Dialogue social: La CGEM et la COMADER approuvent l'augmentation des salaires    Le Roi félicite Nizar Baraka suite à sa réélection secrétaire général du Parti de l'Istiqlal    Loudyi s'entretient avec le président du Comité militaire de l'OTAN    Sommet à Marrakech : Congrès International de Santé au Travail réunit leaders et décideurs    La Marocaine vie augmente les taux de rendement de son fonds en dirhams jusqu'à 3,4% au titre de 2023    Nadia Fettah représente SM le Roi au Sommet de l'Association internationale de développement    VelyVelo annonce une levée de fonds de 65 millions de dirhams pour propulser la logistique urbaine durable    CV, c'est vous ! EP-68. Hind Bourmad, neuropsychologue qui adore le travail associatif    Cannes 2024 : La réalisatrice Marocaine Asmae El Moudir membre du jury "Un Certain Regard"    Info en images. La bande-annonce du prequel du «Roi Lion» dévoilée    Renforcement des liens entre l'Ukraine et le Maroc : Zelensky bientôt à Rabat    Que prévoit le partenariat franco-marocain sur l'hydrogène vert ?    Présidentielle US: Trump toujours en pôle position face à Biden    Espagne : Après réflexion, Pedro Sanchez décide de rester au pouvoir    Les Etats-Unis balisent le terrain vers une normalisation entre l'Arabie saoudite et Israël    Botola : La course au titre est relancée après la défaite de l'AS FAR    Mise sous tutelle de la FREF : L'UEFA et la FIFA posent un ultimatum au gouvernement espagnol    Abdessamad Ezzalzouli convoité en Arabie Saoudite et en Italie    Coupe de la CAF (Demi-finale): L'USM Alger se retire du match retour contre la RS Berkane    Météo: les prévisions du lundi 29 avril    Voici la hauteur des pluies enregistrées ces dernières 24H    Nasser Bourita reçoit son homologue gambien porteur d'un message au Roi Mohammed VI    Vers une hausse des salaires de 1.000 DH dans le secteur public    Les systèmes de « Rendez-vous » et du « eTimbre » généralisés à tous les consulats du Maroc    Gérard Depardieu placé en garde à vue pour agressions sexuelles    L'OTAN salue l'engagement du Maroc en faveur de la sécurité internationale    SIAM 2024 : Clôture d'une édition record sous le signe du climat et de l'agriculture durable et résiliente    Grand succès du « Rural Tourism Challenge Casablanca-Settat »    Prison d'Oujda : L'administration réfute des allégations de violence    TDAH, un trouble de l'attention, présent au Maroc    SDX Energy entame sa production de gaz dans le Gharb    Mali : L'un des grands chefs de Daesh, neutralisé par l'armée (Médias)    Pologne: Les agriculteurs débloquent les postes frontaliers avec l'Ukraine    Football féminin : l'AS FAR sacrée championne du Maroc    Administration pénitentiaire : la prison locale de Sat Village fermée    Rajae Chafil : "Le Centre 4C Maroc a appuyé la mise en place de deux fonds climats en Afrique"    Etats financiers : l'IFRS 18 sonne la fin des acrobaties comptables    Audience : «Lahdat Dir iddik» cartonne    Sécurité routière : les préparatifs de la conférence ministérielle mondiale lancés    National '' Amateurs''/ J25: Union Yaâcoub El Mansour a besoin d'un seul point pour officialiser la montée !    Finale de la Coupe de la Confédération 2024/ RSB-Zamalek: Date et horaire ?    Handball : Heureuse surprise au VIème Championnat Arabe, nos jeunes qualifiés en finale    MAGAZINE : Monique Eleb, sociologue urbaine    Houda Terjuman : Evanescence d'une artiste multiculturelle    Exposition : Wallis et Jarmusch se voient en peinture    Marrakech : Le Festival national des arts populaires tient sa 53e édition du 4 au 8 juillet    Conseil de sécurité: Le Mouvement des non-alignés salue les efforts de SM le Roi en faveur de la cause palestinienne    L'"opposant" algérien Said Bensedira arrêté à Paris    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Denise Masson, ou le néon ne vaut pas la chandelle (1)
Publié dans Aujourd'hui le Maroc le 09 - 01 - 2004

Denise Masson est connue par sa traduction-référence du Coran, publiée dans la prestigieuse collection “La Pléiade“ des éditions Gallimard. En plus de sa parfaite maîtrise de l'arabe, Denise Masson, qui a vécu pratiquement toute sa vie au Maroc, avait d'autres passions. L'écrivain Jean-Pierre Koffel nous la présente en deux fois.
