Frappés par une immense vague de détestation, nos dirigeants sont au fond du trou. Certes, sur la toile, Facebook règne en maître incontesté, engrangeant les utilisateurs et affolant les compteurs de Wall Street en prévision d'une IPO imminente. Pourtant, à y regarder de plus près, un autre site communautaire, moins grand public, inaugure une ascension très remarquée auprès des internautes marocains. Ce site, c'est VDM.com. VDM comme vie de m****. Le principe est simple. Les abonnés, affluent par millions sur le portail dans le but, banal, de partager leurs petits soucis de la journée. Tel s'est fait verbaliser, tel autre souffre d'un torticolis et tutti quanti. Créé par deux jeunes autodidactes français, VDM est en passe de devenir un phénomène culturel. Les Marocains, voguant quotidiennement dans un long fleuve de complaintes, ont épousé, sans grande surprise, la philosophie du site. Et ça marche. Plus de 10 000 d'entre vous y déposent au moins un gémissement par jour. Depuis que, ce dimanche de 20 février, une jeunesse fatiguée d'être muselée a investi les rues du royaume pour hurler son rejet de la classe dirigeante, le champ politique a tremblé comme sous l'effet d'une secousse sismique. Trois mois plus tard, le pays s'enorgueillit d'avoir une constitution prometteuse. Mais entre temps, nos politiques ont subi une incroyable série de disgrâces. Aujourd'hui, pansant leurs plaies, ils tentent de reconquérir un électorat échaudé et soupçonneux. Qui avec succès, et qui, sans l'ombre d'un espoir. Beaucoup ont frontalement encaissé la désaffection populaire. C'est ceux-là qui nous interpellent. Nous nous sommes donc imaginé quels types de messages laisseraient-ils sur leur page VDM (S'ils en venaient à en créer une bien évidemment). Dégustation imminente. Réda Dalil Salaheddine Mezouar «Aujourd'hui, je suis comme qui dirait dans l'embarras. Trois de mois de cela, j'étais l'enfant chéri de la politique. Technocrate pur jus, j'intègre le gouvernement sous le druide de la technocratie, Driss Jettou. Je suis alors ministre du commerce. Peu ou prou, j'apprends le métier de gouvernant. Mon expérience de chef d'entreprise fait des ravages et ma côte ne cesse de caracoler. En 2007, je vis ma consécration. Sous le gouvernement fantôme de Abbas el Fassi, je deviens ministre de l'Economie et des Finances et, profite de mon allant, pour arracher la présidence du RNI au nez et à la barbe de Mustapha Mansouri. Tout me réussit. Dans les salons, on m'a déjà adoubé prochain premier ministre. Vient le 20 février. Alors que j'ai axé ma communication partisane sur la séduction des jeunes, je me retrouve en porte-à-faux par rapport à cette catégorie d'âge car mes accointances avec le PAM m'ont catalogué de serviteur zélé du système. Lors du dernier meeting de mon parti, le drame se produit. Des militants fictifs, affamés par une attente de trois heures, me bombardent d'une noria de jets de Sidi Ali. Ce qui devait être un rassemblement de sensibilisation au référendum se transforma en pugilat aquatique. Excédé, je quitte le podium flanqué de mes ministres fétiches et camarades de parti, Moncef Belkhayat et Amina Benkhadra. Mon avenir politique est désormais nimbé d'un flou désagréable. Vais-je être contraint de signer un pacte faustien avec le PJD pour m'assurer un rond de cuir dans le prochain gouvernement ? Nul ne peut dire !» Nouzha Skalli «Aujourd'hui, mon mandat de ministre du Développement social, de la Famille et de la Solidarité prend fin sous de bien lugubres auspices. Alors que je participais à une conférence-débat au laboratoire des langues, de créativité et du multimédia à l'Université Ibn Tofail de Kénitra, je fus chassée comme une malpropre par une bande d'étudiants frondeurs. Les vidéos de ce crime de lèse-ministre firent le tour du Web, au même titre que celles de mon speech en Anglais. Que l'on me reproche de maltraiter la langue de Britney (Shake)Spears est une chose, c'en est une autre, de signifier une critique aussi malvenue à l'égard de mon travail de ministre. N'ai-je pas, quoi qu'en dise Mr Lahcen Daoudi, œuvré à baisser le taux de pauvreté dans notre pays ? N'ai-je pas obtenu le prix Minerva Anna Maria Mammoliti pour mon engagement sans failles au service de l'amélioration de la situation des femmes ? Tout ceci est gravé dans le marbre et rien ni personne ne peut y verser une louche d‘équivoque. Si j'ai été pris de court par l'affaire Luc Ferry, c'est parce que chez nous, il est bien difficile de diligenter une enquête au