Face à la flambée des prix de la viande rouge au Maroc, le Parlement tente de lancer une mission d'information. Mais les divergences politiques, les rivalités entre groupes et la crise persistante de la filière révèlent des tensions profondes, qui freinent toute réponse rapide aux attentes des citoyens. Alors que les prix de la viande rouge continuent de flamber au Maroc, une nouvelle tension émerge au sein de la Chambre des représentants. Elle ne concerne pas uniquement le marché ou la logistique, mais aussi les dynamiques politiques autour de la création d'une mission parlementaire d'information. Derrière les discours sur la protection du pouvoir d'achat, se joue une bataille d'influence entre majorité et opposition, révélatrice des difficultés à concilier l'urgence économique avec les intérêts partisans. Depuis plusieurs mois, le marché marocain de la viande rouge traverse une double crise : d'une part, l'importation de bovins et d'ovins censée réguler l'offre peine à produire des effets concrets sur les prix ; d'autre part, le circuit de commercialisation reste opaque, non régulé et souvent inefficace. Résultat : malgré les efforts gouvernementaux pour faciliter l'importation et subventionner certaines filières, le consommateur ne voit aucune baisse tangible dans les prix pratiqués sur les étals. Pire encore, la chaîne logistique intermédiaire semble absorber les bénéfices des mesures étatiques sans garantir un retour équitable sur le marché national. Face à cette situation, deux initiatives parlementaires ont vu le jour. La première émane de la majorité, qui propose une mission centrée sur les programmes de soutien à l'importation des viandes et des animaux vivants. La seconde, portée par le groupe du Mouvement populaire, se concentre sur les dysfonctionnements structurels du marché local, en particulier l'absence de régulation des prix et les limites des mesures adoptées jusque-là. Conscient de la convergence thématique entre les deux démarches, le Bureau de la Chambre a proposé leur fusion et renvoyé la question à la Commission des secteurs productifs. C'est désormais à cette instance qu'il revient de trancher, tant sur la nature de la mission à programmer que sur sa présidence, un point qui attise les crispations. Le président du groupe du Mouvement populaire, Idriss Sentissi, n'a pas mâché ses mots. Il rappelle que son groupe a introduit la demande dès le mois de mars 2025, bien avant celle de la majorité. Il accuse cette dernière d'avoir tenté de noyer leur initiative par une proposition concurrente, moins incisive, et politiquement plus neutre. « Intégrer les deux missions, c'est reconnaître que la majorité s'aligne sur notre initiative. La présidence doit donc naturellement nous revenir », affirme-t-il. En coulisses, cette tension traduit une lutte plus large : celle du contrôle de l'agenda parlementaire. Si l'objectif commun affiché est de répondre à une urgence socio-économique, chaque groupe cherche à capitaliser politiquement sur la mission d'information. La majorité veut démontrer sa réactivité face à une crise sensible. L'opposition, elle, entend jouer son rôle de veille et mettre en lumière les insuffisances de l'exécutif. La Commission des secteurs productifs devra trancher prochainement. La tendance serait à la création d'une mission conjointe, englobant à la fois les problématiques d'importation et celles de régulation du marché. Un compromis de bon sens, qui permettrait une analyse plus globale du secteur. Mais pour que cette mission ait un réel impact, elle devra dépasser les querelles politiques et aboutir à des recommandations claires, applicables et suivies d'effet.