Coopération antiterroriste : réunion des procureurs du pacte quadripartite à Rabat    Maroc : 270 M€ de la BAD pour moderniser les infrastructures aéroportuaires    Introductions en Bourse : de Maroc Telecom à SGTM, vingt ans de frénésie    L'UM6P étend son écosystème entrepreneurial avec l'ouverture de StartGate Rabat    SOREC : 1,8 MDH pour l'achat d'espaces digitaux    Monétique : Le CMI garantit la continuité, la sécurité et la fluidité des paiements    Elu Service Client de l'Année au Maroc: la liste complète des lauréats 2026    Production céréalière record en Chine renforçant la sécurité alimentaire et la reprise agricole    Billetterie du Mondial 2026 : la FIFA annonce l'ouverture du tirage de sélection aléatoire    La demi-finale approche... voici la date du prochain match du Maroc A'    CAN Maroc-2025 : « Je me suis basé sur des critères objectifs dans le choix des joueurs » (Regragui)    Morocco: Orange Alert, Snow and Thunderstorms from Friday to Sunday    Maroc : Fusillade et course-poursuite sur 250 km contre des trafiquants de drogue    Biodiversité: Bientôt la création du parc national de Dakhla-Oued Ed-Dahab    Prévisions météorologiques pour vendredi 12 décembre 2025    Rabat : Ouverture du Premier Congrès Africain de Médecine et Sciences du Sport    Moroccan man deported from Ceuta after serving prison sentence for violent theft    Timitar 20 ans : Agadir, capitale musicale avant la CAN    Rabat : Ouverture de la 3e édition du Forum Marocain des Industries Culturelles et Créatives    El Jadida/Sidi Bennour : la stratégie culturelle présentée aux médias régionaux    BMCI : BNP Paribas entre en discussions exclusives avec Holmarcom sur sa participation    La Chine félicite le Maroc pour son adhésion au "Groupe des Amis de la Gouvernance Mondiale" et salue son rôle croissant au sein des Nations Unies    Azaro propulse le Maroc en demi-finales de la Coupe arabe    UNESCO : L'Algérie se console par l'ajout du «le port du caftan» à un ensemble vestimentaire local    Groupements sanitaires territoriaux : 11 projets de décrets validés en Conseil de gouvernement    Cambriolage du Louvre : les voleurs auraient pu être arrêtés "à 30 secondes près", selon l'enquête administrative    France : l'ex-président Sarkozy lance la parution de son "Journal d'un prisonnier"    Union européenne : l'objectif climatique 2040 validé    Le Maroc et l'ONU renforcent leur coopération en matière de droits humains et d'égalité de genre    Réforme électorale 2026 : la Chambre des conseillers valide les textes clés    Drame de Fès : les enquêtes laissent présager la chute de responsables
    Le gouvernement prépare le lancement des groupements territoriaux de la santé avec 11 décrets    Atlantic Dialogues 2025 : Sekkouri appelle à repenser l'avenir du travail à l'aune du futur de la croissance    Pêche maritime : plus de 9,57 MMDH de produits commercialisés à fin novembre    CAN 2025: Regragui dévoile la liste des Lions de l'Atlas    La culture.... Notre arène    Alerte météo : Chutes de neige et fortes pluies de vendredi à dimanche dans plusieurs régions    Allemagne : Angela Merkel qualifie la pandémie de Covid-19 de "mise à l'épreuve démocratique"    Gaza: lancement de la campagne « Hiver chaud » au profit de Palestiniens déplacés, avec un financement marocain    Effondrement à Fès : L'émir du Qatar présente ses condoléances à Mohammed VI    Prix de la société civile : le Maroc célèbre les acteurs locaux et la diaspora    Classement FIFA : les Lionnes de l'Atlas terminent l'année à la 66e place mondiale    Renforcement de la position des Femmes, de la Paix et de la Sécurité en Afrique    L'inscription conjointe du Deepavali et du caftan marocain à l'UNESCO renforce le partenariat culturel entre l'Inde et le Maroc    Edito. Un patrimoine intouchable    Maroc : Megarama ouvre sa première salle IMAX® à Rabat    Diplomatie chinoise : tournée de Wang Yi dans trois pays arabes    Ligue 1: Le Marocain Ahmed Kantari nouvel entraineur du FC Nantes    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Un officier français à Assa
Publié dans Albayane le 04 - 03 - 2021

L'Aventure marocaine est un « récit vécu » par le lieutenant Perrin, rédigé par Marcel Jullian (l'un des fondateurs d'Antenne 2) et publié en 1979. En quoi ce récit nous concerne-t-il ? La réponse est toute simple finalement : Perrin a présidé le bureau des affaires indigènes d'Assa entre octobre 1955 et juin 1956, et donc, nous trouvons dans « ses mémoires » des éléments intéressants sur la vie sociale et politique de la région entretemps, sur le fonctionnement de l'administration française sur un plan local, l'interaction entre gens du cru et étrangers, la formation de l'armée de libération, etc.
Les derniers mots du lieutenant en partant, chagriné d'être contraint de quitter les lieux, furent : « Au revoir Assa. Tu sais combien j'avais le cœur gros. » Il ne s'est pas seulement adressé à Assa, la tutoyant en signe d'affection, mais il l'a dotée d'une faculté de juger : « Tu sais... »
Perrin vient d'être nommé à la tête du poste d'Assa, lui qui a brûlé des années en Indochine (pour la bonne cause ?). Il décolle de Marseille, et atterrit à Rabat qu'il décrit ainsi : « Une ville aux avenues larges et bien tracées, où les édifices modernes côtoyant intimement les constructions pittoresques du passé offrent au visiteur l'image d'un Maroc moyenâgeux auquel la France, un jour, présenta le XX° siècle. » Là, nous sentons une certaine tension, qui perdure encore aujourd'hui, entre un passé qui n'est pas aussi simple que cela, et un présent qui porte en lui les germes de sa complexité. Il fait un saut à Agadir où il rencontre le colonel De Furst, qui l'a précédé à Assa, et qui a commis un petit livre dactylographié sur les Aït-Ussa (1939).
