En 2025, les exportations marocaines d'engrais vers le Brésil explosent, avec une hausse de plus de 30%, dans un contexte mondial tendu pour les fertilisants. Cette dynamique révèle une recomposition des échanges Sud–Sud, où le Maroc, fort de sa puissance phosphatière, devient un fournisseur crucial pour le géant agricole brésilien. Derrière les chiffres, se dessine une dépendance stratégique croissante du Brésil et une inversion subtile de la balance commerciale entre les deux pays. Le Maroc consolide en 2025 sa position d'acteur clé dans le commerce international des fertilisants, en devenant l'un des principaux fournisseurs d'engrais du Brésil. Selon les données de la Chambre de commerce arabo-brésilienne, relayées par le ministère brésilien du Commerce, les exportations marocaines d'engrais vers le Brésil ont bondi de 30,19% entre janvier et octobre 2025, pour atteindre 559,18 millions de dollars. Un chiffre qui place le Royaume parmi les fournisseurs les plus dynamiques d'un secteur stratégique pour la sécurité alimentaire brésilienne. Un marché mondial tendu, un Maroc gagnant Cette montée en puissance s'inscrit dans un contexte mondial marqué par des perturbations structurelles dans les chaînes d'approvisionnement des fertilisants. La guerre en Ukraine, qui a restreint l'accès aux engrais russes et biélorusses, les limitations à l'exportation imposées par la Chine sur les phosphates, et la volatilité des coûts énergétiques ont provoqué une rareté relative sur le marché mondial. Face à ces incertitudes, le Maroc, premier détenteur mondial de réserves de phosphate et acteur industriel majeur via OCP Group, a renforcé son rôle d'«exportateur de stabilité». La croissance des exportations vers le Brésil est la manifestation directe de cette capacité à répondre à une demande mondiale urgente, dans un marché où les prix et les volumes sont étroitement surveillés par les gouvernements. Une dépendance stratégique croissante Le Brésil, géant agricole mondial, dépend de manière critique des importations pour assurer la fertilisation de ses cultures. Plus de 85% des engrais utilisés dans le pays sont importés. Les données récentes montrent que le Maroc est devenu en 2025 un partenaire stratégique dans cet approvisionnement. Les Etats brésiliens comme le Mato Grosso, le Paraná ou le Goiás, moteurs de la production de soja, de maïs et de coton, s'approvisionnent désormais en partie via les corridors d'importation, depuis le port de Casablanca. Ce réalignement logistique s'est accéléré ces deux dernières années, soutenu par une volonté brésilienne de diversifier ses sources d'approvisionnement et d'éviter les «surdépendances», notamment vis-à-vis des partenaires géopolitiquement sensibles. Le succès des engrais marocains sur le marché brésilien reflète aussi un ajustement qualitatif, dans le sens où les fertilisants phosphatés, adaptés aux sols tropicaux et produits selon des standards industriels élevés, répondent aux exigences de performance du secteur agro-industriel brésilien. Une balance commerciale de plus en plus favorable au Maroc Si le commerce bilatéral entre les deux pays est resté stable, avec un volume d'échanges d'environ 2,3 milliards de dollars entre janvier et octobre 2025, la dynamique est clairement en faveur du Royaume. Les importations brésiliennes depuis le Maroc ont progressé de 3,6%, portées principalement par le phosphate et les engrais composés. En revanche, les exportations brésiliennes vers le Maroc ont reculé de 5%, à 1 milliard de dollars. Ce recul s'explique, notamment, par la chute des ventes de sucre (-35,2%), pour un total de 462,4 millions de dollars, et ce, malgré le maintien des exportations de maïs et de bétail. Ce déséquilibre commercial croissant en faveur du Maroc est révélateur d'une évolution structurelle. Le Royaume exporte des produits à forte valeur stratégique et ajoutée, alors que le Brésil vend des produits de base, plus exposés aux fluctuations des marchés internationaux.