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Comment les grandes ONG internationales entretiennent une grande conspiration du silence dans le cas Sansal, doublée d'une complaisance envers le régime algérien
Dans un contexte marqué par une attention internationale souvent partisane, la complaisance manifeste de plusieurs organisations de défense des droits humains envers le régime algérien contraste violemment avec la sévérité dirigée à l'encontre du Maroc. Ce traitement différencié s'illustre dramatiquement dans le silence assourdissant entourant la détention de Boualem Sansal, écrivain algérien de renom, dont le cas révèle les profondes asymétries dans la reconnaissance et la défense des libertés fondamentales en Afrique du Nord. Le scandale est réel. Prenons le compte X (ex-Twitter) d'Agnès Callamard, aujourd'hui directrice générale du secrétariat international d'Amnesty International, principale porte-parole de l'organisation, experte française des droits humains et ancienne rapporteur spécial du Conseil des droits de l'homme des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires : aucune mention de Boualem Sansal ou de la situation répressive en Algérie. En revanche, les publications visant le Maroc y sont légion, même lorsqu'il s'agit de faits d'ordre strictement judiciaire ou relevant du droit commun. Cet effacement n'est pas isolé. Le directeur de la communication et du plaidoyer pour la région Moyen-Orient et Afrique du Nord de Human Rights Watch (HRW), Ahmed Réda Benchemsi, demeure tout aussi silencieux. Khaled Drareni, représentant de Reporters sans frontières pour l'Afrique du Nord, ne fait pas exception. Jusqu'à présent, les appels à la libération ou à une mesure de grâce pour Boualem Sansal n'ont émané que de canaux diplomatiques ou d'institutions parlementaires occidentales. Le champ associatif, en principe en première ligne pour défendre la liberté d'expression s'est, quant à lui, muré dans un silence équivoque. Or, ce silence, loin d'être anodin, constitue une forme de complicité passive. Il témoigne d'une asymétrie préoccupante dans le traitement des libertés publiques en Afrique du Nord. Le cas Sansal révèle à quel point certains défenseurs des droits humains adoptent, sciemment ou non, des grilles de lecture géopolitiques sélectives. Le recours à la méthode comparative le prouve : dans des situations semblables, ces ONG s'expriment bruyamment contre le Maroc alors qu'elles se montrent étrangement discrètes lorsqu'il s'agit de l'Algérie. Cette inégalité dans la réaction publique n'est pas sans conséquences. Elle fragilise l'universalité du combat pour les libertés fondamentales et laisse penser que les principes de droit sont parfois subordonnés à des intérêts idéologiques ou stratégiques. En cela, l'affaire Boualem Sansal évoque une crise silencieuse de la légitimité des ONG dites universelles. Un procès politique sous couvert de légalité formelle Boualem Sansal, emprisonné en Algérie depuis plus de deux cent soixante jours, a été condamné en appel, le 1er juillet, à cinq années d'emprisonnement et 500 000 dinars d'amende (environ 38 000 dirhams), peine identique à celle prononcée en première instance le 27 mars. Le parquet avait requis dix ans d'emprisonnement. Le crime de l'écrivain ? Des déclarations, en octobre 2024, dans un entretien accordé au média français Frontières, dans lesquelles il rappelait que l'Algérie contemporaine avait hérité, grâce à la colonisation française, de territoires historiquement marocains. Devant la cour d'appel, Boualem Sansal a invoqué, calmement, le droit garanti par la Constitution à la liberté d'expression. «La France a créé les frontières [de l'Algérie colonisée à partir de 1830]», a-t-il rappelé. Un propos historiographiquement incontestable, corroboré par les travaux de géographes comme Yves Lacoste ou Charles-Robert Ageron, qui ont documenté la construction territoriale de l'Algérie coloniale, forgée sans égard aux réalités tribales ou historiques antérieures. L'écrivain a été poursuivi pour «atteinte à l'unité nationale», «outrage à corps constitué», «pratiques de nature à nuire à l'économie nationale» et «détention de vidéos et de publications menaçant la sécurité et la stabilité du pays». Ce faisceau d'infractions, pour la plupart floues dans leur libellé, renvoie à une pratique