En refondant en profondeur le cadre juridique des organismes de placement collectif en valeurs mobilières, le Maroc tourne la page d'un dispositif hérité des années 1990. La loi 03.25, publiée au Bulletin officiel, redessine les règles de l'épargne collective, en renforçant la transparence, la supervision et la protection des investisseurs, tout en alignant le marché national sur les standards internationaux. Pendant plus de trois décennies, le cadre juridique des organismes de placement collectif en valeurs mobilières a accompagné, parfois discrètement, la montée en puissance du marché financier national. Héritée du début des années 1990, la loi fondatrice avait rempli sa mission première de sécuriser l'épargne publique et poser les bases d'une industrie naissante. Mais à mesure que les marchés se sont sophistiqués, que les produits se sont diversifiés et que les standards internationaux se sont renforcés, ce socle juridique a montré ses limites. Avec la promulgation de la loi 03.25, publiée au Bulletin officiel, le Maroc opère aujourd'hui une refonte en profondeur de son dispositif. En plus d'être une mise à jour technique, il s'agit d'un véritable changement de paradigme dans la régulation de l'épargne collective. D'un texte fondateur à un cadre structurant Le Dahir de 1993 relatif aux OPCVM s'inscrivait dans un contexte de construction. Le marché était étroit, les acteurs peu nombreux et les instruments financiers relativement simples. Le texte se concentrait sur l'essentiel, à savoir la constitution des fonds, leur fonctionnement général et un contrôle encore embryonnaire. Trente ans plus tard, la réalité est tout autre. Les encours ont fortement progressé, les stratégies de gestion se sont affinées et les investisseurs, institutionnels comme particuliers, sont devenus plus exigeants en matière de transparence et de protection. La loi 03.25 répond à cette transformation par une réécriture complète. Le nouveau texte adopte une architecture plus lisible, organisée autour de blocs thématiques clairement identifiés, notamment les dispositions générales, la constitution des OPCVM, les règles prudentielles, l'information des investisseurs, le contrôle et les sanctions. Le langage est modernisé, les notions sont définies avec précision et les zones d'ombre de l'ancien dispositif sont largement levées. Une catégorisation qui change la lecture du marché L'une des évolutions majeures introduites par la nouvelle loi réside dans la création formelle de six catégories d'OPCVM. Là où le cadre de 1993 laissait une grande marge d'interprétation, le législateur opte désormais pour une typologie claire : OPCVM actions, obligations, diversifiés, monétaires, contractuels et participatifs. Cette classification n'est pas qu'un exercice académique. Elle structure l'offre, clarifie les stratégies d'investissement et facilite la comparaison pour les épargnants. Chaque catégorie est assortie de règles précises en matière de composition de l'actif, de niveaux de risque et de contraintes de gestion. Le texte va jusqu'à détailler les cas spécifiques, comme les OPCVM contractuels, fondés sur un objectif de rendement ou de garantie, ou encore les OPCVM participatifs, qui font leur entrée officielle dans le droit marocain. L'intégration assumée de la finance participative Absente du dispositif de 1993, la finance participative trouve dans la loi 03.25 un cadre juridique explicite. Les OPCVM participatifs peuvent désormais investir dans des sukuk, des dépôts d'investissement ou des actions conformes aux critères chariatiques, sous réserve de l'avis de conformité du Conseil scientifique compétent. Cette reconnaissance marque une étape importante. Elle élargit le champ de l'épargne collective et répond à une demande croissante pour des produits en phase avec les principes de la finance islamique, tout en les intégrant dans un cadre prudentiel rigoureux. Des règles prudentielles renforcées et modernisées La nouvelle loi consacre une attention particulière à la gestion des risques. Les notions de liquidité, de risque global ou de risque de contrepartie sont désormais définies juridiquement. Les plafonds de concentration par émetteur sont maintenus, mais affinés, avec des exceptions clairement encadrées, notamment pour les titres d'Etat ou les fonds indiciels. L'utilisation des instruments financiers à terme est autorisée, mais strictement balisée, afin d'éviter toute dérive spéculative . Cette approche traduit un alignement assumé sur les standards internationaux, notamment ceux inspirés des directives européennes de type UCITS. Elle témoigne aussi d'une volonté de prévenir les risques systémiques dans un marché devenu plus complexe et plus interconnecté. Transparence et gouvernance au cœur du dispositif Autre rupture majeure avec l'ancien cadre, le renforcement substantiel des exigences de transparence. La simple notice d'information laisse place à une note d'information formellement visée par l'Autorité marocaine du marché des capitaux (AMMC). Toute communication préalable est encadrée, toute modification substantielle doit faire l'objet d'un nouveau visa et l'information continue des porteurs devient une obligation centrale. La gouvernance des OPCVM est également revisitée. Les responsabilités sont mieux réparties entre la société de gestion, le dépositaire et les commissaires aux comptes. Le texte insiste sur la séparation des fonctions, la traçabilité des opérations et la protection effective des intérêts des investisseurs. Une autorité de supervision pleinement affirmée La montée en puissance de l'AMMC constitue l'un des fils conducteurs de la réforme. Là où l'ancien dispositif reposait sur une supervision plus limitée, la loi 03.25 confère à l'autorité de régulation des pouvoirs étendus en matière d'agrément, de contrôle permanent et de sanction. Les procédures de retrait d'agrément sont précisées, les manquements clairement qualifiés et les sanctions proportionnées aux risques encourus. Cette évolution qui traduit une philosophie nouvelle de la régulation n'est plus seulement déclarative, elle devient proactive et préventive, avec pour objectif affiché de renforcer la confiance dans le marché. Une réforme à portée stratégique En abrogeant explicitement la loi de 1993, le nouveau texte referme un cycle et en ouvre un autre. La loi 03.25 ne se limite pas à corriger les faiblesses de l'ancien cadre. Elle redéfinit les règles du jeu pour une industrie appelée à jouer un rôle central dans le financement de l'économie et la mobilisation de l'épargne nationale. En modernisant l'encadrement des OPCVM, en intégrant la finance participative et en renforçant la transparence, le Maroc se dote d'un outil juridique à la hauteur de ses ambitions financières. Reste désormais à observer comment les acteurs du marché s'approprieront ce cadre exigeant et comment il se traduira, dans la pratique, par une offre plus lisible, plus diversifiée et mieux protégée pour les épargnants. Sanae Raqui / Les Inspirations ECO