Des employés fantômes, des contrats d'assurance fictifs et des budgets communaux fragilisés : les Cours régionales des comptes dévoilent une gestion défaillante dans plusieurs collectivités territoriales. Derrière ces irrégularités administratives se profile une crise plus profonde, celle d'une gouvernance territoriale en manque de rigueur et de transparence. Des rapports récents des Cours régionales des comptes ont levé le voile sur un système d'irrégularités profondément ancré dans la gestion de plusieurs collectivités territoriales. À Casablanca-Settat, Béni Mellal-Khénifra et Rabat-Salé-Kénitra, des communes ont financé des primes d'assurance pour des employés fictifs, révélant les failles d'une gouvernance publique fragilisée. Les conclusions des audits sont sans appel. Dans plusieurs régions du Royaume, des collectivités territoriales ont souscrit, pendant plusieurs années, des contrats d'assurance au nom de personnes ne figurant sur aucun registre officiel du personnel communal. Ces individus inexistants ont pourtant bénéficié, sur le papier, d'une couverture contre les accidents de travail financée par des fonds publics. Les magistrats des Cours régionales des comptes y voient le symptôme d'un dysfonctionnement plus profond : une gestion administrative défaillante, un contrôle interne quasi absent et une culture de la complaisance budgétaire. Lire aussi : Collectivités territoriales : les recettes fiscales en progression de 21,1% à fin 2024 Plus inquiétant encore, certains employés bien réels, exposés chaque jour à des risques dans l'exercice de leurs fonctions tels que des agents de propreté, des conducteurs, des ouvriers municipaux ou des jardiniers, ont été privés de toute protection sociale. Cette injustice a parfois conduit à des drames humains. Plusieurs victimes d'accidents de travail ont dû recourir à la justice pour obtenir réparation. Les jugements d'indemnisation prononcés en leur faveur se traduisent aujourd'hui par des charges financières supplémentaires pour des collectivités territoriales déjà en difficulté, certaines inscrivant désormais une ligne budgétaire spécifique pour le paiement des jugements exécutoires. Dans la région de Casablanca-Settat, les constats des auditeurs sont particulièrement alarmants. Les rapports évoquent un système à deux vitesses : d'un côté, des responsables bénéficiant d'avantages indus ; de l'autre, des agents de terrain non assurés, malgré l'obligation légale de protection contre les accidents professionnels. Cette situation met en évidence l'absence d'une politique uniforme et transparente dans la gestion des ressources humaines au sein des collectivités territoriales. Sur le plan juridique, le texte est pourtant clair : les collectivités territoriales ont l'obligation d'assurer leurs agents et les membres de leurs conseils contre tout risque survenant dans le cadre de leurs missions. Le non-respect de cette règle traduit non seulement un déficit de gouvernance, mais aussi un manquement à la responsabilité publique. Les magistrats financiers appellent ainsi à une refonte du système de gestion du personnel des collectivités territoriales, fondée sur la rigueur administrative, la digitalisation des bases de données et la transparence dans l'attribution des contrats d'assurance. Ils insistent également sur la nécessité de renforcer les mécanismes de contrôle et d'audit internes afin d'éviter la répétition de telles dérives. Les témoignages recueillis auprès des agents territoriaux donnent une dimension humaine à ce constat. Certains rapportent avoir travaillé des années sans la moindre couverture, malgré des tâches à haut risque et des conditions souvent précaires. Un déséquilibre d'autant plus choquant que les dépenses d'assurance, censées les protéger, étaient détournées vers des bénéficiaires inexistants.