« La situation météorologique au Maroc au cours de cette semaine se caractérise par une instabilité atmosphérique persistante, sous l'effet d'une dépression d'altitude active accompagnée d'une masse d'air froide en haute troposphère, tandis que des flux humides d'origine atlantique et méditerranéenne entretiennent cette instabilité sur le pays », explique à L'Observateur du Maroc et d'Afrique Houcine Youaabed, porte-parole de la Direction générale de la météorologie (DGM). Cette situation engendre des pluies ou averses parfois orageuses au niveau des plaines nord et centre, le Rif, le Haut et le Moyen Atlas et leurs versants occidentaux, le Saïs, les plateaux des phosphates et d'Oulmès, ainsi que l'ouest du littoral méditerranéen, détaille Youaabed. Le cas Safi Concernant les crues de Safi et les fortes intempéries ayant frappé le nord du Royaume samedi et dimanche derniers, le porte-parole de la DGM évoque une situation météorologique particulièrement marquée. « En cause, l'installation d'un minimum dépressionnaire d'altitude isolé de type cut-off, centré sur le pays et associé à une masse d'air froid prononcée dans les couches supérieures de l'atmosphère. Cette configuration a créé un environnement atmosphérique très dynamique, favorable à une instabilité marquée », souligne Youaabed. L'afflux continu d'air humide, en provenance à la fois de l'océan Atlantique et de la Méditerranée, a alimenté des systèmes nuageux convectifs particulièrement actifs, à l'origine de précipitations parfois intenses et de chutes de neige significatives sur les reliefs, détaille le porte-parole de la DGM. Cumuls exceptionnels Une situation exceptionnelle qui a donné lieux à des phénomènes météorologiques intenses. Plusieurs régions du Royaume ont enregistré des cumuls pluviométriques dépassant 70 mm en 24 heures, notamment sur l'extrême nord-ouest. Sur les reliefs, les hauteurs de neige ont atteint près de 50 cm sur le Haut et le Moyen Atlas, avec des pics dépassant localement 80 cm sur les sommets du Moyen Atlas. Mais c'est surtout le caractère très localisé et brutal de certains épisodes qui a aggravé la situation. « À Tétouan, environ 50 mm sont tombés en une seule heure. À Safi, près de 19 mm ont été enregistrés entre 15h et 16h, pour un cumul avoisinant 35 mm en six heures », précise Youaabed. Ces pluies concentrées dans le temps et dans l'espace ont provoqué des crues soudaines, mettant à rude épreuve les infrastructures urbaines. Goutte froide Pour le climatologue Dr Mohammed-Saïd Karrouk, professeur à l'Université Hassan II, les événements de Safi et de Tétouan relèvent d'un phénomène bien connu des météorologues : la goutte froide. «Il s'agit d'un détachement d'une masse d'air froid qui s'intruse dans une masse d'air chaud, en l'occurrence l'air marocain, saturé de vapeur d'eau », explique-t-il. Cette confrontation brutale provoque des averses intenses, concentrées, souvent à l'origine d'inondations. Le climatologue rappelle que des cumuls de 80 mm ne sont pas inédits au Maroc, citant notamment Tanger en octobre 2008 ou Casablanca en novembre 2010. Mais à Safi, la situation a été aggravée par des facteurs locaux comme le note Dr Karrouk. « Il s'agit d'une rivière oubliée. Avec la sécheresse, les sols asséchés n'ont pas permis l'infiltration de l'eau, qui s'est déplacée horizontalement et a fini par s'accumuler dans la médina », explique-t-il, évoquant également un aménagement urbain insuffisant et certaines interventions ayant compliqué l'écoulement naturel. Dr Karrouk établit un parallèle avec les inondations de Casablanca en décembre 1996, liées au débordement de l'oued Bouskoura, mais aussi avec des épisodes récents en Espagne, spécialement dans la région de Valence survenus l'année dernière. « Ces phénomènes se produisent régulièrement à l'automne, surtout entre novembre et début décembre. Ce sont des événements naturels récurrents, mais dont les impacts sont amplifiés par l'urbanisation et la vulnérabilité des territoires », insiste-t-il. Prévisions Selon la DGM, cette instabilité atmosphérique devrait se maintenir jusqu'à mercredi. Des pluies ou averses parfois orageuses concerneront les plaines nord et centre, le Rif, le Haut et le Moyen Atlas, le Saïs, les plateaux des phosphates et d'Oulmès, ainsi que l'ouest de la façade méditerranéenne. Les chutes de neige resteront importantes au-delà de 1.400 mètres sur l'Atlas et le Rif, tandis que des rafales de vent modérées à fortes toucheront la façade méditerranéenne, les côtes nord et centre, l'Atlas, l'Oriental et les provinces du Sud. Les températures resteront orientées à la baisse, avec un temps froid à très froid sur les reliefs, le sud-est et les hauts plateaux. Un répit temporaire est attendu jeudi et vendredi, avant un nouveau creusement dépressionnaire probable à partir de samedi, susceptible de ramener des conditions perturbées. Zones à risque et recommandations Selon les bulletins de la DGM, les régions les plus exposées restent le nord et le nord-ouest du pays, les zones côtières atlantiques et méditerranéennes, ainsi que les reliefs du Rif, du Moyen et du Haut Atlas, où l'effet orographique intensifie les précipitations. Face à cette situation, la DGM appelle à une vigilance accrue. Il est recommandé d'éviter les déplacements non nécessaires, de ne jamais traverser les routes ou passages inondés, de s'éloigner des oueds, et, en montagne, de limiter les déplacements, de s'informer sur l'état des routes et d'équiper les véhicules.