Le Maroc présente les ambitions atlantiques du roi Mohammed VI au Forum parlementaire d'Awaza    Marché du travail : le taux de chômage à 12,8% au T2-2025 (HCP)    Le Maroc déclenche une expansion inédite des échanges intra-africains en 2024    Fès-Meknès : un demi-milliard de dirhams pour transformer la gestion des déchets    Etats‐Unis : préparatifs en cours pour un commandement militaire autonome en Afrique, le Maroc envisagé comme siège    Israël : 550 ex-chefs sécuritaires pressent Trump de stopper la guerre à Gaza    Etats-Unis : Trump annonce la visite de Steve Witkoff en Russie    Algérie-Russie : une alliance sur le fil du rasoir au Sahel    Vague de chaleur et averses orageuses du lundi au vendredi dans plusieurs provinces du Royaume    Canicule : Alerte en Espagne et au Portugal    Délais de paiement des EEP : une moyenne de 34,8 jours à fin juin    « 3+3 » Atlantique : Un nouveau format de coopération euro-africaine    Le consul d'Algérie à Lyon refuse d'émettre des laissez-passer depuis un an selon la préfète du Rhône, tollé en France    Le conseiller spécial américain Massad Boulos salue l'attachement du Maroc à la stabilité régionale avant sa visite à Rabat    Fête du Trône : Trump réaffirme la reconnaissance américaine de la souveraineté marocaine sur le Sahara    Hiroshima : 80 ans après, et « comme si de rien n'était »    Un avion reliant Barcelone à Essaouira atterrit en urgence à Malaga    CHAN 2024 / Arbitrage : Deux Marocains à la VAR aujourd'hui    Brahim Diaz préfère le Real Madrid aux offres saoudiennes    Abdellah et Zakaria Ouazane vont signer de nouveaux contrats avec l'Ajax    Qualifs. Afro Basket U16 2025 : Les Lioncelles et les Lionceaux visent le Rwanda ce lundi    Football régional - «La Nuit des Stars» : La Ligue Marrakech-Safi célèbre l'excellence    Loi de finances 2025 : l'investissement public, le parent pauvre    Dette : les OPCVM, premiers créanciers du Trésor    Brahim Diaz turns down Saudi clubs, renews with Real Madrid    Moroccan youth talents Abdellah and Zakaria Ouazane to sign new contracts with Ajax    Education Gloires et déboires d'une réforme à contre-la-montre [INTEGRAL]    Italie : Recherché pour terrorisme, un Marocain arrêté à l'aéroport peu avant son vol    Mauritania: ¿Ejerció Argelia presiones para bloquear el acceso a un medio de comunicación?    L'entreprise chinoise BlueSky High-Tech ouvre une filiale au Maroc pour affermir sa présence dans l'équipement énergétique    CHAN-2024 : La victoire contre l'Angola, résultat de la maturité tactique des joueurs (Tarik Sektioui)    Le Maroc... le plus ancien ami de l'Amérique et un pilier des relations historiques    Le Maroc importe 15 000 tonnes de silicates et conserve 13 % des parts d'importation régionales dans la zone MENA    Le Moussem Moulay Abdallah Amghare se pare de magnifiques sculptures de cheval et de faucon en vue de l'ouverture    CHAN-2024 : Le Maroc bat l'Angola (2-0)    Mauritanie : L'Algérie a-t-elle exercé des pressions pour bloquer l'accès à un média ?    Alerte météo : Vague de chaleur et averses orageuses de dimanche à vendredi    Législatives 2026 : Laftit tient deux réunions avec les dirigeants des partis politiques    Dakar : Abdoulaye Fall élu nouveau président de la Fédération Sénégalaise de Football    Comment les grandes ONG internationales entretiennent une grande conspiration du silence dans le cas Sansal, doublée d'une complaisance envers le régime algérien    Les fertilisants phosphatés animent les échanges économiques entre le Maroc et le Bangladesh, deux alliés indéfectibles    En hommage à l'art et à la fraternité maghrébine : Le Syndicat Professionnels Marocain des Créateurs de la Chanson Marocaine célèbrent la fête du trône en Tunisie    Diaspo #400 : De Paris à Sydney, Jamal Gzem met en image les histoires humaines    Festival des Plages Maroc Télécom : Réussite de l'Edition Spéciale Fête du Trône    MAGAZINE : Ozzy Osbourne, les ténèbres à bras ouverts    Casablanca accueille la 1ère édition du festival AYTA D'BLADI    «Vallée des vaches» : Le Maroc documente des gravures bovines inédites à Tiznit    Disparition : Hassan Ouakrim, doyen de la culture marocaine aux Etats-Unis, n'est plus    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



La plénitude passionnelle e(s)t le vide langagier
Analyse
Publié dans Albayane le 26 - 05 - 2013


Analyse
Pourquoi écris-je ? Pourquoi éprouvé-je cette envie invincible de tracer, graphiquement, sur la feuille vierge, la passion diffuse qui niche en moi ? Pour quelle raison voudrais-je rendre concret tout ce qui sommeille dans la latence? Quels motifs m'incitent précisément à traduire mes amours et mes désamours? Pourquoi voudrais-je donner, sans cesse, forme aux sensations amorphes? Pourquoi ai-je souvent la propension morbide à peindre, au moyen des mots, parfois à l'aide de l'imagination, ce qui me touche profondément ? Quel statut aura donc l'écriture dans le processus dialectique de dévoilement et de voilement des arcanes infinitésimaux des sentiments?
