Message de fidélité et d'attachement des FAR à S.M. le Roi pour leur 69e anniversaire    OCP Maintenance Solutions (OCP-MS) lance un Centre d'expertise dédié aux turbomachines    ONMT-TRANSAVIA : 14 nouvelles lignes pour le développement des destinations    Produits de base : plus de 100 MMDH mobilisés depuis 2022    SM le Roi reçoit à Rabat plusieurs ambassadeurs étrangers    Ecoles pionnières: Bilan honorable, mais quelques réglages pédagogiques s'imposent !    Aéroport Mohammed V : Arrestation d'un Suédois visé par un mandat d'arrêt international    Médias, RS : le PPS défend l'indépendance de la presse    Le projet de Code de procédure pénale adopté en Commission à la Chambre des représentants    Senén Florensa : « L'avenir sera fait de zones d'intégration, et la nôtre est euro-méditerranéenne-africaine »    Le Yémen compte sur le soutien de la Chine    Gazoduc Nigeria-Maroc : Le point sur les études achevées, les accords signés et les prochaines étapes stratégiques    Le Maroc édicte pour la première fois de nouveaux seuils pour les rejets atmosphériques des usines d'acide phosphorique    Agrumes : une filière en quête de renouveau (VIDEO)    Le Maroc réussit une équation difficile : le coût de production automobile le plus bas au monde, avec seulement 106 dollars par travailleur    Finance durable : l'impact comme nouveau levier de croissance africaine (vidéo)    Expulsions de fonctionnaires français d'Algérie: la France va "renvoyer" à son tour des diplomates algériens    Pèlerinage. SM le Roi, Amir Al-Mouminine, adresse un Message aux pèlerins marocains    Un séisme de magnitude 6,1 au large de la Crète    Emmanuel Macron favorable à l'interdiction du port du voile lors des compétitions sportives    Maroc : Des appels aux rassemblements à l'approche des 77 ans de la Nakba    Mission post-sismique suisse : Comprendre les dommages causés par le séisme d'Al Haouz    Le Nigeria connaît sa croissance la plus rapide depuis une décennie    CAN U20 : Point presse de Mohamed Ouahbi avant Maroc – Egypte    Le Panathinaïkos souhaiterait conserver Azzedine Ounahi cet été    Real Madrid : Brahim Díaz incertain face à Majorque, l'effectif décimé inquiète    Le Dislog Maroc Padel Masters revient du 16 au 18 Mai à Casablanca    Raja Casablanca : Houssine Rahimi devrait rejoindre son frère à Al Ain    2025, une année fructueuse pour les sélections marocaines qualifiées à 4 coupes du monde    Clap de Fin pour Nordin Amrabat ?    Nouveau siège du consulat du Maroc à Montpellier : Vers un renforcement des services consulaires et du rapprochement maroco-français    Conseil des ministres : décisions majeures et nominations stratégiques    8 dead, 20 injured in Essaouira-Agadir bus accident    España: El Partido Socialista acusa al Partido Popular de querer socavar las relaciones con Marruecos    Saint-Gobain Morocco inaugurates New Weber factory in Agadir    Etude : la fin de l'univers arriverait plus vite que prévu    Arganiculture: La recherche et développement avance    Leila Slimani at Cannes 2025 : «We laugh, even when part of the world is in darkness»    Huawei Maroc accompagne le Printemps Musical des Alizés et réaffirme son engagement en faveur de la culture    Tricinty Fest : Le rock et le metal font leur retour les 23 et 24 mai 2025    Festival Gnaoua 2025 : 33 Maâlems accueillent les voix du monde    Patrimoine : Marrakech, au fil de l'eau et des jardins    Le Pavillon Temporaire : un nouveau chapitre s'ouvre au Jardin Majorelle    Handball. 41e CACVC, Egypte 25 : Wydad Smara et l'AS FAR en lice cet après-midi    Trump a demandé au président syrien de normaliser la relation avec Israël    Les prévisions du mercredi 14 mai    À Rabat, un dispositif structurant pour l'émergence d'une industrie nationale du jeu vidéo lancé    Le Gravity Comedy Show revient à Marrakech avec une nouvelle édition mêlant satire, spontanéité et voix montantes du stand-up    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Alliance des civilisations : le projet, le postulat, le problème
Publié dans Maroc Diplomatique le 23 - 07 - 2019

J'ai eu l'occasion de participer à plusieurs reprises à des réunions et conférences sur l'Alliance des Civilisations. C'est un projet que je soutiens mais qui, malgré tout, demeure pour moi problématique. Je voudrais, dans ce texte, examiner le projet, le postulat et le problème.
Le Projet
Rappelons d'abord la genèse du projet : l'idée d'une « Alliance des civilisations » a été lancée le 21 septembre 2004, par le premier ministre espagnol, José-Luis Rodriguez Zapatero, lors de la 59e session de l'Assemblée Générale des Nations-unies. Conçue dans la foulée des attentats terroristes qui avaient endeuillé l'Espagne, en mars 2004, l'initiative visait à prendre le contre-pied de la réaction calamiteuse du président Bush après les attentats du 11 septembre. A rebours de la confrontation fantasmée entre l'Axe du Bien et l'Axe du Mal et surtout de la « guerre contre le terrorisme», l'initiative espagnole mettait en avant l'indispensable « alliance des civilisations » pour dresser un front commun contre tous les « extrémismes», assécher les marécages du ressentiment et éviter les coupures traumatisantes: Eux et Nous, Islam-Occident, civilisation judéo-chrétienne -civilisation musulmane.