Dans les années 50, les jeunes catholiques de gauche de Marrakech qui l'aimaient bien, l'appelaient Masson, tout court. Ceux qui avaient un peu plus de respect pour elle disaient mademoiselle Masson. Nul ne se serait permis Denise : l'époque n'était pas encore à ce genre de familiarités – à l'Américaine – et l'on avait en considération son âge – déjà ! – , ses indiscutables signes d'appartenance à la religion du Sauveur et de sa mère Marie, ses compétences musicales – il lui est arrivé de tenir l'orgue de l'église des Saints Martyrs au Guéliz – , son érudition, en linguistique arabe notamment . Elle-même se présentait comme mademoiselle Masson et signait D. Masson ses articles (sur l'Islam et le christianisme, essentiellement), dans Le Monde , entre autres. La “traduction” du Coran, à La Pléiade, est l'œuvre de D. Masson. Certains esprits chagrins seraient même allés jusqu'à suggérer que si les sages d'Al Azhar avaient subodoré Denise sous D., ils n'auraient pas donné aussi facilement leur aval à ce travail de 30 ans, considéré par eux comme la meilleure tentative d'interprétation en français du Livre sacré (qu'on ne traduit pas), donc comme la référence. Certains lecteurs du “Monde“ parlaient de D. Masson comme d'un homme et Denise ne devait pas s'en offusquer beaucoup, loin de là.
Denise Masson n'est pas franchement tombée dans l'oubli ; tout une action existe, notamment autour de son riad, à Marrakech, de son fonds (au Centre d'Études Arabes de l'Ambassade de France, à Rabat), de son œuvre, de son action militante originale en son temps. Mais force est de constater que, pour beaucoup de gens – les jeunes sont excusables – le nom de Denise Masson n'évoque rien du tout et certains se risquent du côté du cinéma américain d'avant-guerre. Alors faisons le point, et racontons la belle et longue histoire d'amour entre une femme et un pays, ou plutôt une ville.
Elle naît à Paris “en tout début de ce siècle ” (le 20e, bien sûr) : une certaine coquetterie lui interdit d'en dire plus, de même qu'elle ne donnait pas le chiffre exact de son grand âge, se réjouissant d'être un peu plus jeune que Françoise Fabien. Son père, Maurice Masson (une salle du musée de Lille porte son nom) était docteur en droit et ami des peintres impressionnistes, à une époque où “nul ne les appréciait”. Un découvreur, un précurseur, en sorte. Sa mère, pour “compléter l'ambiance”, jouait au piano Debussy, Fauré, Ravel. À 15 ans (à la fin de la guerre ), elle a déjà découvert Pascal, Bossuet, le phrasé musical de Bach, l'orgue et... l'Algérie, pour des vacances dans un village vinicole nommé Fondouk !
