L'Agence marocaine du médicament et des produits de santé (AMMPS) clarifie la situation des médicaments essentiels. Pour la première fois, elle a présenté, devant la Commission des secteurs sociaux à la Chambre des représentants, un exposé exhaustif dévoilant des données techniques, notamment sur le chlorure de potassium, qui a suscité les débats récemment. Elle a également présenté des détails relatifs aux autorisations exceptionnelles et aux interventions menées par l'Agence afin de garantir la sécurité pharmaceutique nationale. Dans un contexte marqué par une polémique autour de l'importation du chlorure de potassium, l'Agence marocaine du médicament et des produits de santé (AMMPS) livre sa version. Dans un exposé devant la Commission des secteurs sociaux à la Chambre des représentants, elle affirme que les difficultés constatées n'étaient pas dues à une «mauvaise gestion», comme cela a été avancé, mais à des contraintes techniques au sein des unités de production. Selon l'Agence, toutes les interventions ont été menées dans le strict respect de la loi et conformément à des procédures rigoureuses. L'AMMPS a ainsi commencé par souligner l'obligation pour les établissements pharmaceutiques industriels et les importateurs de constituer un stock de réserve d'au moins trois mois de médicaments essentiels, conformément à une décision ministérielle obligatoire. Dans ce cadre, elle souligne qu'elle veille à suivre les déclarations régulières de stock, à demander des rapports périodiques sur son évolution et à activer les procédures légales en cas de non-conformité. Ce dispositif a permis d'intervenir de manière précoce dans le dossier du chlorure de potassium avant d'atteindre un stade de rupture critique. Chlorure de potassium : l'origine du problème La polémique sur l'importation du chlorure de potassium a démarré lorsque le ministère de la Santé a été accusé de favoritisme dans l'importation de chlorure de potassium, en tension. Le débat a pris de l'ampleur après une intervention du député Abdellah Bouanou. Le ministère de tutelle était alors intervenu pour démentir tout favoritisme et rappeler que ses actions sont dictées par la nécessité d'assurer la sécurité de l'approvisionnement. Dans son exposé, l'Agence a rappelé la chronologie des faits. D'abord, l'arrêt de la ligne de production des injectables en raison de travaux de réaménagement chez le fabricant. En février dernier, les inspections préliminaires avaient montré des équipements de stérilisation non opérationnels, un espace de prélèvement d'échantillons non conforme et des balances de pesée essentielles non calibrées. Bien qu'un stock prévu pour couvrir quatre mois ait été constitué, l'unité n'était pas encore pleinement fonctionnelle. Après plusieurs visites techniques, l'utilisation de la nouvelle unité a été autorisée le 28 mai 2025, permettant ensuite la mise à jour du dossier. Pour l'Agence, ces éléments démontrent que le problème était strictement technique et interne à l'usine, sans lien avec une décision administrative, une commande ou une gestion irrégulière. Elle révèle d'ailleurs un suivi rapproché durant toute cette période visant à éviter une crise nationale : un accompagnement technique intensif, des visites d'inspection répétées pour suivre l'avancement des travaux ainsi qu'une évaluation continue des dossiers techniques afin de garantir la conformité aux normes internationales. En parallèle, et afin d'éviter toute rupture, il a été procédé à l'activation de la procédure d'autorisation exceptionnelle d'importation selon les lois 17-04 et 22-10. Des autorisations temporaires, pour assurer l'approvisionnement urgent, ont également été accordées. De plus, l'Agence a procédé au traitement de toutes les demandes émanant des établissements de santé en situation d'urgence. Durant tout cette période, elle a également assuré une coordination quotidienne avec la Direction de l'approvisionnement, un suivi des stocks disponibles, l'identification des besoins urgents et l'affectation directe des quantités tant aux services de réanimation que d'urgence. Des mesures qui ont permis d'éviter la rupture d'un médicament vital, susceptible de mettre en péril la vie des patients. Autorisations exceptionnelles : baisse remarquable en 2025 Plus globalement, les données communiquées par l'AMMPS montrent une évolution significative du nombre d'autorisations exceptionnelles entre 2024 et, dans une moindre mesure, en 2025. L'année 2024 a connu une hausse importante de ces autorisations, en raison de la pression mondiale sur les matières premières et des perturbations industrielles observées à l'international. Le volume total avait alors atteint 529 autorisations. En 2025, la tendance s'est ralentie. Grâce aux interventions menées au niveau national, le nombre d'autorisations exceptionnelles a reculé pour s'établir à 319. Cette baisse traduit l'impact direct des actions initiées pour stabiliser l'approvisionnement. Selon l'Agence, l'ensemble des interventions réalisées au cours de cette période ont été menées conformément à ses missions réglementaires. Les difficultés rencontrées relevaient de contraintes techniques internes, ce qui a nécessité une réaction rapide afin d'en limiter les effets. La procédure d'autorisation exceptionnelle, appliquée dans un cadre strict et encadré, demeure un dispositif rigoureux qui empêche tout abus ou favoritisme. Les mesures anticipatives engagées ont permis d'assurer la continuité de l'approvisionnement des services vitaux, assure l'Agence. La reprise de la production nationale du KCl a également contribué à rétablir la stabilité du marché. L'agence affirme poursuivre ses efforts afin de renforcer la souveraineté pharmaceutique et consolider la confiance des acteurs dans le système national du médicament. Mécanisme d'octroi d'une autorisation exceptionnelle L'AMMPS a rappelé que la procédure d'autorisation exceptionnelle est un dispositif légal qui ne peut être activé que dans des situations précises et encadrées. Ce mécanisme, souvent associé aux cas d'urgence thérapeutique, répond à une série de conditions strictes visant à garantir qu'il ne soit mobilisé que lorsque cela s'avère indispensable pour la continuité des soins. Selon les explications apportées, l'autorisation exceptionnelle n'est envisagée qu'en l'absence du médicament sur le marché national, lorsqu'une situation clinique urgente menace la vie d'un patient, qu'aucune alternative thérapeutique n'existe, ou lorsque la demande émane d'un établissement de santé public. Elle peut également être utilisée dans le cadre d'études cliniques nécessitant un produit non disponible localement. Cette liste limitative reflète la nature hautement réglementée du dispositif. L'agence précise également que la procédure exige un ensemble de documents obligatoires. L'étude des dossiers, quant à elle, se déroule en deux étapes distinctes. La première consiste en une évaluation réglementaire visant à vérifier l'exactitude et la conformité des documents transmis, ainsi que la cohérence des quantités sollicitées. La deuxième étape repose sur une évaluation scientifique et pharmaceutique destinée à examiner l'efficacité, la sécurité et la justification médicale du produit demandé. À l'issue de ces deux étapes, l'autorisation peut être délivrée pour une durée limitée, non renouvelable, sauf justification majeure. Abdelhafid Marzak / Les Inspirations ECO