Le Maroc vient de connaître un repli notable dans le nouvel indice caritatif mondial, passant d'un score de 3,74 l'année dernière à 3,42 cette année, en deçà de la moyenne mondiale de 3,49. Ce constat émane d'un rapport de l'Université de l'Indiana, qui analyse les conditions de création d'organismes de bienfaisance, la générosité des dons et la capacité de transférer des fonds au-delà des frontières. L'étude met en exergue la complexité du contexte marocain : bien que la législation nationale permette la création d'associations, les auteurs du rapport dénoncent la persistance de barrières bureaucratiques qui freinent l'élan philanthropique. Dans certains cas, des associations rencontrent des difficultés à obtenir la confirmation d'enregistrement, notamment lorsque leurs projets sont jugés sensibles. Cette frilosité administrative traduit un climat où la méfiance vis-à-vis de certaines initiatives demeure palpable. Au-delà des difficultés à l'enregistrement, l'envoi de dons à l'étranger constitue un obstacle majeur pour les acteurs caritatifs marocains. En effet, le cadre réglementaire, édicté et rigoureusement appliqué par Bank Al-Maghrib, limite fortement la capacité des citoyens à transférer de l'aide ou des fonds au-delà des frontières. Cette politique, si elle répond à des impératifs de sécurité financière, empêche cependant l'essor d'initiatives spontanées et privées visant à apporter un soutien humanitaire international. Cependant, le rapport souligne que ces restrictions ne relèvent pas seulement d'une volonté nationale. Elles s'inscrivent dans un contexte de pressions extérieures, notamment émanant des pays occidentaux qui, par le biais d'organisations comme le Groupe d'Action Financière (GAFI), imposent des normes strictes pour la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Soucieux d'éviter d'être placé sur liste noire, le Maroc a adopté des mesures de surveillance accrues, qui, tout en renforçant la conformité aux standards internationaux, freinent par ricochet les élans philanthropiques. Lire aussi : Crowdfunding au Maroc : un tournant historique après le séisme d'Al Haouz À l'échelle régionale, le tableau dressé par le rapport demeure sombre. La région Moyen-Orient et Afrique du Nord obtient globalement un score inférieur, lestée par des législations qui restreignent parfois explicitement les objectifs ou les activités des organisations. Dans nombre de pays, les initiatives sont cantonnées à des rôles jugés conformes à « l'ordre public » ou aux « traditions locales », forçant les associations à adopter le statut de fondation pour contourner ces obstacles. Malgré ce contexte restrictif, des formes innovantes de philanthropie émergent, notamment dans les Etats du Golfe. Les plateformes numériques, intégrant l'intelligence artificielle, gagnent du terrain, offrant de nouvelles perspectives pour la collecte de fonds. Les gouvernements, tout en soutenant ce virage numérique, veillent également à en renforcer la supervision, soucieux de prévenir tout usage déviant des flux financiers. En toile de fond, le rapport met en lumière des dynamiques globales plus vastes qui influencent les pratiques caritatives : le transfert de la richesse entre générations, la polarisation croissante des opinions politiques, le recul des financements de l'aide au développement et l'augmentation des catastrophes naturelles. L'intelligence artificielle, de plus en plus mobilisée pour améliorer l'accès aux soins, suscite à son tour un besoin de régulation accrue. Ce constat dressé par l'Université de l'Indiana éclaire un paradoxe tenace : tandis que la philanthropie s'adapte aux mutations technologiques et aux urgences humanitaires, elle se heurte à un environnement réglementaire de plus en plus rigide. Le Maroc, à l'instar de nombreux pays de la région, illustre ainsi la tension entre la nécessité de conformité aux standards internationaux et la volonté de préserver un espace propice à l'action caritative.