Le Maroc a enregistré, fin 2024, le taux de détention préventive le plus bas depuis dix ans. Selon le huitième rapport de la présidence du Ministère public, 31,79 % des détenus se trouvaient en situation de détention provisoire à fin décembre. Un chiffre en net recul par rapport aux niveaux observés au cours des années précédentes, où ce taux oscillait entre 37 % et 46 %, culminant à 45,70 % en 2020. Cette évolution marque un tournant dans la politique pénale nationale. Elle est le résultat d'une stratégie engagée de longue date, depuis l'indépendance de la présidence du Ministère public en octobre 2017, faisant de la rationalisation du recours à la détention préventive un axe central de l'action judiciaire. Une baisse continue À fin 2024, les établissements pénitentiaires du Royaume accueillaient 105.094 détenus. Parmi eux, 33.405 personnes étaient placées en détention préventive, contre 70.279 condamnés définitifs, soit 66,87 % de la population carcérale, note le rapport. Les détenus soumis à la contrainte par corps représentaient 1.410 personnes, soit 1,34 % du total. Un constat contrasté est cependant soulevé par le document : Alors que le nombre global des détenus continue d'augmenter la détention préventive recule. En dix ans, la population carcérale est passée de 74.039 détenus en 2015 à 105.094 en 2024, soit une hausse de 31.055 personnes, correspondant à une moyenne annuelle de 3.106 nouveaux détenus. Le rapport précise que cette progression n'est pas liée au nombre de prévenus, mais à d'autres facteurs structurels, notamment l'exécution des peines et la durée des procédures. Une situation qui appelle, selon la présidence du Ministère public, des réponses globales, à la fois législatives et organisationnelles, pour faire face au surpeuplement carcéral. Trajectoire descendante Les données du Ministère public retracent une courbe clairement orientée à la baisse. Le taux de détention préventive s'établissait à 40,98% en 2015, avant de connaître un pic en 2020, année marquée par les contraintes liées à la pandémie. Depuis, la décrue est continue : 42,19 % en 2021, 40,85 % en 2022, 37,56 % en 2023, puis 31,79 % en 2024. Cette dynamique est attribuée à l'implication accrue des parquets, au suivi régulier des dossiers et à l'application stricte des directives émanant de la présidence du Ministère public. Un rôle clé est notamment joué par la circulaire conjointe n°2023/01 du 1er juin 2023, élaborée avec le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire, qui a instauré des commissions de suivi aux niveaux local, régional et central. Moins d'ordres d'incarcération Autre indicateur révélateur : le recul des ordres d'incarcération. En 2024, 94.293 ordres ont été émis, contre 99.813 en 2023, soit 5.520 décisions de moins, le niveau le plus bas enregistré depuis six ans. Les parquets demeurent toutefois à l'origine de la majorité de ces décisions, avec 77.148 ordres, soit 81,82 % du total, contre 17.145 ordres prononcés par les juges d'instruction (18,18 %). Pour renforcer cette tendance, une nouvelle circulaire datée du 1er juillet 2024 a invité les magistrats du parquet à examiner de manière approfondie toute demande de prolongation de détention, en excluant les prolongations automatiques et en exigeant des justifications solides. Alignement avec les standards onusiens Le rapport met également en lumière la différence entre la définition nationale et la définition internationale de la détention préventive. En droit marocain, toute personne incarcérée sans jugement définitif est considérée comme détenue préventive. Les Nations unies, en revanche, ne retiennent que les personnes n'ayant pas encore été jugées en première instance. À fin 2024, seuls 11.009 détenus entraient dans cette catégorie, soit 10,48 % de la population carcérale, un taux trois fois inférieur au seuil maximal de 31 % fixé par les Objectifs de développement durable. Concrètement, plus de 89 % des personnes incarcérées au Maroc ont déjà fait l'objet d'une décision judiciaire. Femmes : Détention provisoire limitée Conformément aux Règles de Bangkok des Nations unies, une attention particulière est accordée aux femmes en conflit avec la loi. Les chiffres confirment l'impact de cette orientation : en 2024, les femmes ne représentaient que 3,41 % des détenus préventifs, soit 1.138 personnes, contre 32.267 hommes, équivalant à 96,59 %. La cartographie régionale de la détention préventive révèle des écarts marqués. La région de Casablanca-Settat concentre 33,60 % des prévenus (11.225 détenus), alors qu'elle regroupe 20,88 % de la population nationale. Elle est suivie par Rabat-Salé-Kénitra, avec 22,64 % des détenus préventifs pour 13,94 % de la population. À l'inverse, les régions du Sud affichent des niveaux nettement plus bas : Laâyoune-Sakia El Hamra compte 520 prévenus (1,39 %), Draâ-Tafilalet 376 (1,13 %), et Dakhla-Oued Eddahab seulement 106 (0,32 %). Le nombre d'acquittements prononcés en faveur de personnes placées en détention préventive poursuit également sa baisse. En 2024, 1.136 acquittements ont été enregistrés, contre 4.107 en 2015 et 1.591 en 2023. Cette évolution est interprétée comme le signe d'une meilleure qualité des enquêtes et d'un contrôle plus rigoureux avant toute décision d'incarcération.