Le phénomène d'émission de chèques sans provision ne faiblit pas, malgré le durcissement de la répression. Un peu plus de trois chèques sur 100 retournent impayés pour défaut ou insuffisance de provision, et 677.000 personnes figurent dans le redoutable fichier d'interdits d'émission de chèque. Mais les dégâts sur les petites entreprises sont bien plus importants que ne le laissent suggérer ces statistiques. Ces impayés sont, d'ailleurs, l'une des principales causes de la mortalité des TPE. Malgré une répression toujours plus intense, y compris la sanction pénale (ndlr : un autre projet de loi sur l'amendement du Code de commerce est actuellement au Parlement), les émetteurs de chèques en bois continuent de sévir. En 2024, 776.288 chèques ont été rejetés au paiement pour «insuffisance ou absence de provision», relève la Direction de la Supervision bancaire de Bank Al-Maghrib dans son rapport annuel. En apparence, le taux de rejet des chèques, à 3,23%, reste relativement «faible» en étant en plus stable d'une année à l'autre. Mais ce taux déclaré ne renseigne pas forcément sur toute l'ampleur des ravages des impayés et des factures en souffrance dans les petites entreprises. Et encore moins la méfiance qu'inspire le chèque dans le commerce. Dans la plupart des pharmacies d'officine, cliniques, restaurants, franchises de prêt-à-porter ou encore les parfumeries, le paiement par chèque n'est pas le bienvenu, sauf dans des cas où le gérant connaît personnellement le client. Cette relation est souvent la meilleure grille de l'analyse du risque. Des mentions de type «Seuls les chèques certifiés sont acceptés» ou «Le chèque n'est pas accepté» s'affichent un peu partout dans les magasins. Lorsqu'un sinistre se produit, en général, un chargé de clientèle en agence bancaire contacte l'émetteur du chèque afin qu'il «régularise la situation au plus vite» pour lui éviter d'être inscrit dans le redouté fichier d'interdits de chèque qui comprend 677.000 individus, dont 17% de personnes morales. C'est 24.000 de moins qu'en 2023. Selon la cartographie établie par Bank Al-Maghrib, 82% des chèques en bois ont une valeur comprise entre 1.000 et 50.000 dirhams, et 38% entre 10.000 et 50.000 dirhams. Ce qui confirme que le phénomène touche de plein fouet les PME et les toutes petites structures (des entreprises individuelles), et encore plus celles qui opèrent dans les services. Toujours plus nombreux, 2,5 millions de cas identifiés par les autorités monétaires, les émetteurs de chèques sans provision sont prêts à prendre tous les risques. La preuve, plus de la moitié des chèques sans provision (56%) portent sur des montants supérieurs à 100.000 dirhams. Le montant moyen par transaction effectuée par chèque s'élève à 44.000 dirhams contre 66.300 dirhams pour la lettre de change (traite). 618.000 lettres de change impayées l'an dernier La proportion des lettres de change normalisées rejetées s'est établie à 12,96% en 2024 contre 13,52% en 2023, soit une sur sept. Pour autant, cette proportion demeure inquiétante, souligne Bank Al-Maghrib, d'autant plus que dans 4 sur 5 (87,93%), ces rejets sont dus à l'absence ou à l'insuffisance de provision. L'autre facteur qui inquiète les autorités monétaires concerne la hausse de 5% des impayés portés par des lettres de change. Ils atteignent un record de 618.000 incidents. La proportion des «traites» retournées impayées est d'autant plus inquiétante que près de 90% des rejets le sont pour absence ou insuffisance de provision, explique Bank Al-Maghrib. La ventilation des impayés confirme encore que ce sont les plus petites entreprises qui paient un lourd tribut à cette «épidémie». Les traites impayées d'un montant inférieur ou égal à 5.000 dirhams représentent 17,1% du volume et 1,1% en valeur ; les lettres de change, dont les montants sont compris entre 5.000 et 100.000 dirhams, représentent 73,9% en nombre et 35,4 % en valeur; la part des traites impayées supérieures à 100.000 dirhams est de 9 % du total, mais représentent 63,5 % des créances impayées. Le plus étonnant est qu'au contraire d'un émetteur d'un chèque sans provision, un tireur d'une lettre de change (traite) non provisionnée n'encourt aucune sanction sauf celle du marché et la réputation de son entreprise. 80% des incidents sont d'une valeur comprise entre 1.000 et 50.000 dirhams. Ce qui confirme que ce sont les TPME qui sont les premières victimes de ce fléau. Abashi Shamamba / Les Inspirations ECO