» ? Un restaurant familial, où l'on se sent chez soi, avec un personnel atypique dont l'accueil devrait servir d'exemple à toutes les chaînes de restaurants dans le monde, dans la plus grande simplicité et le raffinement le plus total... Bienvenue chez Jeannot. Comment passer un séjour à Essaouira sans goûter aux spécialités de «Jeannot», endroit presque incontournable de la presqu'île? L'on est restaurateur de père en fils depuis 1936 dans la famille Ben Ghadda, et Khaled affectionne ce métier et cette ville depuis qu'il a 13 ans, depuis le jour ou son père décide de quitter Marrakech pour s'installer à Essaouira et reprendre un petit coin de paradis: le chalet de la plage. Tout en bois, au bord de la mer, l'endroit est doté d'une terrasse qui redonne goût à la vie. «Le Chalet de la plage date de 1893. C'était une ancienne baraque où les Européens venaient prendre leurs collations. Avec l'arrivée de la France au Maroc, c'est devenu un petit restaurant où les gens venaient déjeuner, prendre leur repas. Au fur et à mesure, c'est devenu un endroit marquant pour les gens, où on fêtait un mariage, une naissance. On a gardé ce cachet familial», explique le maître des lieux Khaled Ben Ghadda, qui vous accueille comme à la maison, en mettant la main à la pâte, s'occupant de ses clients tout en s'assurant qu'ils ne manquent de rien. Le sourire aux lèvres et la bonne humeur contagieuse comme principes de la maison, le restaurateur qui se fait appeler «Jeannot» hérite cela de son père qu'on prénommait «jeunot» à l'époque, appellation qui s'est vue changée par abus de langage. Cette famille qui a choisi Essaouira, à l'époque où la ville n'était pas au meilleur de sa forme, est devenue avant-gardiste, dont les membres figuraient parmi les premiers à instaurer le tourisme dans la ville. Entre quelques blagues du personnel qui mettent tout de suite à l'aise et le service sans faute de cette petite famille qui travaille depuis des années dans le restaurant, le client toujours roi savoure les spécialités maison, à base de fruits de mer et de grillades de poissons, avec une pointe d'épices locales, comme le célèbre tajine d'huîtres ou les succulents tajines de crevettes, de boulettes de sardines ou encore de boulettes de merlan. «Le plus récent des employés a déjà 14 ans de service. Ils ont tous 25-30 ans de service, le plus vieux est ici depuis 42 ans maintenant. On est une petite famille. Ce n'est pas moi qui les paie, c'est le client». Une histoire de liens du sang, mais également de liens qu'ils ont su créer avec le personnel et les clients, font de cet endroit un coin où il fait bon s'attabler, s'oublier. Oublier certes, mais pas pour les Ben Ghedda qui n'oublient pas le passé, les origines et l'amour pour la ville qui leur a rendu ce qu'ils lui ont donné. «J'ai vu décoller Essaouira. Elle a décollé au moment où il y a eu désenclavement. C'était la première ville ouverte sur le monde, qui a permis le commerce vers l'étranger. Une petite léthargie s'est installée après le départ des commerçants, mais c'est de l'histoire ancienne «grâce à l'implication de personnalités qui aiment la ville comme André Azoulay, Amine Belkadi ou encore le nouveau wali de Marrakech, Abdeslem Bekrate», confie le restaurateur qui se sent plus souiri qu'un natif d'Essaouira puisqu'il a choisi d'y vivre et d'y rester. Il a construit un orphelinat qui accueille 100 enfants abandonnés et qui vit des dons de bienfaiteurs, et des 50 centimes sur chaque repas servi au restaurant. «Chez Jeannot» a fait le bonheur de grandes personnalités, d'écrivains, d'hommes de lettre, de cinéastes, d'hommes politiques, de touristes, de gens de passage, d'amoureux de la ville, et surtout des Souris.