Match amical : Large victoire de la sélection du Maroc A' sur Djibouti    Erfoud: Plus de 1.000 personnes bénéficient de soins médicaux    Akhannouch: Le gouvernement poursuit la mise en œuvre de ses programmes en plaçant le développement territorial au cœur de la dynamique du "Maroc ascendant"    L'ambassadrice de Chine à Rabat rencontre Mohamed Oujar et des membres influents du RNI    "Dbibina" s'amuse de voir Jamaï et Abdelmoumni fricoter avec ... Jerando !    Nabila Rmili : « Le défi qui nous attend n'est pas seulement de réaliser des projets, mais d'en garantir la durabilité »    Aknoul : Coup d'envoi de la 9è édition du Festival de l'Amandier    Les prévisions américaines établissent les importations marocaines de blé à 4,725 millions de tonnes en 2025/26 et révèlent un recul général des achats céréaliers    Le Nigeria approfondit sa coopération avec le Maroc pour les vaccins vétérinaires et les filières agro-industrielles    L'Algérie oppose une fin de non-recevoir à la réactivation du gazoduc Maghreb Europe réclamée par l'Espagne    Agriculture : El Bouari ouvre le Salon régional de l'olivier de Guercif    COP30: À fond pour le climat, le Maroc exploite le potentiel du sport    Deux conventions stratégiques pour transformer Dakhla en pôle d'excellence    Le Forum EMSI Entreprises fait escale à Rabat, Marrakech et Tanger    Situation de crise existentielle ? Militarisme ? Que veut Sanae Takaichi ?    Le Mali suspend des chaines française à cause de "contreverités"    Le Maroc figure parmi les Etats concernés par la remise en état des radars du F-16 dans de nouveaux marchés fédéraux américains    France: Pénurie d'oeufs dans plusieurs supermarchés    Sahara : Kenya concrétise son soutien à la souveraineté du Maroc    L'Académie Mohammed VI, fer de lance d'un football marocain en plein essor (média espagnol)    Mondial 2026 / Barrages (Afrique) : Un trio marocain pour la finale de ce soir    CDM (f) futsal 25 / Les Lionnes dans l'arène des Philippines dés vendredi (11h00)    Tanger-Tétouan-Al Hoceïma : La FRMF rend hommage aux anciens internationaux    Omar Hilale: MD Sahara: La diplomatie marocaine, sous la conduite éclairée de SM le Roi, repose sur une philosophie de l'action et du concret    Omar Hilale: Marruecos presentó el plan de autonomía para el Sahara para «salvar la cara de Argelia»    Omar Hilale: Morocco presented the autonomy plan for the Sahara to «save Algeria's face»    L'extension persistante du scorpionisme menace la stabilité sanitaire des provinces centrales du Maroc et révèle la vulnérabilité extrême de certaines régions    Canary Islands : A municipal council grants 850,000 euros to the Polisario    Le salon « Le thé unit le monde » réunit le Maroc et la Chine lors d'une rencontre culturelle à Casablanca    MAGAZINE : Raouia, l'écran total    Une délégation franco-marocaine au Maroc pour raffermir les liens de coopération scientifique    La FIFA annonce un renforcement de la sécurité en ligne    Aguerd quitte le rassemblement des Lions de l'Atlas après examens médicaux    Budget Défense : 73 milliards de dirhams pour 2026, une hausse de 3,3 milliards    Bouari inaugure le Salon régional de l'olivier    Hakimi rassure après sa blessure    Mauritanie: 227 migrants secourus en mer    Les températures attendues ce dimanche 16 novembre 2025    Le temps qu'il fera ce dimanche 16 novembre 2025    Accueil aux hôpitaux : le ministère de la Santé sonne le glas des agents de sécurité    Les clés cachées des élections 2025-2026 : une