Jadis symbole des montagnes majestueuses du Moyen Atlas, Dayet Aoua n'est plus qu'un cratère de terre fendue, vestige d'un lac disparu. Asséché par les effets conjugués du changement climatique et de la pression humaine, ce lac emblématique est au centre d'un ambitieux programme de restauration. Portée par l'organisation Living Planet Morocco, l'initiative «Revive Dayet Aoua» entend redonner vie à ce joyau écologique et restaurer son réseau hydraulique ancestral. Il fut un temps où le lac Dayet Aoua était un lieu de promenade et d'émerveillement. Niché à une vingtaine de kilomètres d'Ifrane, au cœur du Moyen-Atlas, il attirait les visiteurs des quatre coins du pays, pour la beauté de ses eaux turquoise, ses nuées d'oiseaux migrateurs et la sérénité des forêts avoisinantes. Aujourd'hui, le paysage a changé. Mais, au grand dam des amateurs de la nature, le lac s'est retiré, laissant place à une cuvette asséchée et déserte. Les causes en sont multiples : changement climatique, surexploitation des ressources hydriques, urbanisation épase… Résultat : Dayet Aoua, jadis perle du Maroc verdoyant, est aujourd'hui un joyau en péril. Réhabiliter le réseau hydraulique du lac Face à cette urgence, l'organisation Living Planet Morocco (LPM) a lancé le programme «Revive Dayet Aoua», une initiative de restauration et de valorisation écologique. Objectif : relancer l'approvisionnement du lac en eau, restaurer les habitats naturels et redonner à ce site emblématique ses fonctions écologiques, scientifiques et socio-économiques d'antan. Le projet s'inscrit dans le cadre du Fonds de l'eau du Sebou, un mécanisme de coopération réunissant plusieurs institutions publiques et locales : la province d'Ifrane, la commune de Dayet Aoua, l'Agence du bassin hydraulique du Sebou, la direction régionale des Eaux et Forêts et la direction provinciale de l'Agriculture d'Ifrane. À leurs côtés, des bailleurs de fonds internationaux tels que la Fondation MAVA et le Programme de microfinancements du Fonds pour l'environnement mondial (FEM). Sous la responsabilité directe de la présidente de LPM et en concertation avec le chef du programme Eaux douces et l'Agence du bassin hydraulique du Sebou, un consultant sera mandaté pour conduire une étude technique approfondie. Celle-ci vise à réhabiliter et à reconstruire le réseau traditionnel des saguias qui acheminaient autrefois l'eau depuis les sources de Tigzert et Sidi Mimoun jusqu'au lac, tout en prévoyant un seuil de dérivation sur l'oued El Kantra pour capter et réguler les apports hydriques vers Dayet Aoua. La consultation porte sur l'élaboration de l'Avant-projet détaillé (APD) et du Dossier de consultation des entreprises (DCE) relatifs à la réhabilitation du réseau d'alimentation et à la conception du seuil de dérivation. L'étude comprend la vérification du tracé et de l'état des saguias existantes, l'évaluation des débits des sources et de l'oued, ainsi que la réalisation d'études hydrauliques et géotechniques sur les tronçons concernés. Elle intègre également la conception et le dimensionnement des ouvrages à restaurer ou à reconstruire, l'établissement des plans détaillés, des notes de calcul, des profils et des estimations techniques. Ces travaux préparatoires permettront d'assurer la durabilité des infrastructures tout en respectant l'équilibre écologique du bassin. Le projet ambitionne de restaurer non seulement un réseau hydraulique ancestral, mais aussi d'assurer une continuité écologique et culturelle, reliant les sources, les forêts et le lac dans un même cycle de vie régénérée. Un site d'intérêt écologique Le lac Dayet Aoua n'est pas un site ordinaire. Il est classé Site d'intérêt biologique et écologique (SIBE), identifié comme aire d'importance internationale pour les oiseaux, et inscrit sur la liste Ramsar des zones humides protégées. Sa restauration vise à améliorer les valeurs patrimoniales et les fonctions écologiques actuelles de la zone, tout en soutenant la préservation de la biodiversité locale dans une époque marquée par les changements globaux. Ce projet entend aussi raviver le potentiel paysager et écotouristique du site. Dans une région où les ressources hydriques s'amenuisent, Dayet Aoua représente un véritable laboratoire de gestion durable de l'eau, conciliant besoins agricoles, conservation des milieux et valorisation économique. Mais au-delà du génie civil, le programme «Revive Dayet Aoua» se veut un projet de société. Son ambition est d'incarner une écologie de réconciliation, entre développement humain et préservation de la nature, entre mémoire locale et innovation environnementale. En s'appuyant sur les savoir-faire ancestraux, il vise à instaurer une dynamique territoriale inclusive, créatrice d'emplois locaux et promotrice d'un écotourisme raisonné. Dans un contexte de stress hydrique croissant, le projet Dayet Aoua prend valeur d'exemple. Il démontre qu'une alliance entre la science, la technique et la volonté collective peut restaurer les équilibres naturels et renforcer la sécurité hydrique du pays. À terme, les promoteurs espèrent voir renaître le lac dans sa splendeur d'antan. Maryem Ouazzani / Les Inspirations ECO