Sous la houlette de son nouveau chef, le wali Mohamed Faouzi, l'Inspection générale de l'administration territoriale (IGAT) s'apprête à lancer une opération d'audit d'une ampleur inédite. Le but est de faire la lumière sur les dérives spéculatives liées à la gestion des terres collectives et les réseaux d'intérêts qui gangrènent la gouvernance locale. Le compte à rebours a commencé pour de nombreux présidents de communes suspectés de conflits d'intérêts et de pratiques frauduleuses. C'est un faisceau de rapports convergents, remontés aux services centraux du ministère de l'Intérieur, qui a précipité la décision. Plusieurs d'entre eux pointent la responsabilité directe d'élus locaux dans des opérations de cession suspectes de biens fonciers appartenant aux collectivités. À des prix bradés, souvent sans appel d'offres, certains présidents de conseil communal auraient cédé des hectares à des promoteurs privés dans des conditions opaques, contournant la législation en vigueur. Mohamed Faouzi : l'homme de la transparence Nommé en mai dernier inspecteur général de l'administration territoriale, Mohamed Faouzi n'est pas un inconnu dans les cercles de la gouvernance publique. Ancien directeur général des collectivités territoriales, il est reconnu pour son attachement à l'éthique administrative et sa vision modernisatrice de l'audit interne comme levier de bonne gestion. Sous sa direction, l'IGAT s'est dotée d'une feuille de route ambitieuse, marquée par le déploiement imminent de commissions centrales d'inspection. Dotées d'un accès aux bases de données foncières consolidées, ces commissions interviendront en priorité dans les régions de Casablanca-Settat, Rabat-Salé-Kénitra et Marrakech-Safi, considérées comme épicentres des soupçons. Des dérives bien connues, mais rarement sanctionnées Les observateurs de la scène territoriale le savent : les terres collectives, souvent mal délimitées et faiblement contrôlées, sont depuis longtemps une « zone grise » où s'enracinent spéculation et clientélisme. Des parcelles agricoles changent de main au détriment des ayants droit. Des baux sont octroyés sans contrepartie. Des promoteurs bénéficient de faveurs en échange de contreparties politiques ou personnelles. LIRE AUSSI : Construction illégale : le coup de filet de l'IGAT à Casablanca-Settat L'audit de l'IGAT vise donc aussi à traquer les pratiques de « recrutements de complaisance », les détournements de loyers, les évictions illégales ou encore les omissions volontaires d'enregistrement foncier. En ligne de mire : l'application scrupuleuse de la loi 57.19 sur la gestion des biens collectifs. Ce qui est sûr c'est que avec Mohamed Faouzi, ce n'est pas une inspection de routine. C'est à coup sûr, une opération de vérité. S'il y a des responsabilités, elles seront certainement assumées. L'administration saisira probablement la justice si nécessaire. Plusieurs sources évoquent déjà des sanctions disciplinaires à venir : suspensions, révocations, ou déclarations d'inéligibilité pour certains élus. Mais au-delà des sanctions, c'est la crédibilité de la décentralisation et la confiance citoyenne dans les institutions locales qui sont en jeu. Une recomposition politique en ligne de mire ? À un an des élections locales de 2026, l'initiative du ministère pourrait rebattre les cartes dans plusieurs communes emblématiques notamment Mohammedia, Berrechid, Settat, Benslimane, où des dossiers seraient déjà bien avancés. Certains partis redoutent une « purge » qui affaiblirait leurs réseaux. D'autres y voient l'opportunité d'assainir un système à bout de souffle. L'opinion publique, quant à elle, observe avec prudence cette montée en puissance de l'IGAT. Beaucoup espèrent que cette opération ne se contentera pas d'actions symboliques, mais qu'elle donnera lieu à une refondation profonde de la gouvernance territoriale, en phase avec les engagements de moralisation de la vie publique.