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Pacifisme, nationalisme et réalisme
La Marche Verte au prisme de son référentiel éthique
Publié dans L'opinion le 09 - 11 - 2011

Des auteurs, dont l'historien Abdallah Laroui, reconnaissent à la Marche Verte une filiation gandhienne. Le célèbre Mahatma passe, en effet, pour être le chantre en titre de l'éthique de la résistance passive. Dans le contexte de la Marche Verte, la gestion de la revendication saharienne s'est enrichie d'une autre dimension : l'éthique islamique. L'objet de cet article n'est cependant pas de forcer les arguments pour établir un quelconque « déterminisme religieux » qui réduirait toute la politique saharienne du Royaume à un simple jeu de « stratégie spirituelle ». Le différend sur le Sahara présente nécessairement des aspects juridiques, historiques et géopolitiques qui surdéterminent cette affaire, le paramètre éthico-religieux n'étant qu'un angle d'éclairage complémentaire.
Dans le cas de la Marche Verte, le pacifisme se décline suivant une configuration ternaire mettant en interaction, primo, l'identité du Souverain, Commandeur des croyants, en tant qu'émetteur, secundo, l'éthique islamique comme ressource symbolique et, tertio, la Marche Verte en tant que terrain d'action. Sous ce rapport, le Roi Hassan II représentait, tant par ses convictions religieuses que par sa doctrine diplomatique, un des maîtres à penser de « l'islam modéré ». Sous son règne, le patronage d'une série de manifestations mondiales prônant la tolérance et le dialogue interconfessionnel, la présidence des causeries religieuses animées pendant le mois de Ramadan par une pléiade d'ulémas du monde musulman, la qualité des liens tissés avec le Saint-Siège, l'intégration de personnalités juives et étrangères aux travaux de l'Académie du Royaume pour débattre de l'éthique internationale comme du sort de Jérusalem sont autant d'indices qui donnent à mesurer la prégnance des dimensions spirituelles de la diplomatie marocaine. La ligne de conduite observée pour gérer la revendication saharienne au milieu des années 1970 satisfait à ce besoin d'illustration. Le facteur religieux y a joué autant comme un facteur de modération que de mobilisation à l'égard des 350 000 volontaires qui ont participé à la Marche Verte.
Jalon décisif de l'histoire du Maroc indépendant, la Marche Verte montre que, même en situation de crise et de risques géopolitiques, la mobilisation du facteur religieux est loin de déterminer un quelconque basculement vers la violence et l'affrontement militaire. Elle offre, de ce point de vue, le modèle de ces situations atypiques où peuvent se conjuguer, sans grande dissonance, deux visées opposées : mobilisation et modération. L'initiateur de la Marche Verte, le Roi Hassan II, savait, en effet, qu'il était politiquement et diplomatiquement efficace d'assigner à celle-ci une dimension religieuse. Non seulement parce qu'il s'agissait de triompher habilement et sans effusion de sang de la puissance administrante qu'était l'Espagne franquiste, mais aussi pour montrer à l'opinion publique internationale, et singulièrement, espagnole, que l'affaire du Sahara était devenue la première cause nationale des Marocains et que, désormais, le consensus nationaliste avait pour pivot mobilisateur le parachèvement de l'intégrité territoriale du Royaume.
Considérée sous l'angle de la symbolique religieuse, la Marche Verte fournit un site pertinent pour observer l'œuvre de l'éthique de la résistance passive en contexte postcolonial. L'épithète « Verte » accolée au substantif « Marche », évoquant la couleur élue du Prophète de l'Islam, laisse d'abord transparaître le parti-pris pour une reconquête pacifique du territoire saharien. C'est pourquoi, après plusieurs années de recul, le Roi Hassan II se félicite d'avoir articulé ses plans pour la récupération du Sahara sur une « démarche coranique » :
« La Fatiha [écrit le Souverain], sourate liminaire du Coran, qui a guidé les pas du Prophète Sidna Mohammed, M'a fourni le code de conduite pour déjouer les manœuvres de l'Espagne au Sahara. Je rends grâce à Dieu qui M'a comblé de Ses bienfaits en Me montrant le droit chemin. C'est cette empreinte religieuse qui M'a amené à élire le vert, insigne de tous les symboles et les vertus véhiculés par l'Islam, comme couleur de la Marche. Cette source d'inspiration religieuse M'a également dicté l'obligation de rester fidèle au message de la paix transmis par l'Islam ».
