Le commerce entre pays africains atteint 220,3 milliards de dollars (environ 2 155 milliards de dirhams), porté par l'élan du Maroc, du Nigéria et de l'Afrique du Sud Le commerce intra-africain a connu en 2024 un sursaut remarquable, atteignant 220,3 milliards de dollars (près de 2 155 milliards de dirhams), en hausse de 12,4 % par rapport à l'année précédente, selon le Rapport sur le commerce africain 2025 de la Banque africaine d'import-export (Afreximbank). Cette progression fait suite à une contraction de 5,9 % en 2023. Cette remontée est attribuée à la vigueur des échanges commerciaux dans trois puissances économiques régionales : l'Afrique du Sud, le Nigéria et le Maroc. Le Nigéria a notamment plus que doublé ses échanges intra-africains, atteignant 18,4 milliards de dollars (environ 180 milliards de dirhams), dépassant la République démocratique du Congo (RDC), qui s'est élevée à 11,4 milliards (près de 111 milliards de dirhams). «La reprise commerciale de l'Afrique en 2024 souligne combien l'intégration régionale permise par la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) confère au continent une nouvelle autonomie économique», a déclaré Yemi Kale, chef économiste d'Afreximbank. Il a toutefois rappelé que, malgré une croissance du produit intérieur brut supérieure à 3 % entre 2024 et 2025, seule une fraction du potentiel commercial africain a été exploitée. La ZLECAf, en supprimant les barrières tarifaires sur 97 % des biens échangeables entre pays africains, entend libérer ce potentiel par une structuration industrielle plus dense. Trois pays en ascension : Nigéria, RDC et Ouganda Le Nigéria a vu sa part dans le commerce africain total grimper à 8,3 %, s'imposant comme un acteur central du tissu économique régional. La République démocratique du Congo a tiré parti de sa position géographique, grâce à des corridors ferroviaires stratégiques la reliant à Durban en Afrique du Sud et à Dar es-Salaam en Tanzanie. L'Ouganda, quant à lui, a accédé au cercle des dix premiers partenaires commerciaux du continent, avec une progression annuelle de 28 %, atteignant 7,6 milliards de dollars (près de 74 milliards de dirhams). Les pays d'Afrique de l'Est — Kenya, Tanzanie, Rwanda — ont également enregistré des hausses notables, portées par un réseau logistique régional en développement constant. Si les matières premières — minerais et produits agricoles — dominent encore les échanges, Afreximbank observe une mutation accélérée vers une production davantage transformée : machines, véhicules, denrées alimentaires manufacturées, produits chimiques et électroniques. «Cette évolution marque l'abandon progressif de la dépendance aux exportations de matières premières au profit d'un tissu industriel plus articulé», a estimé Faisal Durrani, directeur des études au cabinet Pan-African Trade Analysts. Un potentiel de 77 milliards encore inexploré Malgré la vigueur de la reprise, le volume commercial intra-africain reste en deçà de son potentiel estimé : il manque environ 77 milliards de dollars (près de 753 milliards de dirhams) pour atteindre un total de 296,3 milliards (près de 2 900 milliards de dirhams), soit 20 % du commerce total du continent. Les domaines des véhicules, machines-outils, denrées alimentaires et métaux y figurent comme les plus prometteurs. «Aucune intégration ne pourra aboutir sans une construction des chaînes de valeur sur le sol africain, face aux turbulences mondiales», a averti Wamkele Mene, secrétaire général de la ZLECAf. Le déficit en infrastructures demeure un obstacle de taille. Le continent a besoin d'environ 100 milliards de dollars par an (près de 980 milliards de dirhams) pour moderniser ses réseaux logistiques, de transport et numériques. Afreximbank appuie ces efforts par un dispositif financier croissant, notamment à travers le Système panafricain de paiements et de règlement (PAPSS). D'ici 2026, la banque prévoit de doubler ses financements au commerce intra-africain pour les porter à 40 milliards de dollars (près de 392 milliards de dirhams), contre 20 milliards en 2021, et a mis en place un fonds d'ajustement à hauteur de 10 milliards (environ 98 milliards de dirhams) pour accompagner les Etats membres. PAPSS et les mécanismes de garanties de transit en sont les piliers. L'année 2024 marque ainsi un tournant dans la redéfinition du commerce africain : portée par la dynamique du Maroc, du Nigéria et de l'Afrique du Sud, la ZLECAf esquisse les contours d'une architecture commerciale plus souveraine, à condition de surmonter les failles logistiques et réglementaires qui freinent encore la réalisation complète de ce dessein.