Après la défaite de son parti aux élections locales du 28 mai dernier, en voulant inverser le rapport de force et prendre la droite de vitesse, le Premier ministre espagnol, le socialiste Pedro Sanchez, avait cru bon d'engager une véritable partie de poker en procédant à la dissolution du Parlement et en convoquant des élections législatives anticipées pour le 23 Juillet, soit cinq mois avant la date initialement fixée. Mais si Pedro Sanchez visait, par cette démarche, non seulement à remobiliser les électeurs de gauche mais, surtout, à faire douter les militants modérés du Parti Populaire d'une éventuelle alliance avec les extrémistes de droite regroupés sous la bannière de VOX, le choix du 23 Juillet pour la tenue du scrutin, en pleines vacances d'été, pouvait avoir une grande incidence sur le taux de participation. Or, il n'en fut rien du moment que plus de 2,5 millions d'électeurs, soit 160% de plus qu'en 2019, ont choisi de voter par correspondance et de donner, ainsi, la possibilité à ces élections législatives anticipées de mettre fin à la coalition de gauche menée par Pedro Sanchez depuis 2018 et de permettre à VOX, cette formation d'extrême-droite, de participer au gouvernement en s'alliant au Parti Populaire comme elle l'a déjà fait dans de nombreuses villes et régions autonomes. L'éventualité de la participation au gouvernement de Madrid d'un parti réputé ultranationaliste, ultraconservateur, ouvertement europhobe, anti-LGBT et anti-avortement alors que l'Espagne a toujours fait figure de pionnier en matière de droits des femmes et des droits de la communauté LGBT a suscité un très vif intérêt à l'étranger et notamment dans les pays de l'UE. Selon les premières estimations qui avaient été données par la RTVE, en recueillant 34,2% des suffrages exprimés, le Parti Populaire pourrait obtenir entre 145 et 150 sièges au Parlement, alors qu'en obtenant 28,9% des voix le Parti Socialiste Ouvrier Espagnol obtiendrait entre 113 et 118 sièges, et qu'avec 13,3% des suffrages SUMAR s'emparerait de 28 à 31 sièges. En fermant la course avec 11,2% voix, le parti d'extrême droite VOX pourrait avoir entre 24 et 27 sièges. Ainsi, bien qu'il ait été donné perdant par tous les sondages, Pedro Sanchez pourra quand même limiter les gains de l'opposition de droite et se maintenir au pouvoir grâce au jeu des alliances car, après le dépouillement de 99% des suffrages, le Parti Populaire d'Alberto Nuñez Feijoo se serait emparé de 136 des 350 sièges du Congrès soit 47 de plus qu'en 2019 alors qu'il espérait en obtenir 150 et que VOX, son seul allié potentiel, n'en aurait obtenu que 33. S'il est donc acquis qu'avec un tel résultat, la droite n'est pas parvenue à disposer de la majorité nécessaire pour pouvoir former un gouvernement, il est clair que même s'il n'a obtenu que 122 sièges, le PSOE de Pedro Sanchez a encore la possibilité de former un gouvernement progressiste en s'alliant à d'autres formations de gauche et d'avoir la majorité au Parlement. Disons pour terminer que bien qu'elle ait été donnée gagnante, depuis des mois, par les différents sondages, la droite, qui n'a dépassé les socialistes que d'une très courte tête, semble être sur le point d'offrir à Pedro Sanchez la possibilité de se maintenir au pouvoir grâce au jeu des alliances mais attendons pour voir… Nabil EL BOUSAADI