L'université marocaine est à un moment de vérité. C'est le constat sans appel dressé par Azzedine El Midaoui, ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et de l'Innovation, lors d'un colloque national sur l'investissement et l'emploi organisé à la Chambre des conseillers. Dans son intervention le ministre a appelé à une réforme profonde du système d'enseignement supérieur et de recherche scientifique, tout en soulignant la faiblesse structurelle actuelle du pays dans ce domaine. Un système de recherche en décalage avec les besoins du pays « Le niveau de la recherche scientifique au Maroc reste faible », a reconnu le ministre. Cette fragilité se manifeste aussi bien sur le plan quantitatif, à peine 40.000 doctorants, dont près de la moitié sont déjà en activité, que qualitatif : plus de la moitié des doctorants évoluent dans les sciences humaines et sociales, au détriment des disciplines appliquées, technologiques et d'ingénierie. Face à des investissements qui exigent des compétences hautement spécialisées, le Maroc peine à fournir les profils adéquats. El Midaoui avertit : « Sans ressources humaines qualifiées, les entreprises perdront en compétitivité et les investisseurs étrangers hésiteront à s'implanter durablement. » Un système universitaire à reconstruire Mais le malaise est plus profond. Le ministre a dénoncé l'absence d'un véritable système national d'innovation, évoquant des initiatives dispersées, sans cadre stratégique global. Ce n'est pas un manque de budget qui freine, dit-il, mais « un défaut d'organisation et de vision ». Même les projets de « villes de l'innovation », conçus comme des catalyseurs régionaux de la recherche, sont aujourd'hui freinés par des blocages juridiques, à l'exception du cas d'Agadir. Une réforme systémique en chantier Pour sortir de cette impasse, Azzedine El Midaoui a présenté devant les parlementaires une vision ambitieuse de réforme de l'enseignement supérieur, articulée autour de trois axes majeurs : la modernisation du cadre législatif, la refonte du système pédagogique et l'alignement avec les normes internationales. Il appelle notamment à la révision de la loi n° 01-00, pilier de l'organisation actuelle de l'enseignement supérieur, devenue inadaptée aux exigences d'un monde en mutation. Autre point clé : la création d'un Conseil stratégique des universités, une instance nationale chargée de veiller à la bonne gouvernance, à la transparence et à la reddition des comptes au sein des établissements universitaires. « Nous devons bâtir un système universitaire qui réponde aux attentes des citoyens et prépare notre jeunesse à affronter les grands défis du XXIe siècle », a-t-il martelé. Dans cette optique de modernisation, le ministre entend aussi replacer le laboratoire de recherche scientifique au centre de l'écosystème universitaire. Il rappelle qu'à l'international, le directeur de laboratoire dispose parfois d'une autorité plus grande que celle du doyen, signe de l'importance accordée à la production scientifique. Or, au Maroc, les critères de promotion des enseignants-chercheurs restent encore trop éloignés des standards internationaux : publications, brevets et impact concret sont rarement valorisés. Une mobilisation nationale urgente Le ministre a enfin insisté sur la nécessité d'une réforme universitaire concertée, structurée autour de pôles régionaux mieux arrimés aux tissus économiques locaux, et reposant sur une logique de synergie entre recherche, formation et innovation. Son message est clair : sans une refondation rapide du système universitaire, le Maroc ne pourra pas relever les défis de compétitivité, d'emploi qualifié et d'attractivité des investissements. À la croisée des chemins, l'université marocaine doit passer du statut d'institution figée à celui de moteur de transformation.