Le projet de gazoduc Nigeria-Maroc (NMGP), appelé à relier les réserves nigérianes aux terminaux atlantiques via treize pays, alimente de premières réflexions sur son architecture juridique et financière. Deux juristes spécialisés, Olubunmi Abayomi-Olukunle et Adekunle Adewale, ont proposé de s'inspirer de l'accord tarifaire du gazoduc ouest-africain (WAGP) alors que les Etats concernés n'ont pas encore arrêté de décision définitive. Une réflexion doctrinale fondée sur l'expérience du WAGP Pour ces deux experts, le précédent ouest-africain offre un canevas instructif. «Le TMA du WAGP demeure à ce jour l'un des rares exemples africains de méthode tarifaire intégrée, juridiquement contraignante à la fois au niveau international et national», observe M. Abayomi-Olukunle. Son confrère Adekunle Adewale ajoute : «Une méthode fondée sur des paramètres préalablement agréés – retour sur investissement, amortissement, couverture des charges, ajustements monétaires – permet aux investisseurs de disposer d'une lisibilité indispensable dans des projets de cette envergure». L'unification tarifaire comme condition de bancabilité Le projet NMGP se heurte à une pluralité d'ordres juridiques, de régimes fiscaux et de risques politiques. La fragmentation tarifaire – avec treize cadres réglementaires autonomes – compromettrait la viabilité commerciale de l'ensemble. Les auteurs proposent par conséquent que «le tarif applicable fasse l'objet d'un traité international doté d'une force exécutoire domestique, avec clause d'ajustement automatique et arbitrage neutre en cas de litige». Le rôle structurant de la prévisibilité financière Pour les deux juristes, le tarif ne peut être un simple accessoire technique. «Il s'agit d'un pilier central, sans lequel aucun engagement bancaire ne sera obtenu», estime M. Abayomi-Olukunle. Les recettes générées par les expéditeurs à long terme doivent permettre d'adosser des financements durables, condition sine qua non de la mise en œuvre d'un tel ouvrage. Outre la question du calcul, les auteurs insistent sur la nécessité d'un mécanisme de règlement des différends crédible. «L'arbitrage international, hors de portée des ingérences nationales, est seul à même de garantir la sécurité contractuelle requise pour attirer des bailleurs de rang mondial», affirme M. Adewale. Les idées émises par les deux praticiens du droit de l'énergie ne reflètent pour l'heure aucune position officielle des Etats partenaires. Elles traduisent néanmoins la conscience croissante que, sans régime tarifaire lisible, harmonisé et protégé de toute contingence politique, le gazoduc transsaharien pourrait demeurer à l'état de promesse encore un moment.