Le juge Michael Obus a remis en liberté sur parole Dominique Strauss-Kahn, accusé de crimes sexuels par une femme de ménage de l'hôtel Sofitel, après que le bureau du procureur eut reconnu que la victime présumée avait fait un récit «erroné» de l'agression présumée. Dans l'attente de son procès, DSK peut circuler librement aux Etats-Unis mais ne pas voyager à l'étranger, son passeport étant toujours aux mains des autorités. Il ne porte plus de bracelet électronique, n'est plus escorté et peut recevoir toutes les visites qu'il souhaite. Alors que la justice américaine maintient ses accusations, des juristes américains estiment difficile de ne pas abandonner les poursuites contre l'ancien patron du FMI. «Beaucoup de chapitres de cette affaire extraordinaire restent à écrire, mais si les poursuites sont abandonnées, cela montrera que la justice fonctionne, estime ainsi l'ancien procureur Jacob Frenkel, qui fut chargé de délits de droit commun à la Nouvelle-Orléans. Il vaut mieux ne pas poursuivre un dossier insuffisamment solide que de condamner un innocent». «Au procès, l'accusatrice serait réduite en charpie» Une analyse que partage Alex Reinert, professeur de droit pénal à l'Université Yeshiva de New York : «La question de la crédibilité de la victime présumée est posée. Elle pourrait avoir dit la vérité, mais il est désormais difficile d'imaginer un jury condamnant M. Strauss-Kahn». Jeffrey Toobin, ancien procureur adjoint spécialiste des questions judiciaires, insiste sur la portée de ce retournement de situation. «Je n'ai jamais vu une chose pareille, cette journée est l'une des plus extraordinaires de l'histoire de la justice criminelle des Etats-Unis, a-t-il déclaré sur la chaîne CNN. Je crois qu'à ce stade, cette affaire va se terminer par un non-lieu. Il est difficile d'imaginer un procès où le témoin principal apparaît comme une fieffée menteuse». Jacob Frenkel renchérit : «S'il y a procès, cette femme va être réduite en charpie lors des contre-interrogatoires». Selon lui, l'accusation a désormais trois options : soit continuer les poursuites avec une forte probabilité de perdre un procès où le jury ne sera jamais unanime, soit poursuivre l'affaire en réduisant l'importance des chefs d'inculpation, soit encore abandonner purement et simplement les poursuites. «L'arrestation est survenue trop rapidement après les faits, souligne-t-il, il n'y a donc pas eu d'enquête suffisante, c'est inhabituel mais c'était dû au fait que Dominique Strauss-Kahn allait quitter le pays, il fallait agir vite». L'erreur du Procureur Cyrus Vance Jr De l'avis des experts, le procureur Cyrus Vance Jr aurait dû s'abstenir de déclarer à la presse qu'il existait des preuves très sérieuses étayant les faits. «Il a tiré des conclusions trop rapides, il s'est laissé emporter par la frénésie médiatique», estime encore Jacob Frenkel. «Tout ceci n'est pas bon pour le procureur Cyrus Vance, reconnait Alex Reinert. Son bureau a déjà perdu récemment dans une affaire de viol présumé d'une femme par deux policiers (qui ont été innocentés). Cette nouvelle affaire était très importante pour sa carrière et il ne peut pas se permettre de la perdre». Lui aussi penche pour l'abandon des poursuites. Quant à Nafissatou Diallo, la victime présumée, les enquêtes sur elle vont se multiplier. «Et si jamais il s'avérait qu'elle a menti à la police, et surtout au Grand jury, alors c'est elle qui ferait l'objet de poursuites», souligne Alex Reinert. Selon lui, DSK serait maintenant en droit de se retourner à son tour contre la ville de New York et d'intenter un procès en dommages et intérêt...