La cause même du parachèvement de l'intégrité territoriale se prête bien, dans le contexte des sociétés musulmanes, à cette espèce d'investissement religieux. La récupération des portions de territoire national spoliées constitue, à bien des égards, une obligation religieuse. D'abord, parce que l'occupation étrangère de ce territoire, qui a le statut de « Dar al-Islam », fait peser sur tout musulman une obligation de jihad. Ensuite, parce que cette occupation, ainsi que le confirme un verset coranique, est incompatible avec la gloire que Dieu a voulue pour les croyants : « La gloire est pour Dieu, son messager et les croyants », lit-on dans le Saint Coran (CXIII, 8). Jihad, fath et autres, tels sont les attributs spirituels de la Marche Verte qui évoque, selon ses exégètes les plus attitrés, la « Marche du Prophète sur la Mecque ». Le pacifisme comme référent pratique de la Marche Verte transparaît également à travers l'encadrement des « Marcheurs » qui se sont mobilisés pour retrouver le Sahara. Cet extrait du discours royal, prononcé à la veille de la Marche Verte, indique le rôle que devait jouer la religion en tant que facteur de modération et de discipline morale à l'égard des 350 000 volontaires dont on savait qu'à l'époque, ils étaient travaillés par une espèce d'extase patriotique :
« En Notre qualité de guide, d'Amir Al Mouminine et de Responsable de ta politique, Nous voudrions te faire quelques recommandations. Cher Peuple, (…) si tu rencontres un Espagnol, civil ou militaire, échange avec lui le salut et invite-le sous ta tente à partager ton repas. Nous n'avons aucune inimitié à l'égard des Espagnols ni ne ressentons de rancœur à leur endroit car si Nous avions voulu faire la guerre à l'Espagne, Nous n'aurions pas envoyé des civils désarmés mais plutôt une armée ».
Par-delà ces dimensions spirituelles, la référence à l'Islam répondait également dans le cas de la Marche Verte à des besoins de mobilisation et d'efficacité politique. L'intimité entre registre religieux et registre nationaliste n'a jamais été aussi profonde que pendant la Marche Verte. Il n'est que de dresser le portrait du « marcheur » pour mesurer cette intimité : premièrement, il tenait le livre saint par une main et le drapeau national ou un portrait royal par l'autre ; et deuxièmement, il déclamait des chants coraniques qu'il relayait aussitôt par des devises et des formules patriotiques. Les 350 000 volontaires étaient assimilés à la fois à des « Pèlerins de la Paix » mobilisés pour une cause sacrée et à des combattants nationalistes aux prises avec le colonialisme.
La teneur des arguments apportés par l'Avis consultatif de la Cour Internationale de Justice (CIJ) du 16 octobre 1975 n'a pas été sans déterminer cette orientation spirituelle dont le Souverain a voulu imprégner la Marche Verte. L'Avis de la Cour a été rendu sur fond d'une lecture juridique prenant acte d'un fait éminemment religieux : ce sont les liens de bey'a (allégeance) tissés, des siècles durant, entre les populations sahraouies et le trône marocain qui fondent les droits historiques du Royaume. L'argumentaire royal, tirant les conséquences pratiques de cette sentence internationale, a abondé dans le même sens. Le 16 octobre 1976, le jour même où la CIJ a rendu son avis, le Roi Hassan II a déclaré :
« Cher Peuple, Dieu, le Très-Haut a dit : “Le droit a prévalu sur l'injustice” (…). Il est donc devenu pour Nous impératif, inéluctable et même un devoir religieux, (…) en Notre qualité d'Amir El Mouminin, liés que nous sommes par l'acte d'allégeance, d'honorer nos responsabilités et d'aller rejoindre notre peuple au Sahara ».
