Riyad : le Maroc prend part au Forum de dialogue des villes arabo-européennes    Sahara : L'AFD prévoit d'énormes investissements dans les Provinces du Sud    Le Maroc et la Chine renforcent leur coopération économique par la signature de nouveaux accords à Rabat    Diaspo #388 : Hanane Sanoussi, pionnière dans les technologies et formatrice au Maroc    COSUMAR : une production locale en forte croissance    Station de dessalement de Casablanca: l'Espagne investit 340 millions d'euros    Les Cercles de consultation EuroMeSCo sur le nouveau pacte pour la Méditerranée, les 13 et 14 mai à Rabat    Trêve entre l'Inde et le Pakistan sous médiation américaine : Washington annonce un accord de cessez-le-feu et le lancement d'un dialogue global    S.M. le Roi Mohammed VI adresse un message de félicitations à Sa Sainteté le Pape Léon XIV    Supériorité militaire pakistanaise appuyée par la technologie chinoise : les capacités de défense indiennes mises à rude épreuve    Canada: Le nouveau gouvernement dévoilé mardi    La France et la Pologne signent un traité de défense réciproque    Face à son isolement croissant, l'Algérie cherche un second souffle diplomatique à Nouakchott    Mondial féminin : Le nombre d'équipes passe de 32 à 48 à partir de 2031 (FIFA)    Des dettes accablantes menacent la stabilité du Mouloudia d'Oujda    CAN U20 : Aït Boudlal en bonne voie de rétablissement, Zabbiri incertain pour la suite    Botola DII / J28 : KAC, OD et RBM bénéficiaires. OCK, CAYB et USYM perdants !    Liga Portugal / J33 : Aujourd'hui, ''Benfica – Sporting'' décisif pour le titre    Después del Foro Económico Marruecos-Mauritania, se espera la llegada de inversores argelinos a Nuakchot    Mauritania : Ould El Ghazouani receives the Speaker of Morocco's Lower House    Nasser Zefzafi autorisé à visiter son père malade à Al Hoceima    L'arganeraie : un trésor vert face aux défis du climat    Cinéma d'animation et jeu vidéo : le grand croisement au FICAM    Le Pavillon Temporaire : un nouveau chapitre s'ouvre au Jardin Majorelle    «7 Scènes de ménage» débarque au Mégarama Casablanca    Brahim Diaz bientôt dirigé par Xabi Alonso ?    Deep Tech Summit tient ses promesses et donne un coup de pouce à l'innovation    Le Maroc honore de manière exemplaire ses engagements financiers aux Nations unies, au milieu d'un marasme financier dans un contexte budgétaire tendu    L'espace aérien marocain    Biennale de Venise : SM le Roi a accordé à la culture et aux arts la place qui leur échoit dans un Maroc moderne (Mehdi Qotbi)    Le Directeur Général de l'AFD en visite dans les provinces du Sud    Le Président mauritanien reçoit le président de la Chambre des représentants    Une partie d'un vaisseau spatial de l'ère soviétique s'écrasera sur Terre ce week-end    Le temps qu'il fera ce samedi 10 mai 2025    Les températures attendues ce samedi 10 mai 2025    Prix Mandela : Après le Polisario, un parti séparatiste rifain contre la candidature de Mme Bouayach    Mondial de Beach soccer : Le Sénégal lorgne la finale cet après-midi    Lionceaux de l'Atlas : Ilyas Bouazzaoui s'engage officiellement avec le Club Bruges    Lutte contre le hooliganisme au Maroc : Entre répression et éducation    Signature d'une convention-cadre entre l'Académie du Royaume et la Fondation Mohammed VI des Sciences et de la Santé    Caftan Week : La jeunesse taille sa place dans la haute couture marocaine    Revue de presse de ce samedi 10 mai 2025    Plateformes de réserves : 7 MMDH pour asseoir la souveraineté nationale [INTEGRAL]    Le régime algérien interdit aux professeurs d'histoire de s'exprimer dans les médias étrangers sans autorisation préalable : peur du passé ?    Ouverture du 27e Salon International des Technologies Avancées à Pékin    Caftan Week 2025 : Quand le Sahara s'invite à Marrakech pour sublimer la tradition    Fès : Neuf personnes décédées suite à l'effondrement d'un immeuble    Quinze années de prison pour Hicham Jerando, condamné pour menaces à caractère terroriste contre un haut magistrat : ce que l'on sait    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Mostafa Derkaoui, l'esthétique comme éthique
Le festival de Rabat lui rend hommage
Publié dans Albayane le 03 - 11 - 2015

Mostfa Dekaoui et le cinéma, c'est un récit de vie passionné et passionnant : il s'identifie au cinéma et le cinéma s'identifie à lui. Le rapport de Mostafa Derkaoui a avec la caméra est en effet un rapport d'appropriation.
Ce n'est pas un outil que l'on manipule; c'est une partie de soi; qui parle au nom de soi; le prolonge. Elle est l'expression d'un projet; d'un projet cinématographique.
Parce que justement Mostafa Derkaoui est un cinéaste habité par un projet. Son parcours se présente dans ce sens comme un itinéraire, à l'image du voyage odysséen, pour user d'une image qu'il affectionne quand il parle de scénario. Sa filmographie est un scénario ouvert sans cesse revu, remanié, revécu dans l'angoisse des interrogations de l'écriture.
