Voici des paroles et calligraphies de femmes réunies dans un livre ravissant Proverbes populaires du Maroc (éditions Yanbow Al Kitab). Pour un prix si modique que je l'ai oublié, vous allez pouvoir redécouvrir des proverbes qui figurent sur la page en arabe classique (dans une traduction de Mohamed Benlamlih), en français grâce à Leïla Benallal Messaoudi et bien sûr, dans leur version originale en arabe dialectal, tels que les équipes de la Fondation Zakoura Education les ont recueillis auprès de femmes ayant suivi des cours d'alphabétisation. Il y a les sentences que ces femmes redoutent, voire détestent et les proverbes dont elles usent auprès de leur époux, pour l'édification de leurs enfants ou comme on se raconte une blague à soi-même. En outre, elles ont choisi de se souvenir de proverbes symbolisant l'estime de soi et l'effort vainqueur. S'il y a un miracle dans ce beau livre à la portée de tous, ce n'est pas seulement du fait que tous ces dictons ont été recueillis à la faveur d'un travail commun en vue de faire accéder ces dames à l'écriture et à la lecture. Dans le douar montagneux d'Alma, dans la région d'Agadir, une vingtaine de femmes, ainsi que l'explique en préface Mounia Benchekroun, ont réalisé «des dessins calligraphiés destinés à illustrer les proverbes recueillis et ce, après plusieurs étapes : une formation approfondie en calligraphie des femmes, assurée par le calligraphe Brahim Hanine, un entraînement quotidien durant plusieurs semaines réalisé sous l'encadrement de l'animatrice Malika Dadsi et un atelier final co-animé par Brahim Hanine et l'artiste Ahmed El Hayani». Le résultat est superbe, et en couleurs, s'il vous plaît. Mehdi Qotbi ne fait pas mieux. Les acquéreurs de ses œuvres, souvent belles et toujours chères, gagneraient à songer à améliorer aussi les ressources des merveilleuses artistes du douar d'Alma. L'Université est souvent désignée par les mots latins Alma Mater qui signifient l'Âme mère. Des mots qui conviennent à ces femmes artistes. Les couleurs et les saveurs de la vie, l'amour, le dédain, le désaveu, l'espérance, l'entêtement, la jalousie, la dignité, la fatalité, l'absurde, l'inconvenance, la déception, la prudence, l'aventure, la réciprocité, la persévérance, la dilection, la fidélité ni l'inconstance, la ruse ni la prudence, le goût de la droiture ni l'hypothèse du gouffre, rien n'échappe aux femmes des douars Togue, du côté de Marrakech pas plus qu'à celles du douar Laamaïr du côté de Larache où on lance : «Dieu maudisse la coupe de cristal où je ne boirai que du fiel» tandis que les femmes des douars Aïn Harrouda, à Casablanca et Si Taïbi, à Rabat, s'entendent parfaitement à penser : «Qui m'aime, m'aime comme je suis, pas seulement quand fardée je suis mais même toute barbouillée de suie.» On est ému évidemment par ce constat : «Aussitôt qu'elle a vu ses yeux, elle a oublié combien l'enfantement fut douloureux». On est impressionné par la sagesse du souhait : «Dieu donne-nous quelqu'un qui nous comprenne plutôt que quelqu'un qui nous donne des étrennes.» Il n'empêche que mon expérience m'enseigne qu'une sorte d'idéal existe : quelqu'un qui vous comprend et vous donne des étrennes. De toutes les façons, c'est toujours le moment, dans le monde rude où l'on vit de s'offrir un réconfort. Je ne vois pas plus beau cadeau que vous puissiez recevoir ou offrir que ces Proverbes populaires du Maroc magnifiquement calligraphiés. Ce petit livre est un grand livre. Il nous rappelle que «celui qui donne le temps de produire à son verger en récoltera les fruits et pourra les manger» ou qu'à «celui qui n'a pas appris par les livres, la vie se charge de lui apprendre à vivre». Je me permettrai, en l'honneur des dames du douar Chmoucha, à Sidi Kacem de transformer le fameux proverbe qu'elles ont illustré : «Qui a une nuit de plus que toi a une ruse de plus que toi» en ceci «Qui a un livre de proverbes de plus que toi a un ami de plus que toi.»