Nous retenons du colonel une note officielle qui, à notre sens, est une sorte de chant du cygne de l'existence française au Maroc : «L'avenir est plein d'incertitude...Les buts de l'heure : construire le Maroc indépendant avec la même foi que nous avons mise à construire le Protectorat... Ceux qui veulent être les artisans de cette tâche doivent avoir foi en elle... L'avenir peut être différent sans être privé d'espoir... J'aurais aimé dire au revoir à tous !» De Furst savait que les colons étaient sur le point de partir une fois pour toute, mais il bégayait en proférant le mot fatal : Au revoir ; d'où l'emploi du conditionnel « j'aurais aimé » et le tiraillement entre incertitude, foi et espoir. Nous voyons là clairement que le système protectoral commence, cahin-caha, à céder la place à l'indépendance et qu'une autre logique relationnelle s'installe entre le colonisateur dont le soleil se couche et le colonisé dont l'aube s'annonce, sachant que : « dans l'histoire des peuples, les aubes sont cruelles et les couchants pudiques » (Régis Debray).
Une fois à Assa, l'aventure, qui a donné au livre la moitié de son titre, se déclenche et le dépaysement est assuré au nouveau venu. Le deuxième jour de son arrivée, il est appelé à organiser le Moussem, qui attire les nomades de tous bords ; il y en a même qui viennent de Tindouf, de la Mauritanie, du Mali, etc. Voilà comment il voit la structure extérieure de cette foire : « Les commerçants avaient monté leurs tentes juste derrière le ksar. Elles étaient alignées le long d'un sentier caillouteux, généralement désert, qu'elles transformaient soudain en une ruelle antique, bruyante, désordonnée, ruisselante des mille couleurs de tout ce capharnaüm offert aux convoitises des acheteurs. » Perrin dirigeait un peloton de Mokhaznis, des méharistes autochtones avec lesquels il est arrivé à tisser des rapports humains solides nonobstant la différence des mœurs. Contrairement aux autres Français (dont un adjudant-chef et des employés de transmission) qui n'étaient pas bien vus, lui, il était bien accueilli dans les maisons des méharistes ; il mangeait avec eux, et buvait le thé assis sur une peau de mouton comme eux. Il nous présente le décor général d'une séance de thé, qui comprend une donnée sociologique non-négligeable, de la sorte: « Sahraoui entreprit de faire le thé. Embarka avait apporté un siniya, grand plateau de cuivre ciselé, sur lequel étaient disposés avec soin, des petits verres à thé, une boîte métallique contenant le thé et une petite théière, l'berrèd, de ce modèle uniforme qu'on retrouve chez le nomade le plus misérable ou sur la table d'un ministre....La confection du thé requiert une technique délicate et chaque groupe de nomades a son spécialiste. Sahraoui était l'un de ceux-là. » Toute société étant bien hiérarchisée, la société maure ne déroge pas à la règle ; toutefois, nous notons qu'autour du thé, tous les présents se valent. Il y a toujours du thé pour tout le monde, et le même modèle de théière est à la portée de tous, sans distinction. Le thé a cette capacité de rassembler, d'unir le temps d'un verre corsé ou léger, à la menthe ou sans.
Perrin participait avec les méharistes à la chasse aux mouflons ; ce qui lui permettait de connaître de mieux en mieux les environs d'Assa, les pâturages où paissaient les chameaux du poste, et, en passant, d'écouter les plaintes des bédouins et d'être au fait de leurs « attentes ». Et pour écumer la région, il a dû apprendre à monter à chameau. Là-dessus, il n'a pas manqué de nous décrire sa première expérience avec cette bête, qu'il trouvait tout bonnement drôle : « Il n'avait pas fait un pas en arrière que mon chameau s'enlevait d'un brusque coup de reins dans un nuage de poussière. J'avais subitement oublié que le postérieur se levait le premier et je faillis passer par-dessus la tête de l'animal. Un bon coup de guerbous dans le ventre me rappela à une plus juste notion des choses et me maintint en selle ; le chameau ayant enfin achevé de se déplier je me retrouvai à une altitude qui me parut extraordinaire. » Petit à petit, suivant les conseils de Sahraoui, mokhazni d'origine mauritanienne, il parvient à percer les secrets de la méharée comme s'il avait en tête la devise spinoziste: « ne pas se moquer, ne pas pleurer, mais comprendre », autrement, persévérer dans l'être. Perrin s'intéressait de très près aux coutumes des habitants. Il a appris à parler leur dialecte pour se faciliter la communication avec eux, et à porter convenablement leur habit traditionnel, le boubou, comme s'il voulait se connaître en les connaissant : « Quand on veut étudier les hommes..., il faut d'abord observer les différences pour découvrir les propriétés » (Rousseau).
Dans ce contexte, Perrin, à dos de chameau, accompagné d'un groupe de méharistes, rend visite au caïd Bouzid, installé sous sa tente à quelques kilomètres d'Assa. Après le dîner, allongé, terminant sa pipe, contemplant parfois ses compagnons de route, parfois le feu ou le ciel, il se lance dans une réflexion sur la possibilité d'un dialogue entre les peuples et les cultures : «...j'ai compris quel obstacle me séparait de ces gens et combien mes efforts pour m'identifier à eux se heurtaient aux murs de nos fois et de nos croyances, si opposées et si proches cependant. »


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.