L'on sait que ce parallèle entre religion et nationalisme a été partagé par la classe politique du Royaume, dont notamment le parti de l'Istiqlal, formation politique où se combinent parfaitement nationalisme, parachèvement de l'intégrité territoriale et mobilisation religieuse. Ce parallèle a été assumé, de façon nuancée, par la gauche marocaine qui développait, à l'époque, une conception plutôt laïque des relations internationales. L'opposition socialiste estimait, en effet, que la signification religieuse de la Marche Verte devait aller de pair avec les autres dimensions de l'évènement dont il s'imposait de saisir également la portée en termes de guerre de libération nationale. Cette prise de position progressiste fut plus nette chez le Parti du Progrès et du Socialisme (PPS) dont l'organe de presse tenait à user d'un lexique employant des formules plutôt laïques telles que « marche populaire » et « lutte anti-impérialiste ». Il serait cependant inexact de réduire cette réserve partisane à un simple souci de démarcation idéologique. Au fond, les partis de gauche, qui ont énergiquement appuyé les initiatives royales pour la récupération du Sahara tout en se prononçant pour une offensive plus radicale contre l'Espagne, tenaient à remettre à l'honneur l'« épopée » de l'Armée de Libération Nationale (ALN), bras séculier du mouvement national que contrôlait le flanc gauche de l'Istiqlal.
Dans la foulée de cette ambiance d'émulation nationaliste, les positions « maximalistes » des partis de gauche ont été finalement déclinées. Les choix stratégiques du Roi Hassan II ont plutôt porté sur une vision alternative reléguant l'affrontement armé avec l'Espagne au plan d'un scénario d'ultime recours. Le Souverain jugeait, en effet, que la libération du Sahara pouvait et devait aboutir pacifiquement et qu'une mobilisation appropriée des ressources symboliques saurait triompher de tout durcissement du côté de l'Espagne franquiste dont on savait, au demeurant, que le potentiel militaire était de loin supérieur à celui du Maroc.
On le voit bien, le contexte stratégique de la Marche Verte éclaire cette mise à contribution réaliste et conséquente des ressources spirituelles en tant que facteur à la fois mobilisateur et modérateur dans les relations internationales. Dans l'optique du pouvoir royal, faire usage d'un discours articulé sur l'action inoffensive, avec de larges emprunts à l'éthique coranique, était triplement avantageux et permettrait, d'abord, de confondre les plans du colonialisme espagnol, ensuite, de s'assurer la sympathie et la solidarité de l'opinion publique internationale, et enfin de s'assurer l'adhésion et la discipline des citoyens et de la classe politique marocaine. Les accents gandhiens de la Marche Verte ne doivent donc pas s'analyser comme l'expression d'un alignement conformiste sur les préceptes éthiques de la « résistance passive », mais également comme une prise de conscience lucide des possibilités d'action et des choix alternatifs à prendre dans un contexte géopolitique lourd de contraintes. Réalisme, nationalisme et facteur religieux, loin de s'exclure, se rejoignent parfaitement. Ne doit-on pas considérer à ce titre que la Marche Verte ait pris une place honorable dans le palmarès des théories des relations internationales ?
1 Cf. Hassan II, « Présentation », in La Marche verte, Paris, Plon, 1989, p. 12.
2 Cf. Hassan II, Le défi, Paris, Ed. Albin Michel, 1976, p. 182.
* Le Centre d'Etudes Internationales (CEI) est un groupe de réflexion et d'analyse basé à Rabat. Acteur actif du débat afférent à la conflictualité saharienne et à certaines thématiques nationales fondamentales, le CEI a publié, en 2010, auprès des éditions Karthala, un ouvrage collectif intitulé : « Une décennie de réformes au Maroc (1999-2009) ». En janvier 2011, le CEI a rendu public, auprès du même éditeur, un second ouvrage titré, « Maroc-Algérie : Analyses croisées d'un voisinage hostile ». Il vient également de faire paraître, auprès des éditions précitées, un ouvrage portant sur « Le différend saharien devant l'Organisation des Nations Unies ». Outre ses revues, libellées, « ETUDES STRATEGIQUES SUR LE SAHARA » et « La Lettre du Sud marocain », le CEI compte par ailleurs à son actif plusieurs supports électroniques parmi lesquels figurent, “http://www.arsom.org”www.arsom.org, “http://www.saharadumaroc.net”www.saharadumaroc.net et “http://www.polisario.eu”www.polisario.eu.


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