Dans le Droit, comme dans la vie quotidienne, le couple coutume/loi est constamment présent. Parfois complémentaires, souvent en confrontation, ces deux sources sont des références pour les Marocains, à des degrés différents, d'une région à l'autre, d'une culture à l'autre, d'un village à l'autre. Le mariage n'échappe bien entendu pas au tiraillement qui peut marquer ce couple, principalement en milieu rural, où le mariage sans acte est très répandu, posant des problèmes considérables au niveau de la citoyenneté, des droits et des obligations qu'elle implique. Une problématique qui frappe principalement les femmes et les enfants, qui se retrouvent privés de leurs droits les plus basiques, administratifs et civils. Inscription à l'état civil, identité nationale, droit de succession, droit de la femme en cas de divorce... autant de champs qui ont connu des avancées substantielles après l'adoption du nouveau code de la famille, au profit des femmes et des enfants, mais dont l'application reste conditionnée par la «preuve de mariage», elle-même base de la filiation juridique de la descendance. C'est dans ce cadre que le département de la Justice a entamé, depuis 2007, une campagne de régularisation des mariages sans acte dans les provinces reculées du royaume. Une régularisation qui s'effectue à travers la mobilisation de «juridictions mobiles», qui se déplacent avec magistrats et avocats vers les localités recensées, notamment dans les souks hebdomadaires, lieu de convergence par excellence de la population rurale. «Il est souvent difficile pour les citoyens qui ont la volonté de régulariser leur situation matrimoniale, de se déplacer vers les juridictions compétentes. C'est donc à la justice d'aller vers eux pour que les juges les entendent et statuent sur leur situation», insiste Mohamed Taïeb Naciri, ministre de la Justice, lors d'une tournée qu'il effectue dans la région de Meknès-Tafilalet, et dont l'un des principaux objectifs est de suivre l'avancement des régularisations qui touchent à leur fin. «Nous comptions 860 dossiers en début de campagne, il n'en reste aujourd'hui que 52 qui sont en cours de traitement», indique le président du tribunal de première instance d'Errachidia. Ceci dit, le phénomène du mariage sans acte est en train de prendre de plus en plus d'ampleur dans le milieu urbain, mais pour d'autres motifs que ceux rencontrés en milieu rural. Le mariage coutumier (sans acte, ni témoin, ni publicité...) devient notamment à la mode parmi les étudiants qui contournent ainsi la pression morale et sociale, mais se retrouvent face à la réalité des choses en cas de grossesse. Une autre catégorie, plus extrêmiste, refuse simplement de se conformer aux exigences administratives, car ni nécessaires, ni conformes à leur référentiel religieux. Sans parler du mariage précoce, où des mineurs se retrouvent parents adolescents, avec tout ce que cela implique sur leur éducation et leur avenir dans son ensemble. O.Z