analyse des erreurs de perception des médias européens et des réalités politiques américaines    Boualem Sansal défie les injonctions algériennes et dévoile les ultimes pressions exercées avant sa libération    Tactiques de drones : Les FAR à l'épreuve de la guerre robotisée ! [INTEGRAL]    L'Humeur : Le retour en farce d'Aminux    Le MOGA Festival sacré "Meilleur Événement International" aux Heavent Paris Awards 2025    Bensaid en visite dans plusieurs structures culturelles à Tétouan    Culture & gaming : un nouveau pacte pour moderniser les musées marocains    Le Centre Culturel Chinois de Rabat organise l'événement « TEA FOR HARMONY – Yaji Cultural Salon »...    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Un officier français à Assa
Publié dans Albayane le 04 - 03 - 2021

L'Aventure marocaine est un « récit vécu » par le lieutenant Perrin, rédigé par Marcel Jullian (l'un des fondateurs d'Antenne 2) et publié en 1979. En quoi ce récit nous concerne-t-il ? La réponse est toute simple finalement : Perrin a présidé le bureau des affaires indigènes d'Assa entre octobre 1955 et juin 1956, et donc, nous trouvons dans « ses mémoires » des éléments intéressants sur la vie sociale et politique de la région entretemps, sur le fonctionnement de l'administration française sur un plan local, l'interaction entre gens du cru et étrangers, la formation de l'armée de libération, etc.
Les derniers mots du lieutenant en partant, chagriné d'être contraint de quitter les lieux, furent : « Au revoir Assa. Tu sais combien j'avais le cœur gros. » Il ne s'est pas seulement adressé à Assa, la tutoyant en signe d'affection, mais il l'a dotée d'une faculté de juger : « Tu sais... »
Perrin vient d'être nommé à la tête du poste d'Assa, lui qui a brûlé des années en Indochine (pour la bonne cause ?). Il décolle de Marseille, et atterrit à Rabat qu'il décrit ainsi : « Une ville aux avenues larges et bien tracées, où les édifices modernes côtoyant intimement les constructions pittoresques du passé offrent au visiteur l'image d'un Maroc moyenâgeux auquel la France, un jour, présenta le XX° siècle. » Là, nous sentons une certaine tension, qui perdure encore aujourd'hui, entre un passé qui n'est pas aussi simple que cela, et un présent qui porte en lui les germes de sa complexité. Il fait un saut à Agadir où il rencontre le colonel De Furst, qui l'a précédé à Assa, et qui a commis un petit livre dactylographié sur les Aït-Ussa (1939).
Nous retenons du colonel une note officielle qui, à notre sens, est une sorte de chant du cygne de l'existence française au Maroc : «L'avenir est plein d'incertitude...Les buts de l'heure : construire le Maroc indépendant avec la même foi que nous avons mise à construire le Protectorat... Ceux qui veulent être les artisans de cette tâche doivent avoir foi en elle... L'avenir peut être différent sans être privé d'espoir... J'aurais aimé dire au revoir à tous !» De Furst savait que les colons étaient sur le point de partir une fois pour toute, mais il bégayait en proférant le mot fatal : Au revoir ; d'où l'emploi du conditionnel « j'aurais aimé » et le tiraillement entre incertitude, foi et espoir. Nous voyons là clairement que le système protectoral commence, cahin-caha, à céder la place à l'indépendance et qu'une autre logique relationnelle s'installe entre le colonisateur dont le soleil se couche et le colonisé dont l'aube s'annonce, sachant que : « dans l'histoire des peuples, les aubes sont cruelles et les couchants pudiques » (Régis Debray).