Mostafa Derkaoui est une figure marquante de la cinématographie marocaine. Il en est tout simplement l'un des emblèmes. Après des études de cinéma à Lodz en Pologne, il rentre au Maroc en 1973. Comme un certain nombre de ses collègues, jeunes lauréats de grandes écoles de cinéma européennes, il rejoint le CCM. Mais dans son cas, se fut pour une courte durée. C'est déjà un indice sur un caractère et une personnalité. Il fait le choix du cœur et non de la carrière. Il fonde alors une société privée de production qui va lui permettre d'entamer la réalisation de son premier long métrage, De quelques événements sans signification (1974). Le film lui-même sera «un événement» et porteur de beaucoup de significations. Le contexte général de l'époque ne se prête pas à des exercices osés, y compris en termes d'images. En d'autres termes, ce n'était pas une ambiance idéale pour la sortie d'un film «extrémiste» comme Quelques événements sans signification. Pour filer cette métaphore politique, le film est «radical» dans sa forme et dans son contenu. A comprendre dans le sens où il va à l'encontre des schémas narratifs dominants. Mostafa Derkaoui a choisi, pour son premier essai de reprendre le cinéma là où il est arrivé avec les nouvelles avant-gardes européennes, le cinéma indépendant américain et le nouveau cinéma d'Amérique latine. L'intrigue classique est neutralisée au bénéfice d'une quête qui joue sur la mise en abyme filmique puisque nous sommes en présence du dispositif qui nous montre un film dans un film. Une équipe de cinéma cherche à réaliser un film sur le cinéma marocain tombe par hasard sur un crime et décide de suivre l'affaire. Il s'agit du procédé de détournement du récit policier classique au bénéfice d'une narration qui neutralise les codes de genre, creusant un écart avec l'horizon d'attente du spectateur habitué au cinéma dominant...au point de déranger le ministre de l'information de l'époque qui décide d'interdire le film. «Il ne faut pas que ceci voit le jour» ; après moult tractations, il ramena sa décision à une interdiction à l'exportation (sic).
De quelques événements sans signification fait partie aujourd'hui des films cultes de notre mémoire cinéphilique. Il est porté par une démarche esthétique qui n'est pas sans rappeler le cinéma de Cassavetes, la figure emblématique du cinéma indépendant et radical américain. Mon hypothèse est que «Evénements sans signification» de Derkaoui est frère de combat de Faces de Cassavetes (1968). On y retrouve en effet le même souffle contestataire qui bouscule le langage cinématographique standardisé. Une radicalité qui commence en fait avec le dispositif même de production tout à fait original. La lecture du générique du premier film de Mostafa Derkaoui est en soi un manifeste pour une nouvelle manière de faire le cinéma. Tout ce que le pays compte comme intellectuel est quasiment impliqué d'une manière ou d'une autre dans le film. Des peintres célèbres sont associés à la production. Le film s'ouvre in medias res ; sans scène d'exposition classique. Une série de plans rapprochés; une multitude de visages, cheveux longs et rebelles; barbes révolutionnaires ; la bande son en contre-point joue sur un autre registre. La caméra, portée à l'épaule est toujours en mouvement ; suit tel acteur puis rebrousse chemin pour en suivre un autre. La caméra est impliquée dans ce corps à corps. Le montage imprègne un autre rythme et qui ne fait pas du raccord un dogme ; il privilégie plutôt le télescopage des plans. On part sur un mouvemente esquissé par un acteur, pour brusquement enchaîner sur un autre dans une suite de gros plans et d'inserts qui dialoguent autrement.
Férid Boughédir, le critique de cinéma tunisien qui avait co-dirigé le numéro 14 (printemps 1981) de CinémAction, consacré au cinéma maghrébin, avait émis des réserves à l'égard du style du film « D'aucuns affirment que l'hermétisme ou le symbolisme de certains films intellectuels sont parfois dans le tiers monde, la seule façon de détourner la censure en présentant masqué ce qu'on ne peut dire directement. Si dans certains cas, cet effort débouche sur des découvertes éclatantes, dans d'autres il aboutit aussi au pire des confusionnismes » écrit-il en substance... Sauf que dans ce cas marocain « l'hermétisme » supposé du film n'a pas empêché les décideurs de l'époque de bien comprendre son message et de l'empêcher finalement à tester son rapport au public.
Le projet portait donc déjà les limites de l'époque qui l'a vu naître: le rêve confinait à l'utopie. Mais cela n'a pas empêché Derkaoui de continuer à nager à contre-courant, proposant une certaine constance dans sa démarche globale marquée par une fragmentation du récit, un éclatement du système des personnages, un travail pointu sur l'image avec le recours (risqué d'un point de vue de la réception) aux images nocturnes, et un découpage polyphonique de l'espace narratif. Polyphonie conviendrait d'ailleurs comme un titre générique de l'œuvre deDerkaoui qui est riche d'une dizaine de longs métrages. Un chiffre qui le situe en très bonne position par rapport à ses autres confrères.
Fidèle à lui-même, Derkaoui nous propose oeuvre qui n'obéit à aucune logique de genre échappant à toute canonisation. C'est une œuvre affranchie au sens où l'on dit un Affranchi chez les Grecs de l'antiquité. Le cinéma de la modernité dont se réclame les films de Derkaoui instaure un système de référence à la littérature, à la peinture, au théâtre qui lui assure une légitimité artistique et une forme de lisibilité (en liaison avec un contexte culturel favorable). Le pari de Derkaoui est d'assurer cette cohérence par les seules vertus du langage cinématographique.
Il serait utile aujourd'hui de faire revivre cette mémoire dans des copies correctes pour opérer un échange avec les nouvelles générations de cinéastes et de cinéphiles.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.