judiciaire déjà dénoncée par plusieurs juristes algériens comme incompatible avec les garanties procédurales élémentaires. L'incrimination d'atteinte à l'unité nationale, notamment, repose sur l'article 79 du code pénal algérien, critiqué par des ONG internationales elles-mêmes (dans d'autres contextes) pour son caractère indéfini et extensible. Une détention utilisée à des fins diplomatiques Atteint d'un cancer de la prostate, Boualem Sansal est, depuis le 16 novembre 2024, incarcéré dans un contexte sanitaire dégradé, sans accès à un traitement adapté. Paris a officiellement réagi, estimant sa détention «à la fois incompréhensible et injustifiée». Le ministère français de l'Europe et des affaires étrangères a exhorté les autorités algériennes à faire preuve de clémence. «La France appelle les autorités algériennes à faire preuve d'un geste de clémence et à trouver une issue rapide, humanitaire et digne à la situation de notre compatriote, prenant en compte son état de santé et des considérations humanitaires. Notre souhait est qu'il puisse être libéré et soigné», avait déclaré le Quai d'Orsay. Le 6 mai, l'Assemblée nationale française a adopté une résolution appelant à la «libération immédiate» de l'écrivain, et à conditionner toute «coopération renforcée» entre l'Algérie, la France et l'Europe au respect des «engagements internationaux en matière de droits humains». Mais cette mobilisation reste cantonnée à l'espace institutionnel français ; aucune dynamique transnationale d'ampleur, telle qu'on la voit naître autour de certains dissidents dans d'autres pays, n'a émergé dans le cas Sansal. Cette inertie s'explique en partie par la gêne que suscite, dans certains milieux intellectuels et associatifs, l'hostilité frontale que Boualem Sansal exprime à l'égard de l'idéologie nationaliste algérienne. L'écrivain, qui dénonce depuis vingt ans la confiscation de l'histoire, l'instrumentalisation de la mémoire de la guerre d'indépendance et la dérive autoritaire de l'Etat, est un témoin trop dérangeant pour une Algérie officielle obsédée par le contrôle du récit. Un silence coupable face à un acharnement judiciaire Alors que Reporters sans frontières (RSF), Amnesty International (AI), Human Rights Watch (HRW), le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), l'Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (ACAT) ou la Human Rights Foundation (HRF) s'expriment de manière régulière, parfois même véhémente, à l'égard du Maroc, elles restent muettes devant l'acharnement judiciaire contre Boualem Sansal. Ce contraste ne peut être interprété que comme une sélection politique des causes. En effet, le Maroc, malgré des avancées juridiques en matière de procédure pénale et de transparence judiciaire, fait l'objet d'un traitement à charge, nourri par des rapports souvent lacunaires ou fondés sur des sources anonymes. À l'inverse, l'Algérie, qui criminalise le débat historique, interdit des partis politiques entiers, musèle la presse locale et applique sans nuance des textes liberticides, échappe systématiquement à la réprobation publique de ces mêmes institutions. Une telle disparité révèle une dérive doctrinale dans le fonctionnement de plusieurs ONG, que certains chercheurs qualifient désormais de «militantisme différencié». Cette logique, qui consiste à traiter différemment des Etats voisins soumis à des standards identiques, mine la crédibilité de l'action humanitaire internationale. Le cas Sansal en est, désormais la démonstration la plus flagrante. Le Maroc, une leçon à tirer Face à ce traitement inique réservé à un intellectuel dissident, le Maroc devrait méditer cette démonstration flagrante des doubles standards internationaux. La vigilance reste de mise pour éviter que la critique légitime ne soit détournée à des fins politiques ou idéologiques. Rabat, qui s'est engagé dans des réformes majeures pour conforter l'état de droit et la protection des libertés, doit saisir cette occasion pour affirmer avec encore plus de fermeté la cohérence et la constance de ses positions sur le plan des droits humains, à la fois au niveau national et dans ses relations internationales. Cette exemplarité est un levier essentiel face aux campagnes partiales et aux silences sélectifs qui entachent la neutralité des acteurs globaux de la défense des libertés.