Plus de 1.000 milliards de dirhams d'investissements publics à l'horizon 2030 : la Coupe du Monde et la CAN ne sont pas seulement des événements sportifs. Elles deviennent, selon les autorités marocaines, un catalyseur sans précédent de transformation structurelle de l'économie nationale. Réunis mercredi 21 mai au Complexe Mohammed VI de football à Salé, la Fédération Royale Marocaine de Football (FRMF) et la Confédération Générale des Entreprises du Maroc (CGEM) ont exposé les contours d'une stratégie ambitieuse, fondée sur la convergence des politiques publiques et la mobilisation du secteur privé. Un chantier plus vaste que le sport Dès l'ouverture des travaux, Fouzi Lekjaa, président de la FRMF et ministre délégué chargé du Budget, a donné le ton : « L'organisation conjointe de la Coupe du Monde 2030 est une occasion inestimable pour engager une transformation globale du territoire national. Elle doit se traduire dans les infrastructures, l'économie, les services, mais aussi dans les mentalités. » L'enjeu dépasse donc le stade et les tribunes : c'est l'ensemble de l'appareil productif, administratif et logistique qui est concerné. Pour Lekjaa, cette transformation ne crée pas de dépenses nouvelles, mais accélère des stratégies déjà initiées : « Ce ne sont pas des investissements exceptionnels, mais une accélération des politiques que nous avons déjà engagées : la généralisation de la protection sociale, la régionalisation, la transition digitale... » Cette vision repose sur une mobilisation de l'Etat autour d'une gouvernance unifiée. Tous les ministères sont impliqués, et les exigences de performance imposent une nouvelle culture dans l'administration. « Aujourd'hui, nous comptons les délais en heures », a expliqué la directrice de l'Agence Nationale des Equipements Publics (ANEP), Zineb Benmoussa. Des investissements colossaux Chakib Alj, président de la CGEM, chiffre l'impact attendu : 1.000 milliards de dirhams d'investissements publics d'ici 2030, soit l'équivalent du PIB annuel du Maroc. À travers la modernisation des infrastructures ferroviaires, autoroutières, portuaires et aéroportuaires, la couverture 5G étendue à 70 % du territoire, et la montée en gamme des équipements sportifs, l'objectif est clair : structurer un écosystème de croissance pérenne. Cette dynamique est pensée comme un levier de relance multisectorielle, articulée avec les grandes réformes de l'Etat social et l'émergence d'un secteur privé plus performant. Le mot d'ordre est clair : mobiliser les opérateurs marocains. Une large part des projets sera confiée à des entreprises locales. Le ministre de l'Industrie, Ryad Mezzour, a d'ailleurs lancé un message direct au secteur privé : « Investissez ! Foncez ! [...] On va les faire, avec ou sans vous ! » . Il a exhorté les industriels à monter en gamme, à anticiper les besoins et à répondre à la demande nationale. Si certains projets ont atteint des limites de capacité – obligeant l'Etat à recourir à l'importation – Mezzour voit dans cette situation une opportunité pour reconfigurer les chaînes de valeur industrielles locales. TPME, startups, écosystèmes : des effets d'entraînement ciblés Pour la CGEM, cette dynamique doit générer un effet d'entraînement massif sur les TPME. Chakib Alj appelle à une anticipation stratégique des appels d'offres, à la montée en compétences, et à une mobilisation de l'innovation. Les startups ont notamment un rôle clé à jouer dans la digitalisation des services touristiques, des infrastructures et de l'expérience des supporters. L'idée est de bâtir une économie post-Mondial, non pas centrée sur l'événement, mais transformée par lui, avec des effets durables sur la productivité et l'attractivité du territoire. Un secteur touristique à l'offensive Sur le front du tourisme, Fatim-Zahra Ammor, ministre de tutelle, a rappelé les résultats historiques de 2024 : 17,4 millions de visiteurs, un record continental. Pour capitaliser sur cette dynamique, l'Etat injecte 8 milliards de dirhams dans la modernisation de l'offre, avec pour ambition de répartir les flux sur l'ensemble des régions et de viser la durabilité. La Coupe du Monde, avec une audience télévisée estimée à 5 milliards de téléspectateurs, servira de catalyseur pour cette nouvelle génération de tourisme, intégrant gaming, gastronomie et digital. Une politique culturelle et jeunesse comme levier de croissance Le ministre de la Culture, Mohamed Mehdi Bensaid, a quant à lui souligné l'importance d'intégrer les industries culturelles et créatives (ICC) dans la stratégie globale. L'objectif est de transformer le patrimoine marocain en actifs économiques : monuments scénographiés, festivals, musique, jeux vidéo... Un programme structurant comme le Pass Jeunes permettra d'étendre l'accès des jeunes aux infrastructures culturelles, touristiques et sportives, créant ainsi un cercle vertueux d'inclusion et de dynamisation territoriale.