Nabil El Bousaadi Samedi, alors que près de 22.000 nouvelles contaminations et 212 décès des suites du Covid-19 ont été enregistrées, dans le pays, durant les dernières 24 heures, la police thaïlandaise a dû faire usage de bombes lacrymogènes et de balles en caoutchouc pour disperser les centaines de manifestants pro-démocratie qui s'étaient rassemblés à Bangkok pour demander une réforme politique et une meilleure gestion de l'épidémie du coronavirus. « Gouvernement meurtrier », « démission » pouvait-on lire sur les affiches brandies par les manifestants qui dénoncent la lenteur qu'a connue la campagne de vaccination puisque, sur les 70 millions de thaïlandais, seuls moins de 4,5 millions ont reçu leurs deux doses de vaccin anti-covid. Les manifestants réclament, en outre, l'utilisation, par les autorités thaïlandaises, de vaccins à ARN messagers tels ceux de Pfizer et de Moderna à la place du Sinovac chinois jugé comme n'ayant que trop peu d'effet face au variant « delta » La province méridionale de Narathiwat n'a pas été en reste puisque plusieurs dizaines de thaïlandais sont, également, descendus dans la rue en faisant le fameux salut à trois doigts pour signifier la contestation et pour réclamer la démission du chef du gouvernement Prayut Chan-O-Cha, venu au pouvoir à la faveur d'un coup d'Etat en 2014 et légitimé cinq années plus tard par des élections controversées. Pour rappel, après son accession au trône, en 2016, Maha Vajiralongkorn devenu, depuis lors « Rama X », avait apporté quelques réformes au système en place en prenant le contrôle direct des actifs royaux et en plaçant, sous son commandement, certaines unités de l'armée. Mais même s'ils entendent réformer la monarchie par la suppression du fameux article 112 aux termes duquel toute personne reconnue coupable de « crime de lèse-majesté » pour avoir « diffamé, insulté ou menacé le roi ou un membre de sa famille » encourt jusqu'à quinze années d'emprisonnement, la principale cible des manifestants reste, incontestablement, le Premier ministre Prayut Chan-O-Cha, cet ancien chef de l'armée, arrivé au pouvoir en 2014 à la faveur d'un coup d'Etat et qui s'y est maintenu en dépit des élections contestées de l'année dernière. Or, outre la démission de ce dernier, les thaïlandais réclament l'arrêt des menaces contre le peuple, la dissolution du Parlement et la promulgation d'un nouveau texte constitutionnel en remplacement de la Constitution de 2017 qui confère d'importants pouvoirs aux 250 sénateurs choisis par l'armée. Aussi, après avoir considéré que ces manifestations étaient « inacceptables » et « très risquées », le premier ministre a fini par changer son fusil d'épaule et par appeler à l'unité en allant même jusqu'à déclarer que « le futur appartient aux jeunes ». Prayut Chan-O-Cha essaie, par-là, d'arrondir les angles en ce moment où le pays connaît l'une de ses pires crises économiques depuis 1997 car, en envoyant au chômage des millions de thaïlandais, la pandémie du coronavirus a mis à nu les inégalités d'une économie dont bénéficie, avant tout, l'élite pro-militaire. La jeunesse thaïlandaise parviendra-t-elle, in fine, à mettre un terme à la « dictature » des galonnés qui gouvernent le pays ou, au moins, à contraindre ces derniers à se dessaisir d'une partie de leurs pouvoirs ? Attendons pour voir...