La refonte du contrôle des primes d'investissement, pilotée par l'OEC, l'AMDIE et le ministère, instaure un cadre normatif exigeant fondé sur la transparence et la performance. Loin d'être un frein, elle sécurise le dispositif, renforce la crédibilité des bénéficiaires et garantit une allocation optimale des fonds publics, bénéfique à long terme pour l'attractivité du Maroc et la rentabilité des projets éligibles. La publication, le 4 juillet 2025, par l'Ordre des experts-comptables du Maroc (OEC) d'une nouvelle directive encadrant l'émission des attestations pour le déblocage des primes à l'investissement (loi-cadre n°03-22) marque un tournant significatif dans l'exécution de la Charte de l'Investissement. Cette version, élaborée conjointement avec le ministère de tutelle et l'AMDIE, annule et remplace celle du 18 décembre 2024. Elle instaure un cadre normatif plus strict, fondé sur la transparence, la rigueur et la performance, impactant directement les investisseurs, les professionnels comptables et l'administration. Que retenir de ce changement et quelles sont ses implications concrètes ? Un cadre normatif contraignant pour les professionnels comptables La nouvelle directive instaure un cadre opérationnel strict et détaillé pour les experts-comptables et commissaires aux comptes chargés d'émettre les attestations de déblocage des primes d'investissement. Elle définit exhaustivement leur rôle, leurs conditions d'intervention et les diligences impératives à mener dans le cadre de cette mission ponctuelle standardisée. Celle-ci, essentielle au décaissement de chaque tranche de subvention, doit désormais être réalisée selon les normes professionnelles marocaines relatives aux «missions d'examen sur la base de procédures convenues», soumettant le professionnel à une rigoureuse obligation de moyens. Concrètement, le périmètre de contrôle est strictement circonscrit à la vérification de concordance de cinq engagements spécifiques du dispositif principal : les investissements réalisés (total et primable), les emplois stables créés, le ratio emplois stables, le ratio genre et le taux d'intégration locale (TIL). Une précision qui élimine toute ambiguïté sur ce qui est attendu d'eux. Pour les professionnels, cela implique une maîtrise impérative du Code des devoirs professionnels et une connaissance approfondie de la Charte de l'investissement et de ses textes d'application. Leur jugement professionnel, bien que préservé, est désormais encadré par une liste détaillée de diligences obligatoires couvrant l'ensemble des éléments contrôlés. De plus, ils doivent systématiquement matérialiser leurs travaux dans un dossier probant et obtenir une lettre d'affirmation formelle de l'entité auditée. L'utilisation obligatoire des modèles standardisés pour la lettre de mission et les attestations (Annexes 1 à 11) harmonise et formalise la pratique, renforçant la cohérence et la traçabilité. Comme souligné par la directive, «cette intervention requiert des délais minimums afin que le professionnel puisse mettre en œuvre ses diligences en application des exigences et normes professionnelles», imposant ainsi une planification minutieuse et anticipée des missions pour garantir leur conformité et leur robustesse face au cadre normatif renforcé. Un processus de déblocage structuré et exigeant pour les investisseurs Il faut noter que la directive formalise et rigidifie le processus de déblocage par tranche de primes, distinct selon le type d'éligibilité du projet (montant d'investissement ≥ 50 MDH ou création de 150 emplois stables). Elle précise sans équivoque les éléments contrôlés et la quote-part de prime décaissée à chaque étape (30%, 40%, solde). Concrètement, l'obtention de chaque tranche est désormais conditionnée à la production d'une attestation spécifique du professionnel, fondée sur des preuves documentaires irréfutables et vérifiées selon des critères stricts. Les seuils intermédiaires (30%, 70%) et finaux (100%) des engagements font l'objet d'un contrôle renforcé. La définition même d'«emplois stables» est resserrée : seuls les contrats écrits (CDD/CDI), exclusifs des programmes d'incitation à l'emploi (Tahfiz, Idmaj), conclus avec des salariés de nationalité marocaine (vérifiée par la CNIE), immatriculés à la CNSS et déclarés pendant au moins 18 mois consécutifs (avec une présence minimale de 26 jours/mois) sont éligibles. Par ailleurs, le calcul du ratio genre et surtout du TIL repose impérativement sur la moyenne des deux derniers exercices clos et complets, ces derniers devant obligatoirement être certifiés par un audit (légal ou contractuel) pour le TIL, même pour les sociétés non soumises à l'obligation légale de certification. Pour les investisseurs et leurs DAF, cette évolution se traduit par une charge administrative et probatoire accrue. Ils doivent impérativement anticiper et organiser la constitution de dossiers complets