Rabat accueille jeudi la Conférence ministérielle africaine sur le Désarmement, la Démobilisation et la Réintégration des enfants soldats    L'ambassadrice de Chine en visite à la Commune de Marrakech pour explorer les perspectives de coopération    Tomates marocaines : l'Irlande devient un marché émergent avec des importations en forte hausse    Lutte anti-tabac: le monde appelé à affûter ses armes face à une menace aux dimensions complexes    L'ambassadrice de Chine visite le Centre de langue chinoise "Mandarin" à Marrakech    Kénitra: Les informations sur un prétendu mariage par "la Fatiha" d'une mineure dénuées de tout fondement    Festival International du Film de Marrakech: la composition du jury de la 22e édition dévoilée    Le ministère de la Santé assure l'évacuation sanitaire urgente d'un nouveau-né de Laâyoune vers Rabat    La Bourse de Casablanca ouvre en grise mine    Pressée par Trump, l'Algérie lâche les Palestiniens à l'ONU    18 Novembre : La date des dates!    Atlas Lion Cubs eye World Cup semifinals after thrilling win over Mali    Presionada por Trump, Argelia abandona a los palestinos en la ONU    Morocco shines with silver and bronze at Islamic Solidarity Games in Riyadh    FIFM 2025 : Hakim Belabbes, Karim Aïnouz et Payman Maadi parmi les membres du jury    Mauritanie : Le président El Ghazouani reçoit une délégation politique et militaire du Polisario    Assassinat de Khashoggi : MBS évoque une "énorme erreur"    Aéronautique : Airbus veut approfondir davantage son partenariat avec le Maroc    Polisario : Depuis Tindouf, des opposants réclament le départ de Brahim Ghali    Mundial Sub-17: Marruecos vence a Malí y avanza a los cuartos de final    Températures prévues pour mercredi 19 novembre 2025    Coupe du monde 2026 : les détenteurs de billets bénéficieront de créneaux prioritaires pour les entretiens de visa américain    MBS veut travailler à une reconnaissance d'Israël "dès que possible"    L'artisanat marocain s'expose à Séville pour renforcer les liens culturels avec l'Andalousie    Grand prix national de la presse : Remise des prix aux lauréats de la 23e édition    Ayoub Gretaa retenu dans la sélection des "Révélations masculines César 2026"    L'eau et les infrastructures... au cœur des entretiens entre le ministre de l'Equipement et de l'Eau et l'ambassadrice de Chine    CDM U17 / Maroc-Mali : Les Lionceaux mènent à la pause    Mondial U17 : Un remake Maroc-Mali, l'Ouganda poursuit son petit bonhomme de chemin    Circulation : 9.136 contraventions et 8.211 procès-verbaux dressés en une semaine    Mondial U17 : Voici la composition du Maroc qui affrontera le Mali    Le Maroc accueille à nouveau les Awards de la CAF 2025 avec de fortes nominations nationales    Vidéo. L'ONMT déploie un important dispositif pour la CAN 2025    Gaza : Le Conseil de sécurité vote pour la création d'une force internationale    IPO SGTM: les premiers détails de l'opération    Fête de l'Indépendance. Le sens d'une précieuse célébration    Sahara - Négociations : Un jeu à somme nulle ou positive ? [INTEGRAL]    Le Maroc commande dix hélicoptères H225M auprès d'Airbus Helicopters    Patrimoine culturel immatériel : La candidature du Caftan marocain examinée en décembre par l'UNESCO    Classement FIFA : Les Lions de l'Atlas profitent de la chute de l'Italie    Campagne agricole 2025-2026 : Programmation de 5 millions d'hectares de grandes cultures    JSI Riyad 2025 : Le Maroc améliore son classement    COP30 : le Maroc appelle à un compromis ambitieux sur le financement climatique    Lancement d'une licence d'excellence en cinéma au profit des étudiants-détenus    Bénin. Une révision constitutionnelle à six mois de la présidentielle    Dakar Fashion Week : L'élégance africaine défile    Aminux signe son grand retour avec son nouvel album "AURA"    Maroc - Espagne : Des exercices conjoints pour la sécurité maritime dans le détroit de Gibraltar    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Alliance des civilisations : le projet, le postulat, le problème
Publié dans Maroc Diplomatique le 23 - 07 - 2019

J'ai eu l'occasion de participer à plusieurs reprises à des réunions et conférences sur l'Alliance des Civilisations. C'est un projet que je soutiens mais qui, malgré tout, demeure pour moi problématique. Je voudrais, dans ce texte, examiner le projet, le postulat et le problème.
Le Projet
Rappelons d'abord la genèse du projet : l'idée d'une « Alliance des civilisations » a été lancée le 21 septembre 2004, par le premier ministre espagnol, José-Luis Rodriguez Zapatero, lors de la 59e session de l'Assemblée Générale des Nations-unies. Conçue dans la foulée des attentats terroristes qui avaient endeuillé l'Espagne, en mars 2004, l'initiative visait à prendre le contre-pied de la réaction calamiteuse du président Bush après les attentats du 11 septembre. A rebours de la confrontation fantasmée entre l'Axe du Bien et l'Axe du Mal et surtout de la « guerre contre le terrorisme», l'initiative espagnole mettait en avant l'indispensable « alliance des civilisations » pour dresser un front commun contre tous les « extrémismes», assécher les marécages du ressentiment et éviter les coupures traumatisantes: Eux et Nous, Islam-Occident, civilisation judéo-chrétienne -civilisation musulmane.
