Quelques mois après les tensions commerciales entre la Chine et les Etats-Unis, le géant chinois du commerce en ligne Alibaba passe à l'action en annonçant l'ouverture de sa filiale logistique officielle au Maroc, au cœur de la capitale économique. Baptisée Cainiao Smart Logistics Network Morocco, cette plateforme est portée par la branche néerlandaise du groupe, Cainiao B.V. L'implantation d'Alibaba au Maroc, annoncée en décembre dernier en partenariat avec l'Association Marocaine des Exportateurs (ASMEX) et l'Agence Marocaine de Développement des Investissements et des Exportations (AMDIE), a suscité de nombreuses réactions, entre inquiétudes et espoirs. Toutefois, avec l'annonce de l'ouverture du réseau logistique intelligent Cainiao Smart Logistics Network Morocco, le projet prend une tournure concrète et stratégique. Le géant chinois semble désormais mettre en œuvre son implantation de manière structurée. Fort d'un réseau mondial, qui inclut 1 100 entrepôts, 380 centres de tri, plus de 170 000 points de dépôt, et une flotte de 170 vols affrétés chaque semaine, Cainiao ambitionne de faire du Maroc un pilier de sa logistique en Afrique. La plateforme, dirigée par Wei Xiong, aura pour mission le traitement, le tri et l'acheminement des colis, tout en développant des services numériques, douaniers et de stockage. Le Maroc, de plus en plus proche du statut de hub commercial africain, pourrait ainsi devenir un acteur central du e-commerce sur le continent, voire au-delà, en étendant son influence vers l'Europe et le Moyen-Orient. Lire aussi : Alibaba s'implante au Maroc, entre opportunités et risques Cette implantation devrait également permettre d'optimiser les flux logistiques entre la Chine et le Royaume, favoriser la création d'emplois, le transfert de compétences, ainsi que le développement des technologies de l'information. Au-delà de la performance commerciale, Cainiao contribuera au renforcement des infrastructures logistiques nationales et offrira aux entreprises marocaines une véritable opportunité d'intégration dans les chaînes de valeur mondiales. Quant aux PME marocaines, cette implantation représente une réelle opportunité d'accéder à des marchés internationaux, notamment en Europe et en Asie. Le Maroc, qui manifeste un intérêt croissant pour le développement technologique, bénéficiera avec cette nouvelle plateforme d'outils numériques avancés, mis à la disposition des entreprises locales. Ces outils permettront de moderniser la gestion, d'automatiser les opérations pour gagner en performance, en temps et en coûts, tout en facilitant la transition, encore récente pour de nombreuses PME marocaines vers l'internationalisation. En effet, grâce à la simplification des échanges avec les partenaires étrangers, cette dynamique contribuera à une meilleure intégration des entreprises marocaines dans l'économie mondiale. En ce qui concerne Cainiao Smart Logistics Network Morocco, le projet suscite également l'espoir d'une création significative d'emplois, notamment dans les secteurs de la logistique et du service client. Depuis sa création en 1999 par le célèbre Jack Ma, la plateforme B2B Alibaba a été fondée sur la conviction que l'Internet permettrait aux petites entreprises de tirer parti de l'innovation et de la technologie pour croître et devenir plus compétitives, tant à l'échelle nationale qu'internationale. Bien que les valeurs fondatrices du groupe soient louables, son implantation au Maroc suscite des inquiétudes légitimes. En effet, la présence d'un acteur de la taille d'Alibaba pourrait fragiliser, voire marginaliser, les plateformes locales existantes, en réduisant leur visibilité et leur capacité à suivre le rythme imposé par le géant chinois. Déjà accusé par le passé d'abus de position dominante, Alibaba s'est vu infliger en 2021 une amende record de 2,34 milliards d'euros par les autorités chinoises. Cette sanction, équivalente à 4 % de son chiffre d'affaires de 2019, faisait suite à la politique d'exclusivité imposée aux commerçants, les contraignant à vendre uniquement sur sa plateforme. L'Administration d'Etat pour la régulation du marché (SAMR) avait alors conclu qu'Alibaba avait abusé de sa position dominante depuis 2015 en empêchant ses vendeurs d'utiliser d'autres plateformes de commerce électronique. Transposée au Maroc, une telle stratégie pourrait non seulement affaiblir durablement les plateformes locales, notamment TPE/PME, qui risqueraient de devenir dépendants d'un seul canal de distribution. Par ailleurs, une question cruciale demeure : l'infrastructure actuelle du Royaume est-elle en mesure de gérer le flux d'opérations que cette implantation générera, notamment en matière de logistique et de transport ?