Après plusieurs mois de concertation technique discrète, le Maroc franchit une nouvelle étape dans la régulation environnementale de son industrie chimique. Le ministère de la Transition énergétique et du Développement durable a signé une décision attendue de longue date : l'instauration de plafonds contraignants pour les rejets atmosphériques issus des unités de production d'engrais. La mesure, paraphée par la ministre Leïla Benali, vient préciser les concentrations maximales tolérées de poussières, d'ammoniac (NH3) et de fluorure d'hydrogène (HF), des émissions historiquement pointées du doigt pour leur impact environnemental et sanitaire. Ces valeurs limites, exprimées en milligrammes par mètre cube normalisé (mg/Nm3), se veulent scientifiquement rigoureuses : elles sont définies selon des conditions de référence strictes – 273°K, 1013 hPa et 20 % d'oxygène, une fois la vapeur d'eau déduite. L'industrie des engrais, pilier stratégique de l'économie marocaine à travers notamment le groupe OCP, se retrouve désormais sous la surveillance étroite des autorités. Le texte distingue clairement les installations selon leur date de mise en service, en fixant des exigences plus sévères pour les unités récentes – celles ouvertes après 2015. Une différenciation qui témoigne de la volonté de concilier ambitions industrielles et impératifs écologiques. Lire aussi : Union africaine : Mahmoud Ali Youssouf pourrait-il surmonter les impasses ? Ainsi, pour les sites récents, les plafonds fixés descendent à 50 mg/Nm3 pour les poussières et l'ammoniac, et à 5 mg/Nm3 pour le fluorure d'hydrogène, soit des seuils deux fois plus stricts que ceux tolérés pour les installations plus anciennes. Une manière pour le régulateur d'encourager la modernisation technologique, sans pour autant paralyser les unités historiques. Un contrôle serré, basé sur les moyennes pondérées L'exigence ne s'arrête pas aux chiffres. Le ministère introduit également une méthodologie de contrôle fondée sur des moyennes statistiques calculées sur la durée. Pour être considérées comme conformes, les unités devront démontrer que 95 % des mesures journalières ou horaires respectent les seuils fixés sur une période annuelle ou une campagne de mesure définie. En revanche, les moyennes mensuelles et annuelles devront afficher une conformité parfaite de 100 %. Cette mécanique impose aux industriels une surveillance continue et une gestion rigoureuse de leurs émissions, bien au-delà d'un simple contrôle ponctuel. Une stratégie assumée par l'exécutif, qui revendique dans sa note liminaire une approche scientifique, progressive mais intransigeante sur les résultats. Cette décision trouve sa légitimité dans le décret n° 2.09.631 du 6 juillet 2010, qui habilite l'administration à définir des normes sectorielles et les modalités de leur vérification. En la publiant prochainement au Bulletin officiel, le gouvernement entend consacrer une nouvelle étape réglementaire pour l'un des secteurs les plus émissifs du pays. Pour les observateurs, cette initiative s'inscrit dans une dynamique plus large : celle d'un Maroc qui cherche à verdir son industrie tout en préservant sa compétitivité internationale. Reste à savoir comment les opérateurs, petits ou grands, s'adapteront à cette contrainte supplémentaire. Un véritable test pour la crédibilité des engagements environnementaux du Royaume.