Des signes de réchauffement entre l'Algérie et la France commencent à se faire ressentir, surtout en ce mois de juin où des rencontres économiques entre les deux pays ont permis d'entrevoir une volonté commune de dépasser leur crise diplomatique majeure. Après avoir créé une crise sans précédent et ouvert les hostilités contre Paris, le régime algérien semble aujourd'hui obligé de revenir à la raison. C'était prévu, car comme à l'accoutumée, Alger « déclare la guerre », puis laisse les choses se tasser, sans toutefois obtenir gain de cause. La France, de son côté, et pour la première fois, s'est montrée imperturbable, allant jusqu'à déclencher des mesures de réciprocité et en menaçant de frapper là où ça fait mal, en touchant directement aux intérêts de l'oligarchie algérienne et des membres du pouvoir détenant des biens immobiliers, fonds, investissements, tout en ayant de la famille établie en France. Le début de cette crise a été provoqué par l'appui apporté par la France au plan d'autonomie marocain pour le Sahara. Le soutien de Paris au Maroc, en estimant que le présent et l'avenir du Sahara « s'inscrivent pleinement dans le cadre de la souveraineté marocaine », comme l'a stipulé la lettre d'Emmanuel Macron adressée au Roi Mohammed VI en juillet 2024, avait déclenché l'ire des dirigeants algériens, alors que le pays prétend ne pas être partie prenante au différend. Parmi les péripéties de la crise diplomatique entre Paris et Alger figure l'expulsion de douze agents français en poste en Algérie, en représailles à l'arrestation d'un agent consulaire algérien dans le cadre de l'enquête sur l'enlèvement du youtubeur Amir DZ. Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, avait déclaré que les relations diplomatiques entre les deux pays étaient « gelées » en avril. En ce mois de juin, la France et l'Algérie se sont réunies à plusieurs reprises pour des raisons économiques, notamment les Journées industrielles en Algérie, qui se sont bien déroulées. « Le climat diplomatique difficile entre les deux pays nous a affectés pendant un certain temps. Nous avons ressenti des difficultés et des tensions, mais la situation s'est progressivement améliorée », a déclaré à cette occasion le président de la Chambre de commerce et d'industrie algéro-française, Michel Bisac. L'Algérie, qui s'est isolée ces dernières années, se faisant plus d'ennemis que d'alliés en cultivant des positions et démarches anachroniques sur plusieurs dossiers, dont celui du Sahara, et en tournant le dos à ses alliés régionaux, arabes et traditionnels, a saisi les risques de perdre son seul et unique allié de poids sur la scène internationale : la France, membre permanent du Conseil de sécurité et membre du G7. Face aux menaces d'abrogation des accords conclus entre la France et l'Algérie, signés en 1968, qui permettaient aux citoyens algériens de bénéficier de facilitations pour la migration vers la France, et aux restrictions de circulation pour les détenteurs de passeports diplomatiques faisant partie de la nomenklatura algérienne, le régime d'Alger a dû revoir ses cartes. Pour rappel, les accords de 68, signés quelques années après l'indépendance de l'Algérie, donnaient des privilèges uniques en matière de circulation, d'emploi et de séjour aux ressortissants algériens. Outre les rencontres économiques, d'autres signes de réchauffement ont pu être observés, même subtils. À l'occasion du 63e anniversaire de l'indépendance de l'Algérie, le consulat algérien à Nanterre a prévu plusieurs activités faisant la promotion du vivre-ensemble. Mais officiellement, l'Algérie garde sa seule arme pour faire pression sur la France et retarde le retour attendu à la norme. Le cas de l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal est celui qui préoccupe le plus Paris. Même les milieux de droite français, qui allaient voter une proposition pour abroger les accords de 68, sont revenus sur leur démarche en attendant des nouvelles satisfaisantes sur son cas. Cependant, le 24 juin, le tribunal d'Alger a requis 10 ans de prison et une amende de 500 000 dinars algériens, soit environ 35 000 dirhams, contre l'écrivain pour « atteinte à l'unité nationale », alors que pour sa première condamnation en mars 2025, pour laquelle il a fait appel, il avait écopé d'une peine de cinq ans d'emprisonnement. Les milieux politiques et les proches de l'écrivain s'attendent toutefois à une grâce présidentielle de la part d'Abdelmadjid Tebboune. Ce dernier avait livré une interview dans laquelle il soulignait que sa seule boussole et interlocuteur était Emmanuel Macron, dans une optique évidente de calmer le jeu, au moment où la question d'interdiction de circulation des détenteurs de passeports diplomatiques algériens mettait à mal le régime. Le président français, qui garde la main sur la diplomatie, avait multiplié depuis le début de son premier mandat, des gestes amicaux et des mains tendues vers l'Algérie. Et malgré le refus, Emmanuel Macron semble ne pas vouloir aggraver davantage la crise entre les deux pays.