L'idée sous-jacente à l'initiative espagnole est que l'Occident n'est pas en guerre contre l'Islam. Mais que l'Occident et l'Islam sont en guerre contre le fanatisme et l'extrémisme d'où qu'ils proviennent. Ce n'est d'ailleurs pas par hasard si le projet de l'Alliance des Civilisation est présenté à la Ligue des Etats Arabes, en décembre 2004, et rapidement soutenu par la Conférence Islamique, et que, très tôt, l'initiative recueille l'appui du gouvernement Erdogan en Turquie, qui en devient l'avocat le plus convaincu.
Certes il y a eu des conquêtes et des reconquêtes, des flux et des reflux, des victoires et des défaites, des djihads et croisades, mais au-delà, peut-être même à cause de tout cela, la Méditerranée a été d'abord le lieu de croisement des peuples et des cultures, et donc le lieu d'une fécondation réciproque.
L'idée séduit d'emblée l'ex-Secrétaire Général des Nations-unies, Kofi Annan, qui annonce, le 14 juillet 2005, le lancement d'un « Forum de l'Alliance des Civilisations » et met sur pied un groupe dit de «Haut-niveau», sous la conduite de Jorge Sampaio, ex-président du Portugal, censé, non seulement mener une réflexion collective sur la question mais surtout lui donner un « contenu opérationnel ». Tout cela est endossé par l'Assemblée Générale des Nations-unies par une résolution du 20 octobre 2005, en faveur du dialogue des civilisations. Depuis lors, un premier rapport du Groupe de Haut niveau a été soumis au Secrétaire Général en novembre 2006, l'initiative a recueilli l'adhésion d'un Groupe d'amis (plus de 120 Etats). Plusieurs organisations internationales et régionales en plus de plusieurs forums ont été organisés dans différentes capitales, le premier ayant été tenu à Madrid en 2007.
Le postulat
Mais quel est le soubassement intellectuel de ce projet de l'Alliance des Civilisations ? Que vise-t-il ? J'ai lu les différentes recommandations du Groupe de Haut-niveau et les déclarations des différents forums organisés de par le monde, je n'y ai pas trouvé une construction intellectuelle structurée. Mais, j'ai pu dégager quelques idées-force, un peu disparates, portant sur la Méditerranée, la mondialisation, l'identité, la culture, l'extrémisme et le nécessaire dialogue. Je vous propose un condensé de ces idées.
Depuis les temps les plus reculés, la Méditerranée a été le lieu d'échanges, de mélanges, de métissages et cette « fusion des différences » a constitué le legs méditerranéen. Certes il y a eu des conquêtes et des reconquêtes, des flux et des reflux, des victoires et des défaites, des djihads et croisades, mais au-delà, peut-être même à cause de tout cela, la Méditerranée a été d'abord le lieu de croisement des peuples et des cultures, et donc le lieu d'une fécondation réciproque.
La mondialisation a eu des effets paradoxaux : d'un côté, elle a certes raccourci les distances, facilité la communication, accru les échanges économiques et la circulation des personnes, mais de l'autre, elle a engendré tensions, méfiance, voire hostilité. Pour utiliser un raccourci, il y a eu globalisation des échanges et relocalisation des identités. Beaucoup de gens commencent à voir la mondialisation non comme une opportunité, mais comme une menace à leurs cultures, à leurs langues, à leurs traditions, à leurs modes de régulation interne, à leur mode de vie, voire à leur existence même en tant que groupe structuré.
A rebours de la confrontation fantasmée entre l'Axe du Bien et l'Axe du Mal et surtout de la « guerre contre le terrorisme», l'initiative espagnole mettait en avant l'indispensable « alliance des civilisations » pour dresser un front commun contre tous les « extrémismes».
Ces effets paradoxaux de la mondialisation provoquent des « éruptions identitaires », souvent basées sur des appartenances culturelles, principalement religieuses. C'est une sorte de rébellion contre la dilution dans le moule planétaire. Se construisent alors des rapports au passé qui passent par l'interprétation de l'histoire dans un sens qui renforce l'identité du groupe et rapports à l'espace, perçu, à la fois, comme lieu qui permet la reproduction du groupe ou de la communauté, et comme la fabrique des liens socioculturels, puisque c'est dans cet espace que se crée le sentiment d'appartenance : « le chez moi définissant la relation à l'altérité et au voisinage ». L'ensemble de ces rapports, au passé comme à l'espace social, est intégré dans le rapport de l'identité à la culture.
En soi, tout cela ne pose pas de problème, sauf que la mondialisation, par la diffusion de modèles et de normes, exacerbe les identités fragilisées par la peur ou le manque et provoque des conflits, qualifiés trop rapidement d'identitaires où la religion est souvent instrumentalisée. En effet, il n'est pas facile de vivre sa culture au sein d'une autre, pour utiliser les termes de M.Gauchet, car c'est « vivre en marge et dans l'humiliation de ne pas posséder les clés de l'univers dans lequel on évolue ».
Ces éruptions identitaires liées à une mondialisation non-régulée sont qualifiées de choc de civilisation ou guerres de cultures et ne sont en réalité que les projections externes des ruptures internes aux communautés, aux sociétés et cultures. De sorte que ce qu'on nous présente comme des guerres entre les cultures, n'est en réalité, que des guerres au sein des cultures entre ceux qui sont tentés par le confort du repli et ceux qui sont attirés par le grand large, fût-il gros de menaces.
Cette difficile adaptation à un monde en mouvement provoque des poussées de fièvre identitaire qui, sous l'effet de l'instrumentalisation de la religion, peuvent prendre une tournure violente. L'affaire des caricatures danoises le démontre : lorsque des modèles culturels se trouvent en compétition (le principe de la liberté de la presse versus le principe de la responsabilité) l'opposition peut générer un conflit : ce dernier peut être facilement drapé d'une contradiction Occident-Islam et présenté comme un « choc de civilisation ».


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.