et traçables dès le lancement du projet, incluant pour chaque investissement les factures détaillées, les bons de livraison et les preuves de paiement bancaires, et pour chaque emploi les contrats, copies de CNIE et attestations CNSS pertinentes, tout en préparant méticuleusement les annexes requises (2 à 5). Le strict respect des méthodes de calcul et hypothèses définies dans la convention signée est crucial, notamment concernant le plafonnement du foncier privé à 20% de l'investissement primable et l'exclusion totale du foncier public. La planification de la certification des comptes pour le TIL devient une étape obligatoire pour de nombreuses sociétés. Enfin, une collaboration étroite et proactive avec le professionnel est indispensable pour fournir tous les documents en temps utile et signer la lettre d'affirmation requise, la directive rappelant que «la réalisation de cette mission reste subordonnée à la disponibilité de toutes les pièces justificatives requises». Une garantie de sérieux pour l'Etat et l'AMDIE Disons que la directive consolide fondamentalement la crédibilité opérationnelle du système d'incitation marocain en instaurant un contrôle normalisé des attestations de déblocage. Par cette standardisation méthodologique, l'Etat garantit que les primes ne sont décaissées qu'après vérification probante du respect des engagements contractuels, selon un processus uniforme et professionnel. Concrètement, ce cadre renforcé offre à l'administration un mécanisme de contrôle indirect robuste, délégué à des professionnels indépendants soumis à une déontologie stricte (Code des devoirs professionnels) et à des diligences exhaustives. L'exclusivité des attestations pour le déblocage des primes, couplée à la définition précise des contrôles obligatoires, réduit les risques d'erreurs ou de fraudes tout en rationalisant le processus par une focalisation sur cinq engagements mesurables du dispositif principal. Pour l'AMDIE et le ministère de l'Investissement, cette évolution se traduit par une capacité décisionnelle optimisée : ils s'appuient désormais sur des attestations homogènes, comparables et juridiquement sécurisées, émises selon les normes les plus exigeantes de la profession comptable. La collaboration institutionnelle avec l'Ordre des experts-comptables matérialise ainsi une gouvernance fondée sur «la transparence, la rigueur et la performance, au service à la fois des investisseurs et de l'Etat», permettant un pilotage plus efficace des fonds publics et une meilleure évaluation de l'impact réel des investissements subventionnés. Une étape vers plus de transparence et de performance, au prix d'une rigidité accrue Comme l'on peut le constater, la nouvelle directive de l'OEC représente une avancée majeure pour sécuriser le processus de déblocage des primes d'investissement. Elle offre un cadre clair, normé et professionnel, renforçant la confiance entre les parties prenantes et la crédibilité de la Charte de l'Investissement. Pour les investisseurs et leurs DAF, elle se traduit par une exigence accrue de traçabilité, de conformité documentaire et de planification, notamment concernant la gestion des emplois et la certification des comptes pour le taux d'intégration locale (TIL). Pour les experts-comptables, elle formalise et alourdit la mission, nécessitant une expertise pointue et un strict respect des délais et procédures. Pour l'Etat, elle constitue un outil puissant pour s'assurer de l'effectivité et de la sincérité des investissements subventionnés. L'enjeu désormais réside dans sa mise en œuvre efficace et harmonieuse par tous les acteurs, afin que cette rigidité accrue serve effectivement l'objectif de performance économique visé par la Charte. Une étape vers plus de transparence et de performance, au prix d'une rigidité accrue Comme l'on peut le constater, la nouvelle directive de l'OEC représente une avancée majeure pour sécuriser le processus de déblocage des primes d'investissement. Elle offre un cadre clair, normé et professionnel, renforçant la confiance entre les parties prenantes et la crédibilité de la Charte de l'Investissement. Pour les investisseurs et leurs DAF, elle se traduit par une exigence accrue de traçabilité, de conformité documentaire et de planification, notamment concernant la gestion des emplois et la certification des comptes pour le taux d'intégration locale (TIL). Pour les experts-comptables, elle formalise et alourdit la mission, nécessitant une expertise pointue et un strict respect des délais et procédures. Pour l'Etat, elle constitue un outil puissant pour s'assurer de l'effectivité et de la sincérité des investissements subventionnés. L'enjeu désormais réside dans sa mise en œuvre efficace et harmonieuse par tous les acteurs, afin que cette rigidité accrue serve effectivement l'objectif de performance économique visé par la Charte. Bilal Cherraji / Les Inspirations ECO