«Kafka a tenu son journal, écrit Barthes, pour ‘‘extirper son anxiété'' ou si l'on préfère ‘‘trouver son salut''. » Dans ce sens, le fait d'écrire son intimité au jour le jour, de dire lucidement ses problèmes, de révéler, avec non moins d'embarras, ses secrets, d'avouer, bon gré mal gré, ses sentiments prend une signification curative, plutôt thérapeutique et acquiert, dans une certaine mesure, une dimension cathartique. Ecrire serait un acte salutaire, deviendrait avec le temps un vœu de délivrance au sens obstétricien du mot.
Même si je n'ai aucune prétention de tenir mon journal intime, l'écriture, souvent une pratique sporadique pour moi, me permet en quelque sorte de me défaire, ne serait-ce que momentanément, de l'angoisse existentielle, m'offre l'opportunité inouïe de me prémunir de la folie amoureuse et m'aide à ne pas me laisser entraîner par son délire. Cela dit, l'écriture n'est nullement un simple remède. Celui-ci devient inefficace une fois l'effet escompté est dissipé. L'écriture n'est donc point un antidote pour m'abandonner complètement à l'incurie, ou me cuirasser confortablement dans l'indifférence. Devant une impasse, sentimentale ou réflexive, l'écriture est là pour rendre lucide le confus, clair l'obscur, compréhensible l'énigmatique. Soumis à une passion débridée, proie au doute irrévérencieux, ou saisi d'une angoisse immaîtrisable, l'écriture me permet d'affronter ces sentiments obscurs, les comprendre, les apprivoiser, les dompter. Je les déjoue et en joue. De la sorte, je sens en moi une forte tendance, comme dit Goethe, à «transformer en une image, en un poème, ce qui me réjouissait, me torturait ou me préoccupait en quelque façon.»
Or, des questions se posent et s'imposent avec insistance :
- Dans quelle mesure réussirais-je à traduire ce qui me plaisait ou me suppliciait?
- Aurais-je pu communiquer mes passions à autrui?
- Jusqu'à quel point serais-je fidèle à mon monde intérieur?
Par l'écriture, on ne règle pas une bonne fois pour toutes ses comptes avec l'angoisse ontologique, les questions éthiques, les passions amoureuses, les doutes agnostiques, les méditations philosophiques, les exigences esthétiques... De surcroît, devant l'acuité d'une passion ambigüe par exemple, ou la vivacité des sensations débridées, le langage semble fatalement atteint d'une forme inédite d'aphasie, se voit, à son insu, acculé au mutisme absolu. Lorsque je voudrai en parler, je ne fais enfin de compte que mâcher les mêmes mots, ressasser les mêmes formules, dire les mêmes «bêtises énaurmes», m'emmurer dans «le livre» des poncifs, produire du kitch de mauvais aloi... Je m'entêterai à en parler sérieusement, sincèrement, avec des mots simples et nus de toutes fioritures, mais en vain ! Mon écriture n'arrive pas à puiser le langage, elle l'effleure seulement. Elle échoue à le réactiver, à le draguer, à le courtiser, à le cuire, à le dresser, à le conduire de bon gré. A bien des égards, je me trouve dépassé par l'affect diffus qui me remplit de fond en comble. Surpassé, par-dessus tout, par la langue qui ne se laisse pas prendre par ma volonté d'écrivain.
La passion, dans toutes ses métamorphoses, échappe à tout commentaire, se dérobe à la glose, se soustrait à l'exégèse. Elle est le lieu de «l'effet pur», c'est-à-dire qu'elle est défaite et coupée de «toute raison explicative» (Roland Barthes). Comment décrire donc une passion teintée de paradoxe ? «Comment peindre le bonheur fou ?» se questionne Stendhal. Tout texte qui prétend dépeindre ce bonheur fou demeure au fond une suite de griffonnages, des gribouillis insignifiants, des ratures élégantes, des «broutilles» pour reprendre une expression assez chère à Georges Perec. Le texte qui veut dire la passion, ne dit en réalité que son irrationalité, la sienne et celle de la passion. Ainsi, le langage, qui s'efforce de traduire cette passion profuse et confuse, se trouve-t-il confronté à ses limites, poussé, dans les meilleurs moments, à l'exclamation. Celle-ci, à plusieurs égards, n'est en fait qu'une forme du vide sémantique, qu'un trait distinctif de la vacuité du langage.
L'exclamation (la suspension du langage), le stéréotype (la platitude sémique), la comparaison (la figure creuse), tels sont en quelques sortes les procédés auxquels recourt, clopin-clopant, celui qui veut dire sa passion, aime traduire son plaisir, désire partager son bonheur. Ils sont l'expression de l'échec du langage, du fiasco du style, de la défaillance de l'écriture.
Face donc à la plénitude de la passion, le langage se voit habité par l'absence.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.