Entre signaux de redressement et zones de vulnérabilité, l'industrie marocaine a traversé un 3e trimestre aux dynamiques contrastées. Si certaines branches manufacturières renouent avec la croissance et tirent partiellement la reprise, d'autres accusent un net ralentissement, révélant la fragilité d'un tissu productif encore soumis à des tensions d'approvisionnement et à des difficultés financières. Alors que l'économie nationale cherche à consolider sa reprise dans un contexte international incertain, l'enquête de conjoncture réalisée par le Haut-commissariat au plan (HCP), pour le 4e trimestre 2025, dessine les contours d'un paysage industriel en demi-teinte. Le secteur manufacturier, pilier de l'activité économique, semble retrouver un souffle modéré, porté par quelques branches particulièrement dynamiques, tandis que d'autres continuent d'accumuler des signes d'essoufflement. Les appréciations des chefs d'entreprises, qui éclairent à la fois le bilan du 3e trimestre et les perspectives du dernier trimestre de l'année, mettent en lumière une reprise parcellaire, fragile mais réelle, portée par des niches de résistance. Industrie manufacturière : le trio chimie–agroalimentaire–matériaux a le vent en poupe Dans le détail, il ressort de la note du HCP que la production dans l'industrie manufacturière aurait progressé au 3e trimestre, alimentée par trois branches motrices : l'industrie chimique, l'industrie alimentaire et la fabrication d'autres produits minéraux non métalliques. Ce trio, souvent considéré comme un socle stable du tissu industriel, compense la baisse relevée dans l'industrie automobile et dans la fabrication d'équipements électriques. Le recul de l'automobile surprend d'autant plus que la filière était, ces dernières années, l'un des moteurs les plus vigoureux de l'industrialisation marocaine. Les industriels interrogés jugent toutefois leurs carnets de commandes à un niveau normal, signe que la demande ne s'effondre pas malgré les perturbations des chaînes d'approvisionnement et les fluctuations des marchés internationaux. L'emploi dans le secteur manufacturier reste stable, tandis que le taux d'utilisation des capacités (TUC) se serait établi à 75%. Entre-temps, près de 29% des entreprises déclarent avoir rencontré des difficultés d'approvisionnement en matières premières, principalement importées. Les stocks restent jugés à un niveau normal, mais la trésorerie demeure un point de fragilité pour une part significative des sociétés. D'ailleurs, 20% des patrons estiment la situation financière difficile, une proportion qui grimpe à 45% dans la fabrication de textiles. Toutefois, en termes de perspectives pour le 4e trimestre, les chefs d'entreprises prévoient une nouvelle augmentation de la production, portée cette fois par un redressement attendu dans l'industrie automobile, une progression de l'industrie chimique et une poursuite de la dynamique de l'industrie alimentaire. En revanche, une contraction est anticipée dans la fabrication d'équipements électriques ainsi que dans l'industrie du papier et du carton. L'emploi manufacturier devrait, quant à lui, rester stable, signe que les patrons privilégient la prudence malgré les perspectives de croissance. Phosphates en progression, énergie en tension Le secteur extractif, quant à lui, aurait connu une progression suite à l'augmentation de la production de phosphates. Les prix de vente ont également enregistré une hausse, contrastant avec une diminution de l'emploi. Cependant, les prévisions ne s'annoncent pas de bon augure. Une diminution de la production des phosphates est attendue alors que l'emploi est voué à une hausse. Dans l'énergie, la tendance du trimestre écoulé s'inscrit également dans une dynamique ascendante, notamment grâce à la hausse de la production dans la branche de la distribution d'électricité, de gaz, de vapeur et d'air conditionné. Les prix de vente ont suivi la même trajectoire, tandis que l'emploi a reculé. Néanmoins, cette dynamique risque d'être interrompue durant le dernier trimestre de l'année. En effet, les prévisions annoncent une diminution de la production ainsi que des effectifs. À l'inverse, l'industrie environnementale se situe dans une phase de stabilisation. La production du captage, du traitement et de la distribution d'eau s'est maintenue au même niveau, tandis que l'emploi et les carnets de commandes demeurent tout aussi stationnaires. Une tendance qui devrait se poursuivre, à tous les niveaux, pour le prochain trimestre. Construction : reprise confirmée mais fragilités financières persistantes La construction se distingue par un regain d'activité en cette période. Le dynamisme observé dans le génie civil et dans les travaux de construction spécialisés compense la stagnation persistante de la construction de bâtiments. Les carnets de commandes sont jugés normaux et l'emploi s'oriente à la hausse. Avec un TUC de 71%, le secteur semble reprendre force, même si 20% des entreprises déclarent avoir subi des difficultés d'approvisionnement en matières premières. Par ailleurs, 21% des chefs d'entreprise qualifient leur trésorerie de difficile, confirmant que la reprise reste fragile et dépendante de la situation financière des acteurs. Néanmoins, un optimisme mesuré mais réel est affiché pour le dernier trimestre. Les chefs d'entreprise s'attendent à une hausse de l'activité dans le génie civil et les travaux spécialisés, tandis que la construction de bâtiments devrait rester stable. Ce dynamisme s'accompagnerait d'une augmentation de l'emploi. L'enquête du HCP met ainsi en évidence une économie marocaine où la reprise s'installe, portée par des branches industrielles résilientes, malgré des fragilités persistantes. Les difficultés de trésorerie, les tensions d'approvisionnement et la dépendance à quelques filières clés continuent de peser. Maryem Ouazzani / Les Inspirations ECO