L'idée sous-jacente à l'initiative espagnole est que l'Occident n'est pas en guerre contre l'Islam. Mais que l'Occident et l'Islam sont en guerre contre le fanatisme et l'extrémisme d'où qu'ils proviennent. Ce n'est d'ailleurs pas par hasard si le projet de l'Alliance des Civilisation est présenté à la Ligue des Etats Arabes, en décembre 2004, et rapidement soutenu par la Conférence Islamique, et que, très tôt, l'initiative recueille l'appui du gouvernement Erdogan en Turquie, qui en devient l'avocat le plus convaincu.
Certes il y a eu des conquêtes et des reconquêtes, des flux et des reflux, des victoires et des défaites, des djihads et croisades, mais au-delà, peut-être même à cause de tout cela, la Méditerranée a été d'abord le lieu de croisement des peuples et des cultures, et donc le lieu d'une fécondation réciproque.
L'idée séduit d'emblée l'ex-Secrétaire Général des Nations-unies, Kofi Annan, qui annonce, le 14 juillet 2005, le lancement d'un « Forum de l'Alliance des Civilisations » et met sur pied un groupe dit de «Haut-niveau», sous la conduite de Jorge Sampaio, ex-président du Portugal, censé, non seulement mener une réflexion collective sur la question mais surtout lui donner un « contenu opérationnel ». Tout cela est endossé par l'Assemblée Générale des Nations-unies par une résolution du 20 octobre 2005, en faveur du dialogue des civilisations. Depuis lors, un premier rapport du Groupe de Haut niveau a été soumis au Secrétaire Général en novembre 2006, l'initiative a recueilli l'adhésion d'un Groupe d'amis (plus de 120 Etats). Plusieurs organisations internationales et régionales en plus de plusieurs forums ont été organisés dans différentes capitales, le premier ayant été tenu à Madrid en 2007.
Le postulat
Mais quel est le soubassement intellectuel de ce projet de l'Alliance des Civilisations ? Que vise-t-il ? J'ai lu les différentes recommandations du Groupe de Haut-niveau et les déclarations des différents forums organisés de par le monde, je n'y ai pas trouvé une construction intellectuelle structurée. Mais, j'ai pu dégager quelques idées-force, un peu disparates, portant sur la Méditerranée, la mondialisation, l'identité, la culture, l'extrémisme et le nécessaire dialogue. Je vous propose un condensé de ces idées.
Depuis les temps les plus reculés, la Méditerranée a été le lieu d'échanges, de mélanges, de métissages et cette « fusion des différences » a constitué le legs méditerranéen. Certes il y a eu des conquêtes et des reconquêtes, des flux et des reflux, des victoires et des défaites, des djihads et croisades, mais au-delà, peut-être même à cause de tout cela, la Méditerranée a été d'abord le lieu de croisement des peuples et des cultures, et donc le lieu d'une fécondation réciproque.
La mondialisation a eu des effets paradoxaux : d'un côté, elle a certes raccourci les distances, facilité la communication, accru les échanges économiques et la circulation des personnes, mais de l'autre, elle a engendré tensions, méfiance, voire hostilité. Pour utiliser un raccourci, il y a eu globalisation des échanges et relocalisation des identités. Beaucoup de gens commencent à voir la mondialisation non comme une opportunité, mais comme une menace à leurs cultures, à leurs langues, à leurs traditions, à leurs modes de régulation interne, à leur mode de vie, voire à leur existence même en tant que groupe structuré.
A rebours de la confrontation fantasmée entre l'Axe du Bien et l'Axe du Mal et surtout de la « guerre contre le terrorisme», l'initiative espagnole mettait en avant l'indispensable « alliance des civilisations » pour dresser un front commun contre tous les « extrémismes».
Ces effets paradoxaux de la mondialisation provoquent des « éruptions identitaires », souvent basées sur des appartenances culturelles, principalement religieuses. C'est une sorte de rébellion contre la dilution dans le moule planétaire. Se construisent alors des rapports au passé qui passent par l'interprétation de l'histoire dans un sens qui renforce l'identité du groupe et rapports à l'espace, perçu, à la fois, comme lieu qui permet la reproduction du groupe ou de la communauté, et comme la fabrique des liens socioculturels, puisque c'est dans cet espace que se crée le sentiment d'appartenance : « le chez moi définissant la relation à l'altérité et au voisinage ». L'ensemble de ces rapports, au passé comme à l'espace social, est intégré dans le rapport de l'identité à la culture.
En soi, tout cela ne pose pas de problème, sauf que la mondialisation, par la diffusion de modèles et de normes, exacerbe les identités fragilisées par la peur ou le manque et provoque des conflits, qualifiés trop rapidement d'identitaires où la religion est souvent instrumentalisée. En effet, il n'est pas facile de vivre sa culture au sein d'une autre, pour utiliser les termes de M.Gauchet, car c'est « vivre en marge et dans l'humiliation de ne pas posséder les clés de l'univers dans lequel on évolue ».
Ces éruptions identitaires liées à une mondialisation non-régulée sont qualifiées de choc de civilisation ou guerres de cultures et ne sont en réalité que les projections externes des ruptures internes aux communautés, aux sociétés et cultures. De sorte que ce qu'on nous présente comme des guerres entre les cultures, n'est en réalité, que des guerres au sein des cultures entre ceux qui sont tentés par le confort du repli et ceux qui sont attirés par le grand large, fût-il gros de menaces.
Cette difficile adaptation à un monde en mouvement provoque des poussées de fièvre identitaire qui, sous l'effet de l'instrumentalisation de la religion, peuvent prendre une tournure violente. L'affaire des caricatures danoises le démontre : lorsque des modèles culturels se trouvent en compétition (le principe de la liberté de la presse versus le principe de la responsabilité) l'opposition peut générer un conflit : ce dernier peut être facilement drapé d'une contradiction Occident-Islam et présenté comme un « choc de civilisation ».


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.