Par Hassan Alaoui Le Maroc tout entier est dans l'attente du discours que Sa Majesté le Roi prononcera demain vendredi 10 octobre devant le Parlement à l'occasion de l'ouverture de ses travaux. Moment solennel, d'autant plus exceptionnel cette année qu'il coïncide avec une quinzaine de jours difficiles. Mais aussi avec un relatif apaisement, les membres du Collectif du GZ212 ayant adressé un courrier au Souverain sur leurs revendications et annoncé qu'ils s'abstiendraient de manifester ce vendredi au nom d'un respect total exprimé à son endroit... C'est le moins que l'on puisse dire ! Nous sortons en effet , ou commençons à sortir d'une période intense, que l'on a appelée la révolte de la Génération Zed 212, ou plus sobrement GZ212. Voilà un mouvement de contestation , apparenté à un Hirak, qui est né avec les premières années d'un siècle à coup sûr différent et exigeant. Il mobilise depuis quelques semaines intensément, mais peut-être plus, la jeunesse et ce que certains appellent les forces vives de la société civile pour réclamer au départ l'amélioration des secteurs de la Santé, de l'Education et l'emploi. Lire aussi : 20 août 1953 : Il y a 72 ans le complot contre Mohammed V poussé à l'exil Mais qui s'est vite mué, je dirais transformé en un soulèvement à propension politique sur lequel sont venues surfer d'autres forces, opportunistes, nationales et surtout étrangères par le biais des hashtags, de l'Internet et des réseaux devenus aujourd'hui une arme médiatique redoutable, capable de s'attaquer au pouvoir politique et de menacer même l'existence des Etats fragiles. Nous avons vu ce qui s'est passé aussi bien au Népal qu'à Madagascar ou si l'on remonte même loin, en France avec les Gilets jaunes qui ont accaparé le terrain pendant des mois et des mois. Au Maroc, nous avons pris immédiatement la réelle mesure du Mal-vivre de notre jeunesse, de ses attentes et angoisses, ses difficultés à concilier exigences démocratiques et constitutionnelles et conditions existentielles. Le soulèvement pour la santé, l'éducation et le semblant de bien être a pris au dépourvu les autorités et surtout un gouvernement qui a , en particulier dans ce domaine des jeunes, totalement échoué. Un gouvernement qui peine depuis quatre ans maintenant et même avant à résoudre le problème lancinant du chômage, à réussir ses multiples et velléitaires plans pour l'emploi et qui s'est laissé griser par un semblant de succès , en fin de compte illusoires. Il y a lieu cependant de relever, non sans réjouissance, que ce mouvement social qui émerge et nous prend de court se caractérise, malgré tout ce que l'on peut dire, par un certain pacifisme mais aussi, et ce n'est pas paradoxal, par sa détermination. Si la dimension pacifique annoncée au départ a été en quelque sorte pervertie, voire trahie, la faute incombe manifestement à l'entrée en scène d'éléments perturbateurs, une catégorie de gens n'ayant rien à voir avec les jeunes qui se sont mobilisés avec un cahier de charges précis. Ce qu'on appelle des katangais, ces casseurs genre Blacks Blocs , tenants de la violence et des affrontements quasi guerriers avec les forces de l'ordre. Les scènes de violences extrêmes n'ont donc pas manqué chez nous. D'Oujda à Tiznit, en passant par Tanger, Beni Mellal et jusque dans les petites cités isolées, les affrontements en tous genres, les agressions et les attaques ont constitué le lot de journées noires, inquiétantes même. A cet égard, on ne peut pas ne pas rendre hommage à la perspicacité des forces de l'ordre, de notre police qui a su maîtriser avec raison, un engagement équilibré et aussi une écoute attentive les scènes de violence. Qui, parfois même, a été du côté de la protection des manifestants... Maintenant que les choses comme on dit semblent se tasser et que prévaut le fameux principe de Raison garder, la parole du Roi viendra ce vendredi faire le point devant la Nation. Ce n'est pas de gaieté de cœur qu'il décrira de nouveau ce qu'il a constamment dénoncé avec force : autrement dit, ce Maroc a deux vitesses, celui du gain et celui du labeur, celui de la facilité et l'autre du laborieux effort, en tout cas des difficultés extrêmes. Dans ces conditions, il en appellera à la Raison, et aux uns et aux autres de ne pas céder à la radicalisation quelconque. Le Roi, garant des libertés constitutionnelles, protecteur de tous ses concitoyens ne manquera pas d'en appeler à une réconciliation du Maroc avec lui-même. Il reste en effet éloigné de cette rhétorique cultivée sur le chaos, la « main de l'étranger » pour justifier et la survenue brutale de tels événements et les causes qui les ont enclenchés, mais mettra en évidence l'échec patent d'une gestion à tous les niveaux, dans les secteurs majeurs, l'échec de la politique de l'emploi, des secteurs majeurs, et pourquoi pas cette culture de prévarication, ce fossé grandissant entre le citoyen marocain et son propre pays.