Une fois à Assa, l'aventure, qui a donné au livre la moitié de son titre, se déclenche et le dépaysement est assuré au nouveau venu. Le deuxième jour de son arrivée, il est appelé à organiser le Moussem, qui attire les nomades de tous bords ; il y en a même qui viennent de Tindouf, de la Mauritanie, du Mali, etc. Voilà comment il voit la structure extérieure de cette foire : « Les commerçants avaient monté leurs tentes juste derrière le ksar. Elles étaient alignées le long d'un sentier caillouteux, généralement désert, qu'elles transformaient soudain en une ruelle antique, bruyante, désordonnée, ruisselante des mille couleurs de tout ce capharnaüm offert aux convoitises des acheteurs. » Perrin dirigeait un peloton de Mokhaznis, des méharistes autochtones avec lesquels il est arrivé à tisser des rapports humains solides nonobstant la différence des mœurs. Contrairement aux autres Français (dont un adjudant-chef et des employés de transmission) qui n'étaient pas bien vus, lui, il était bien accueilli dans les maisons des méharistes ; il mangeait avec eux, et buvait le thé assis sur une peau de mouton comme eux. Il nous présente le décor général d'une séance de thé, qui comprend une donnée sociologique non-négligeable, de la sorte: « Sahraoui entreprit de faire le thé. Embarka avait apporté un siniya, grand plateau de cuivre ciselé, sur lequel étaient disposés avec soin, des petits verres à thé, une boîte métallique contenant le thé et une petite théière, l'berrèd, de ce modèle uniforme qu'on retrouve chez le nomade le plus misérable ou sur la table d'un ministre....La confection du thé requiert une technique délicate et chaque groupe de nomades a son spécialiste. Sahraoui était l'un de ceux-là. » Toute société étant bien hiérarchisée, la société maure ne déroge pas à la règle ; toutefois, nous notons qu'autour du thé, tous les présents se valent. Il y a toujours du thé pour tout le monde, et le même modèle de théière est à la portée de tous, sans distinction. Le thé a cette capacité de rassembler, d'unir le temps d'un verre corsé ou léger, à la menthe ou sans.
Perrin participait avec les méharistes à la chasse aux mouflons ; ce qui lui permettait de connaître de mieux en mieux les environs d'Assa, les pâturages où paissaient les chameaux du poste, et, en passant, d'écouter les plaintes des bédouins et d'être au fait de leurs « attentes ». Et pour écumer la région, il a dû apprendre à monter à chameau. Là-dessus, il n'a pas manqué de nous décrire sa première expérience avec cette bête, qu'il trouvait tout bonnement drôle : « Il n'avait pas fait un pas en arrière que mon chameau s'enlevait d'un brusque coup de reins dans un nuage de poussière. J'avais subitement oublié que le postérieur se levait le premier et je faillis passer par-dessus la tête de l'animal. Un bon coup de guerbous dans le ventre me rappela à une plus juste notion des choses et me maintint en selle ; le chameau ayant enfin achevé de se déplier je me retrouvai à une altitude qui me parut extraordinaire. » Petit à petit, suivant les conseils de Sahraoui, mokhazni d'origine mauritanienne, il parvient à percer les secrets de la méharée comme s'il avait en tête la devise spinoziste: « ne pas se moquer, ne pas pleurer, mais comprendre », autrement, persévérer dans l'être. Perrin s'intéressait de très près aux coutumes des habitants. Il a appris à parler leur dialecte pour se faciliter la communication avec eux, et à porter convenablement leur habit traditionnel, le boubou, comme s'il voulait se connaître en les connaissant : « Quand on veut étudier les hommes..., il faut d'abord observer les différences pour découvrir les propriétés » (Rousseau).
Dans ce contexte, Perrin, à dos de chameau, accompagné d'un groupe de méharistes, rend visite au caïd Bouzid, installé sous sa tente à quelques kilomètres d'Assa. Après le dîner, allongé, terminant sa pipe, contemplant parfois ses compagnons de route, parfois le feu ou le ciel, il se lance dans une réflexion sur la possibilité d'un dialogue entre les peuples et les cultures : «...j'ai compris quel obstacle me séparait de ces gens et combien mes efforts pour m'identifier à eux se heurtaient aux murs de nos fois et de nos croyances, si opposées et si proches cependant. »


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.