Depuis plusieurs années, les études successives du Conseil économique, social et environnemental (CESE) dressent le même constat : les jeunes marocains se tiennent à distance de la sphère politico-institutionnelle. Le rapport 2023 sur la jeunesse indique que moins de 1 % des jeunes entre 18 et 35 ans sont affiliés à un parti politique, contre 2,8 % en 2011. Cette défiance touche également les syndicats, les associations traditionnelles et les institutions représentatives. La dernière enquête nationale du HCP sur les valeurs (2023) révèle que près de 69 % des jeunes estiment que les partis « ne répondent pas à leurs préoccupations concrètes », tandis que 58 % considèrent que leur voix n'est pas entendue dans la vie publique. Cette désaffection ne doit cependant pas être confondue avec une forme d'indifférence. En effet, de nombreux jeunes investissent des formes alternatives de participation : campagnes sur les réseaux sociaux, actions communautaires locales, ou encore plateformes de plaidoyer numérique. Lire aussi : Sport et jeunesse : De la passion pour un levier de transformation sociale Un encadrement associatif affaibli Le tissu associatif, qui fut historiquement un vivier de formation civique pour la jeunesse, s'est considérablement rétracté. D'après le CESE, seulement 7 % des jeunes participent aujourd'hui à une activité associative régulière. Cette baisse s'explique par le manque d'espaces physiques dédiés, le tarissement des subventions locales, et la politisation de certaines structures perçues comme peu autonomes. Le ministère de la Jeunesse a lancé en 2022 un plan de revitalisation des maisons de jeunes, avec pour ambition d'en rénover 500 d'ici 2026. Mais à mi-parcours, seules 132 structures ont été effectivement rénovées, et les moyens humains manquent pour relancer une dynamique collective. Le CESE recommande, dans son avis de 2024, la création d'un label d'intérêt général jeunesse permettant d'orienter les financements vers les associations à fort impact local. Vers un nouveau contrat démocratique ? Dans son discours du 29 juillet 2023, à l'occasion de la Fête du Trône, Sa Majesté le Roi Mohammed VI a évoqué « la nécessité d'élargir la participation des jeunes à la vie publique et de moderniser les modalités d'écoute et de concertation ». Cette reconnaissance au plus haut niveau de l'Etat ouvre la voie à une refonte des canaux d'expression civique. Plusieurs réformes sont attendues à l'horizon 2026, notamment la révision du statut des partis politiques, le renouvellement des conseils communaux de la jeunesse, et l'élargissement du droit d'initiative citoyenne locale. Mais la réussite de ces mesures dépendra de leur appropriation par les jeunes eux-mêmes, et de la capacité des institutions à reconnaître la diversité des formes d'engagement. Encadré Jeunesse et politique : un fossé qui se creuse Moins de 1 % des jeunes déclaraient en 2023 appartenir à un parti politique, et seuls 7 % participaient régulièrement à la vie associative. Ces chiffres traduisent une crise profonde de l'engagement, nourrie par un sentiment d'inutilité : 58 % des jeunes estiment que leur voix n'est pas entendue. Malgré des efforts symboliques, comme la rénovation de 132 maisons de jeunes sur les 500 promises entre 2022 et 2024, les réponses institutionnelles peinent à convaincre. Le désengagement n'est pas un désintérêt : il est l'expression d'un doute sur l'impact réel de la participation. Redonner confiance passe moins par des structures que par un nouveau contrat de représentation.