cœur des réseaux pédophiles qui sévissent dans la ville ocre. Trop de non-dits, trop de tabous en rendent l'entreprise ardue, voire impossible. L'exercice du pouvoir est usant à la fin. Vais-je raccrocher mes maroquins pour renouer avec mon vrai métier, ma vraie vocation : la pharmacie? Au moment où démarre la deuxième phase de l'INDH, je ne l'espère guère.» Yasmina Baddou «Aujourd'hui, je vis une situation bien délicate. Alors qu'avocate, je gagnais ma vie en défendant la veuve, l'orphelin et l'injustement condamné, on vint me proposer un poste de ministre que je ne pouvais logiquement refuser. En 2007, lorsque Abbas El Fassi accède à la primature, je deviens sa ministre de la santé. Dans ce gouvernement, j'évolue alors comme un poisson dans l'eau. A mes côtés, s'activèrent beaucoup de visages familiers. Gérer la chose publique comme on gère une grande fratrie n'était aucunement fait pour me déplaire. Pourtant, le destin me réservait une série d'écueils. Lorsqu'éclate l'épidémie H1N1, je panique et commande une quantité gargantuesque de vaccins. Las, le virus ayant été circonscrit, je me retrouve ensevelie sous des tombereaux d'anti-virus inutilisables. L'épisode laissera un trou insondable dans le budget de mon département. Bonne nature, il m'arrive d'exprimer ma joie pour un oui ou pour un non. Cet attribut de la génétique a failli causer ma perte. Car voila, un jour que l'on me demanda d'analyser la progression de la Leishmaniose dans une bourgade champêtre reculée, je m'esclafais en plein parlement. La boulette de trop. Mais mon mandat ne fut pas de tout repos. On me demanda de généraliser l'AMO et le RAMED à toute la population marocaine (F'Dakka Wahda). Or, aucun être humain normalement constitué ne peut réussir pareil exploit. Passons sur la mésaventure du médiator. Une mauvaise communication sur la nocivité de cet anti-diabète me plaça définitivement sur le grill des médias. Au lendemain du 20 février, je vis ma photo accrochée à des banderoles sur lesquelles on me priait de «Dégager». J'en perdis mon latin. Et, alors que j'envisageais une fin de mandat paisible, les médecins internes se sont rebiffés, demandant des astreintes mieux rémunérées et un doctorat d'Etat en guise de diplôme. Là encore, l'angoisse me fit dire : «de toutes les façons, je ne serais plus ministre dans quelques mois». Au cours d'une réunion de négociations avec le syndicat des médecins grévistes, on me fit comprendre force rebuffades à l'appui que j'étais devenue persona non grata dans mon propre ministère. Serais-je en mesure de remonter la pente ? A cela, seul l'avenir détient une réponse !» Nabil Benabdellah «Aujourd'hui, je vis une situation inexplicable. Au plus fort de la contestation des jeunes fébréristes, je fus pour ainsi dire épargné. Mon aura d'excellent communicant doublée de mon pedigree politique en béton armé, m'immunisa contre la grogne populaire. Mieux, ayant combattu pour les intérêts de la presse privée lors de mon mandat de ministre de la Communication, je n'eus pas à subir les fourches caudines des écrivaillons les plus hargneux. Alors que se fabriquait le projet de Constitution dans les arcanes de la commission Mennouni, je brillai par mes recommandations pertinentes, inscrivant mon parti, le PPS à l'avant-garde de la proposition progressiste. En outre, la fidélité totale de mes militants m'évitât le fâcheux déchirement dont fut victime notre alter ego socialiste, l'USFP. Outre les quelques déclarations rageuses du «meilleur d'entre nous», le fougueux Youssef Belal, la jeunesse du PPS a été exemplaire durant la période de trouble populaire que nous vécûmes. Las, le conte de fée fit brusquement halte lors d'un meeting à Nador. Tandis que je charmais un auditoire d'apparence docile, des clameurs me parvinrent du fond de la salle. Ce que j'entendis me fit frémir. «Akkou bih, akkou bih, Ouled chaâb akkou bih». Je crus à une méprise. Hélas, les harangues prirent de l'épaisseur. Je dus me résigner à quitter la scène. Pour faire diversion, j'agitai une rose fanée. Cela n'eut aucun effet sur mes détracteurs qui me donnèrent du «Benabdallah sir bhallak, Ina Nador machi dialek». Je désertais alors mes faux fidèles du rif. Misère, n'ais-je point tant vécu pour vivre pareille infamie. Vais-je m'assurer un strapontin ministériel en Octobre ? Il faudrait pour cela que la Koutla évite d'exploser. Rien n'est sûr !» Abdellilah Benkirane «VDM, non mais vous n'êtes pas sérieux ! Aujourd'hui, tout me sourit. Un, ma contribution à l'édification