Le ton est donné. Annoncé depuis quelques mois, le durcissement de la réglementation autour de ces opérations de rachat d'action se confirme. Suite à l'adoption par le conseil du gouvernement, en mai dernier, d'un projet de décret fixant les nouvelles conditions dans lesquelles peuvent s'effectuer les rachats d'actions en Bourse, le Premier ministre vient de publier dans le dernier bulletin officiel un nouveau texte devant servir de base à la nouvelle réglementation. Un signe de plus que le lancement par le CDVM de la nouvelle circulaire régissant ces opérations est plus que jamais proche. D'ailleurs, on murmure dans les couloirs du gendarme du marché que celle-ci serait prête depuis plusieurs semaines et serait incessamment mise en consultation, comme le veut la tradition, auprès du public et des professionnels. Concrètement, le législateur a introduit dans le décret l'obligation pour les sociétés cotées de confier l'exécution de leurs programmes de rachat d'actions à une seule société de Bourse. Les autres amendements concernent, entre autres, l'obligation de publication de la note d'information relative au programme, et incitent la société gestionnaire de la Bourse de Casablanca à informer le CDVM de tout agissement entravant le bon fonctionnement du marché. Ces points, bien que communément admis (le CDVM régissant ces volets dans son ancienne circulaire), étaient en effet négligés dans l'ancienne version du texte de loi, ce dernier datant de 2003. Cependant, ce dispositif réglementaire ne précise toujours pas les modalités d'intervention des entreprises cotées et des sociétés de Bourse qu'elles mandatent sur leurs propres titres, ce qui induit la nécessité de le compléter par la circulaire du CDVM. Limitation des volumes de transaction pour chaque société Celle-ci devrait ainsi, selon des professionnels, «délimiter la période d'intervention des programmes de rachat». Il s'agit en fait d'interdire l'exécution de ces programmes pendant la période de formation des cours de clôture, notamment pour les sociétés dont les actions sont cotées en continu. Cette mesure devrait ainsi empêcher que les sociétés interviennent pour orienter les cours de leurs titres à la hausse en se positionnant à l'achat à la clôture des séances. «La trésorerie réservée au programme de rachat devrait également être mise sous la loupe pour les sociétés dont la situation financière affiche un endettement important», ajoute un gestionnaire d'une société de Bourse de la place. Dans le même sens, les volumes de transaction pour chaque société devraient être limités à des niveaux raisonnables pour que ces opérations ne faussent pas la tendance du marché. Il faut dire que «les interventions massives de certaines entreprises dans le cadre de leur programmes de rachat d'actions, comme cela a été le cas en 2008, peuvent amener une réduction du flottant en Bourse», explique la même source. Dans ce contexte, la liquidité des titres s'en trouve forcément imfluencée, notamment quand il s'agit d'exécuter les programmes de rachat d'actions à des fins autres que celles de régulariser le cours de l'action et de ne pas réinjecter les titres rachetés dans le circuit boursier. En effet, dans certains cas, le rachat d'actions devient un outil stratégique. Cela a notamment été le cas en début d'année pour BMCE Bank. À cette époque, la banque bleue avait utilisé les 8 millions de titres rachetés sur le marché afin de conclure son méga deal stratégique avec la CDG. Après la publication de la nouvelle circulaire, ce genre de pratique ne serait plus toléré, puisque le CDVM prévoit d'interdire l'exécution des programmes de rachat sur le marché de blocs. Par ailleurs, d'autres volets seraient également à l'ordre du jour dans la nouvelle circulaire et concerneraient notamment la réglementation des prix d'intervention par les cours sur le marché. C'est dire que le marché boursier est en phase de se doter, enfin, d'une réglementation adéquate pour les programmes de rachat d'actions. Cependant, une fois officialisée, le CDVM aura-t-il les moyens de sanctionner ceux qui vont l'entraver ? Rien n'est moins sûr, puisque la sanction n'a, historiquement, pas été le point fort du gendarme de la Bourse.