Une étudiante agressée, un chauffeur en fuite, et une application qui continue d'opérer dans l'ombre de la légalité. Après un incident choquant survenu à Rabat, la police a ouvert une enquête. L'affaire relance le débat sur l'encadrement des applications VTC, des plateformes de covoiturage largement utilisées mais toujours non régulées au Maroc. Ce qui devait être une simple course via une application VTC s'est transformée en une violente agression le dimanche 29 juin 2025, près du Méga Mall à Rabat. Une jeune femme, accompagnée de son amie, affirme avoir été prise à partie physiquement et verbalement par un chauffeur affilié à la plateforme, dans des circonstances troublantes qui suscitent une vive émotion sur les réseaux sociaux et remettent en question le contrôle des services de transport privé au Maroc. Selon son récit, la jeune femme passe commande à 19h39 et indique attendre à une entrée secondaire du centre commercial. Quelques minutes plus tard, une voiture s'arrête, mais aucun des éléments d'informations sur les véhicules annoncés sur l'application – modèle, couleur, immatriculation – ne correspond. Un détail la trouble davantage : une passagère est déjà à bord, sans que cette information n'ait été mentionnée. Craignant pour sa sécurité, selon ses déclarations aux médias, la jeune femme refuse d'embarquer, niant être la cliente. Le chauffeur sort de son véhicule, s'approche, lui arrache brusquement le téléphone des mains et confirme son identité. C'est à ce moment que la situation dégénère. L'homme perd son sang-froid, insulte la jeune femme et appelle sa compagne à l'agresser. Face à l'incompréhension, la victime tente de garder son calme et explique qu'elle ne peut monter à bord d'un véhicule ne correspondant pas à celui commandé. En tentant de photographier la plaque du véhicule pour signaler l'incident, elle est frappée au ventre. Lire aussi : Les taxis se réinventent face à la concurrence des VTC L'agression se poursuit. Tandis qu'elle essaie de répondre verbalement, le chauffeur commence à la filmer et prétend être la victime. L'amie de la jeune femme, venue l'aider, est à son tour giflée par l'accompagnatrice du chauffeur. Les deux femmes sont ensuite rouées de coups par le couple. L'une d'elles finit par perdre connaissance. Selon les médias, la victime souffre d'une fracture de la mâchoire, de plusieurs dents cassées et de douleurs abdominales persistantes. Son état l'a contrainte à renoncer à un stage prévu le lendemain. Selon les déclarations de la victime, les agents de sécurité du Méga Mall, présents sur les lieux, auraient vu le chauffeur revenir peu après les faits, probablement dans l'intention de dissuader ou influencer d'éventuels témoignages. Une ambulance est rapidement intervenue pour prendre en charge la jeune femme, qui a ensuite porté plainte. Une enquête a été ouverte par la police marocaine. Au-delà du choc, cette affaire relance des questions de fond : comment garantir la sécurité des passagers dans un secteur où les contrôles restent encore insuffisants ? Quelle responsabilité incombent aux plateformes numériques dans la vérification de leurs chauffeurs et la gestion des incidents ? Un vide juridique bientôt comblé ? En effet, les applications VTC comblent un manque criant de mobilité urbaine, mais leur exploitation reste juridiquement illégale au Maroc. La succession d'agressions (dont celle du 29 juin 2025 à Rabat et beaucoup d'autres) accroît la pression sur le gouvernement. En vérité, le ministère de l'Intérieur prépare un cadre légal qui imposera licences, contrôles d'antécédents et assurances obligatoires. En attendant, une de ces plateformes revendique un « Pacte Sécurité » (vérifications, bouton SOS, assurance) jugé insuffisant tant que l'Etat ne fixe pas de normes minimales et n'organise pas d'audits réguliers De même, l'absence d'un encadrement juridique des services de transport rémunéré, tels que les VTC, pourrait bientôt être comblé au Maroc. En vigueur depuis 1963, le dahir sur le transport public impose une autorisation préalable pour tout transport rémunéré de passagers, un cadre réglementaire qui a entraîné, entre autres, le départ d'Uber en 2018. Face à l'essor des nouvelles formes de mobilité, le ministre de l'Intérieur, M. Abdelouafi Laftit, a annoncé en janvier 2025 devant le Parlement qu'une étude était en cours pour légaliser les VTC, tout en préservant les intérêts des taxis traditionnels. Dans cette optique, un projet global est en phase de consultation interministérielle, incluant l'instauration d'une licence VTC, une formation obligatoire, des exigences en matière d'assurance et un encadrement tarifaire. Cette réforme vise notamment à s'adapter aux grands événements à venir, tels que la CAN 2025 et la Coupe du Monde 2030.