La première banque de tissus du Maroc a été inaugurée mardi dernier à Rabat. Elle s'ajoute ainsi aux banques de cornée et de cellules souches déjà existantes à Casablanca et à Marrakech. Des banques qui ne peuvent être fournies que grâce au don d'organes, un geste réduit du fait d'importants freins culturels. La nouvelle banque de tissus est située dans l'enceinte de l'hôpital d'enfants de Rabat. Grande première dans l'histoire de la greffe et du don d'organes au Maroc ! Mardi dernier, plusieurs professionnels de la santé ont assisté à l'inauguration de la première banque de tissus du pays. Située dans un bâtiment mitoyen à l'hôpital d'enfants de Rabat, la banque arrive en renfort à la banque de cornée de Marrakech et la banque de cellules souches de Casablanca. L'activité proprement dite de cette nouvelle banque devrait quant à elle commencer avant la fin de l'année 2012. Toutes les spécialités concernées « Au départ, nous allons démarrer avec quelques tissus et cellules souches. Même s'il est également possible d'y conserver les valves, les vaisseaux, les ligaments, la membrane amniotique, ou encore la peau », nous explique le Pr Malika Essakalli, professeur d'immunologie et chef de service de la banque de tissus. Un besoin qui est déjà présent et incessant. « L'offre de prestation de la banque de tissus en cellules souches est largement insuffisante, et la banque de Casablanca est débordée, sans qu'elle ne puisse répondre à l'ampleur de la demande », souligne le directeur du CHU Ibn Sina de Rabat, le Pr Mountacir Charif Chefchaouni. Sans parler du fait qu'un programme relatif à la greffe d'organes est « de nature à faire avancer l'ensemble de l'hôpital parce qu'il touche à quasiment toutes les spécialités ». Pas de freins religieux ! Si posséder les infrastructures indispensables au stockage des tissus est indispensable, encore faut-il que les tissus lui parviennent... Et c'est à ce niveau-là que le bât blesse. Le Marocain n'est en effet pas encore assez sensibilisé au don de tissus et d'organes. Pourtant, à en croire les spécialistes de la question conviés à l'inauguration de la banque de tissus, ni la religion ni la loi n'interdisent ces dons. Du côté religieux, le Pr Hassan Gharbi, endocrinologue et membre du Conseil régional des ouléma de Rabat, remarque que les Marocains gardent en tête l'idée que leur corps ne leur appartient pas. Alors que l'islam n'interdit pas le don de tissus d'organes, surtout que ceux-ci permettent d'améliorer la vie d'une autre personne, acte louable et généreux en accord avec la religion musulmane. 10 minutes pour devenir donneur Du côté de la loi également, les freins sont quasi-inexistants. Des registres sont même disponibles dans l'ensemble des tribunaux du pays. « Une commission composée notamment d'un avocat et du procureur du Roi se réunit pour statuer d'une demande d'inscription sur le registre. Et il ne nous faut pas plus de 10 minutes pour donner notre accord au donneur. Ce qui compte, c'est son consentement ! », nous apprend Soukaïna Doukkali, avocate et représentante du président du tribunal de 1ère instance de Rabat. Dans les faits, ces registres restent quasiment vides. Selon le directeur du CHU de Rabat, « il sera tout de même plus simple, dans cette phase de démarrage, de commencer à sensibiliser donneur et famille sur le don de tissus que sur le don d'organes ». A l'occasion de l'ouverture de la banque de tissus, le CHU de Rabat a également annoncé être l'initiateur d'une banque d'os, qui devrait être la suivante à voir le jour. Entretien avec... Malika Essakalli, professeur d'immunologie, chef de service de la banque de tissus et du laboratoire d'immunologie au CHU de Rabat. Pour le don de tissus et d'organes se fait rarement au Maroc ? Du côté de la religion, il n'y a pas de barrière, au contraire. On remarque par contre la présence de barrières culturelles. Les gens ne savent pas, c'est juste qu'ils ne sont pas sensibilisés à la question. Une fois que nous leur auront expliqué qu'il est possible de prélever les organes, et qu'il n'y a pas de barrières, ils vont comprendre et commencer à donner leur accord. Un accord qui doit donc se donner le plus tôt possible ? Les personnes doivent donner leur accord de leur vivant, en déclarant clairement « je suis donneur, et si je meurs, je veux que mes tissus soient donnés à une autre personne ». Au niveau de l'ensemble des tribunaux du Maroc, il existe des registres sur lesquels peuvent s'inscrire les donneurs. Et si on ne veut pas s'inscrire, on peut le dire autour de soi, dans sa famille. Si une personne veut donner ses organes, le dire à sa famille peut suffire aussi ? Absolument, elle peut le dire à sa famille. Et si à un moment de sa vie, il lui arrive un problème de santé et qu'elle est en mesure de donner ses tissus par exemple, l'équipe médicale va en premier lieu vers la famille. Si la famille déclare que le donneur est consentant, on peut prélever les tissus. Il faut savoir que quel que soit le cas, on passe par la famille. Avant l'existence de cette banque de tissus, comment se faisaient le prélèvement et la greffe de tissus ? Ils ne se faisaient tout simplement pas. Les enfants qui ont besoin jusqu'à aujourd'hui de cellules souches, d'une greffe de moelle, vont à l'étranger quand ils peuvent. Quand ils ne peuvent pas, ils perdent la vie. * Tweet * * *