de la nouvelle loi suprême du pays a été déterminante. A moi seul, j'ai pu nous éviter une orientation laïque des plus fâcheuses. Mon sang n'a fait qu'un tour, lorsqu'on m'annonçât que notre Constitution comprendrait un article accordant la liberté de conscience à nos concitoyens. J'ai donc pesé de tout mon poids pour éliminer cette «boulette» du texte final. Fort heureusement, mon forcing a eu raison des errements progressistes de la commission Mennouni. Oui, mon rapport avec le 20 février n'a pas été exemplaire, je le concède. Lorsqu'il m'a été confié qu'un groupe de jeunes battraient le pavé selon le modèle égypto-tunisien, j'ai interdit à la chabiba de mon parti de leur emboîter le pas. Grand mal me fasse, cette décision faillit disloquer ma formation politique. Mon adjudant en chef Mustapha Ramid eut des poussées de sédition et, en totale insoumission, se joignit aux manifestants. Face à une crise imminente des instances du PJD, je mis de l'eau dans mon… thé, et développais un discours mi-figue mi-raisin à l'encontre des 20 fébréristes, d'autant, que leur marches, ont résulté sur le miracle des miracles : me débarrasser de mon ennemi juré le PAM. Je crus alors revenir en grâce auprès de mes futurs électeurs. Néanmoins, il m'arriva quelque chose d'inédit. En déplacement à Sidi Kacem pour rendre hommage au regretté Abdelkrim Khattabi, une poignée de fébréristes me pris à parti. «Akkou bih, akkou bih, Benkirane akkou bih» dirent-ils. Cela me causa bien du chagrin. Pour autant, je ne m'en fais pas pour mon avenir. A présent que la transition démocratique est sur de bons rails et que le ministère de l'intérieur ne s'occupera plus du découpage électoral, j'entame la campagne législative, la paix dans l'âme car, selon toute vraisemblance, l'opinion publique est prête à élire un chef de gouvernement doté d'un référentiel islamique. D'ailleurs à ce propos, sans être conseillé par ces communicants bling-bling drogués à la gestion d'image, j'ai réussi un sans faute médiatique. Oui, j'ai profité de chaque micro qu'on m'a attendu pour dire que mon accession à la primature n'était guère plus un tabou. Je l'ai dit chez Hamid Berrada et dans la langue de Molière je vous prie, ensuite, rebelote, je l'ai répété chez ce vieux briscard de Mustapha Alaoui. Vais-je diriger le prochain gouvernement du royaume ? Inutile de vous dire que j'y pense, et pas seulement en me rasant ! (PS : D'ailleurs je ne me rase pas).» Mohamed Ameur «Aujourd'hui, j'assiste à l'avènement d'une démocratie nouvelle en comptant mes jours à la tête de mon département. Ministre délégué chargé de la Communauté Marocaine résidant à l'étranger, mon mandat n'a pas été de tout repos. D'abord, il s'agit de rappeler que s'occuper des intérêts d'une manne de transferts frisant les 53 millards de DH par an, n'est pas une mince affaire. Il faut faire preuve d'un flegme de tous les instants car notre diaspora est du genre très susceptible. Ensuite, j'ai eu à gérer le printemps arabe et la catastrophe nucléaire de Fukushima. L'opinion publique se figure peut être que rapatrier des dizaines de milliers de ressortissants se fait en un claquement de doigts. Rien, hélas n'est plus faux. Au beau milieu de la crise, et alors que je m'escrimais à régler mille problèmes logistiques, on me fit un procès d'intention pour laxisme et organisation défectueuse. Or, humble, j'ai encaissé les coups sans insister sur le fait que plusieurs inscrits dans les listes consulaires, ne venaient jamais embarquer sur les bateaux accostés par le royaume et qu'en outre, l'opération à été menée alors qu'une guerre faisait rage entre la tripolitaine et la Cyrénaïque. Difficile d'imaginer pires conditions au déroulement d'un dispositif de cette envergure. Quoi qu'il en soit, il y eut plus de peur que de mal. Le rapatriement a coûté 130 millions de DH et, accessoirement, m'as mis sous les projecteurs des médias, ce qui, en somme, a entamé ma réputation. La tragédie se produisit alors que, fier, j'arrivais en Italie, prêcher la bonne parole auprès de nos marocains de Milan. A peine eus-je foulé la scène que me parvinrent des rafales de noms d'oiseaux. Le déversement de jurons était tel que je ne pus aller au bout de mon discours. En désespoir de cause, les organisateurs du salon de l'immobilier marocain de Milan, durent annuler ma prestation. J'en gardai un amer souvenir. Vais-je continuer mon petit bonhomme de chemin en politique ? En USFPéiste convaincu, il m'incombe de continuer ma lutte envers et contre tous !»