L'émergence d'un nouveau variant du virus de la grippe saisonnière de type A(H3N2) a ravivé le débat sur ce que les médias ont surnommé la «super grippe». Cela survient alors qu'une augmentation précoce des cas de symptômes grippaux est observée dans plusieurs pays, dont le Maroc. Dans cette interview, le Dr Tayeb Hamdi, médecin et chercheur en politiques et systèmes de santé, répond aux questions clés concernant la nature de ce variant, ses risques, l'efficacité des vaccins et comment s'en prémunir. DR ‹ › Quelle est cette nouvelle souche de grippe qui a récemment émergé, et pourquoi est-elle décrite comme une "super grippe" ? Une nouvelle souche du virus de la grippe, appelée le "sous-variant K" ou "super grippe" comme on l'appelle dans les médias et sur les réseaux sociaux, est apparue et se propage rapidement. Il s'agit d'une souche du virus de la grippe saisonnière A(H3N2), qui a accumulé sept nouvelles mutations durant l'été 2025, la rendant sensiblement différente de la souche précédemment dominante. Ces mutations ont permis à cette nouvelle souche d'échapper à l'immunité contre les virus grippaux, et une transmission intensive de l'infection a été observée parmi les adolescents, les jeunes adultes et les adultes, suivis par les enfants et le reste de la population. Les saisons grippales précoces ont commencé au Japon, puis aux Etats-Unis, au Canada, en Europe et ailleurs. Cette propagation rapide de la "super grippe" exacerbe la virulence de la souche H3N2 connue par rapport à la souche H1N1. Au Maroc, on constate une accélération notable des cas... Comment évaluez-vous la situation épidémiologique actuelle ? Doit-on s'inquiéter ? Au Maroc, en attendant les chiffres officiels du Ministère de la Santé, nous assistons effectivement à une accélération des cas de symptômes grippaux depuis la mi-novembre, qui se sont intensifiés ces derniers jours, au lieu de commencer en décembre. Comme c'est le cas dans d'autres pays, nous prévoyons un nombre considérablement plus élevé de cas, des infections plus sévères et des cas plus graves parmi les groupes à haut risque (les seniors de plus de 65 ans, les personnes atteintes de maladies chroniques de tout âge, les femmes enceintes, les personnes obèses, celles ayant un système immunitaire affaibli, et les enfants de 6 mois à 5 ans) par rapport aux années précédentes. Nous anticipons également une pression sur le système de santé dans les semaines à venir, avec une augmentation de l'absentéisme dans les activités économiques et éducatives. Cependant, jusqu'à présent, il n'y a pas d'indicateurs inquiétants, et il n'y a pas de mesures spéciales prévues à cet égard, mais nous nous concentrons plutôt sur la prévention et la prise de précautions nécessaires. Quels sont les symptômes ? Et s'ils apparaissent, que peut faire une personne infectée ? Les symptômes causés par ce nouveau variant restent similaires à ceux habituellement causés par d'autres virus grippaux saisonniers : forte fièvre (39-40°C), frissons, maux de tête, nez qui coule, douleurs articulaires et musculaires, toux sèche, diarrhée occasionnelle, vomissements... Si des symptômes apparaissent, nous conseillons de rester à la maison et de minimiser les contacts avec les autres, surtout les plus à risque, de maintenir une hygiène régulière des mains, d'aérer les espaces de vie, de ne pas envoyer les enfants présentant des symptômes à l'école, et de porter un masque si la personne doit interagir avec d'autres. Par conséquent, la vaccination est nécessaire pour les groupes vulnérables mentionnés précédemment, en plus des professionnels de santé, pour se protéger eux-mêmes, le système de santé et les patients. Les vaccins offrent-ils une protection contre ce nouveau variant ? Les vaccins pour la saison 2025-2026 incluent l'ancienne souche H3N2, et non la souche récemment apparue. Cependant, les données épidémiologiques recueillies au Royaume-Uni montrent que ces vaccins offrent une certaine protection contre le virus en circulation, et surtout, ils offrent une forte protection contre les cas graves de la maladie. La vaccination contre la grippe commence généralement de fin septembre à début octobre, mais pour ceux qui ne sont pas encore vaccinés, il est encore temps de se faire vacciner, surtout pour les groupes les plus à risque. La protection commence deux semaines après avoir reçu le vaccin. La vaccination contre la grippe saisonnière reste le moyen le plus efficace de prévenir cette maladie. Existe-t-il des médicaments efficaces contre ce type de grippe ? Il n'existe pas de médicaments efficaces qui éliminent ce type de grippe, car il s'agit d'une maladie virale, et seuls des médicaments qui soulagent les symptômes pour la personne infectée sont prescrits. Dans certains cas où les symptômes sont très sévères, un médecin peut prescrire des médicaments antiviraux, à condition qu'ils soient pris dans les trois jours suivant l'apparition des symptômes. Les antibiotiques ne sont pas administrés en cas de grippe, car il s'agit d'une maladie virale et non bactérienne. Cependant, certaines personnes appartenant à des groupes vulnérables peuvent subir une détérioration de leur état de santé, où le virus affaiblit les poumons, permettant l'émergence d'une infection bactérienne secondaire, connue sous le nom de surinfection bactérienne. Dans ce cas, un antibiotique peut être administré, non pas pour traiter la grippe, mais pour combattre l'infection bactérienne concomitante. C'est une erreur courante pour certaines personnes de recourir à la prise d'antibiotiques par elles-mêmes lorsqu'elles sont infectées, et certaines partagent même des médicaments entre elles, bien que chaque cas diffère de l'autre, ce qui est considéré comme une erreur grave contre laquelle nous avons toujours mis en garde.