Elle arrive au Maroc en 1929 – elle doit avoir 27 ans et elle est Française, catholique et célibataire toujours, ce qu'elle restera résolument jusqu'au bout – ; c'est l'année de naissance du futur Hassan II, se plaît-elle à souligner. Et c'est dans ce “voyage touristique”, nous dit Françoise Fabien, que va “s'infléchir la trajectoire de cette fille de la grande bourgeoisie du nord de la France, accompagnant ses parents”. “Elle est infirmière diplômée, nous dit encore Françoise Fabien, mais elle ne songe nullement à quitter la France et les siens . Et pourtant, coup de cœur, coup de tête, elle décide – elle a une très forte volonté sous des dehors paisibles et doux – de vivre désormais au Maroc et de se rapprocher du monde musulman, d'en étudier la langue, d'approfondir, elle, la chrétienne convaincue, la foi islamique. Forte de ces nouvelles connaissances, elle va donner un sens profond à sa vie sans pour autant se retirer du monde.”
Elle débarque donc à Rabat en 1929, avec papa, maman, son petit harmonium, la Somme de Saint Thomas d'Aquin et “des connaissances de l'arabe se limitant à l'alphabet”. Elle travaille au dispensaire antituberculeux de Rabat , s'inscrit aux cours d'arabe dialectal, puis d'arabe classique de l'Institut des Hautes Études Marocaines (IHEM), études qu'elle juge indispensables et qui seront sanctionnées par des diplômes de haut niveau. Elle découvre des réalités sociales dans son travail de visiteuse et conçoit un programme ambitieux ; elle est nommée à la tête du dispensaire antituberculeux de Marrakech ; elle habite alors du côté de Dar Si Saïd – pas au milieu des Européens, mais à l'époque, déjà ! les Européens sont assez nombreux à habiter la médina. Ce n'est qu'en 1937 que sa mère lui offre – avec en prime une VW – la maison qui va rester la sienne jusqu'au bout : au derb Zemrane, dans le quartier globalement appelé Bab Doukkala, un riad qui porte le nom de son ancien propriétaire, riad el Hafdi, “un petit palais, au n°3 du derb Zemrane”, nous dit Françoise Fabien. Comme elle aime : porte ouverte sur un jardin fermé, toute une démarche bergsonnienne (le jeu du clos et de l'ouvert, fort en vogue ces années-là) et une approche esthétique , symbolique, de ce qu'est pour elle l'Islam ; mais, quelle merveille quand on a les clés ! Là voilà donc, pour “un demi-siècle” dans cette demeure qui porte désormais son nom, où elle va faire venir deux orgues, pour l'inonder de fugues, de chorals, de cantates ; où va naître au fil des jours et des nuits le lent travail d'appropriation d'une langue (l'arabe), puis de “transmission” du Coran en français ; où vont venir, parfois se réfugier, les nationalistes marocains, les opposants au Protectorat dont elle n'est pourtant pas l'ennemie sur tous les plans ; où va naître une œuvre, en marge de la « traduction », autobiographique, mais surtout théorique (voir bibliographie) et des articles (D. Masson, dans les rapports compliqués et délicats entre l'Occident moderne et chrétien bien sûr et le monde musulman si subtil et secret, apportait ses lumières ) ; où elle recevait ses amis, le géologue Louis Gentil, le Docteur Faraj et les siens, puis Ridwan Collins, son cher voisin islamisé, islamisant, arabisant, berbérisant, pianiste, Gilles Lafuente, berbérisant et islamisant, Françoise Fabien, l'organiste casablancaise Suzanne Guillaud, Jeanne Benoît... Surtout des nostalgiques du passé.
Elle n'échappe pas à la première épidémie de typhus de 1937 (“un seul pou y suffit”) : “dès ma convalescence, ma mère me fit transporter à l'hôtel Mamounia, au milieu des fleurs et des orangers.” En 1946, le Protectorat la charge de mettre sur pied un corps d'assistantes sociales au Maroc (entre autres, les assistantes françaises devront apprendre l'arabe, la sociologie, les institutions musulmanes); elle voit grand, veut recouvrir tout le pays d'un service qui “ pouvait favoriser l'adaptation des Marocains à une civilisation moderne.
” Et c'est pour cela que l'ambitieux projet capote. Comme son maître à penser, Lyautey, elle met tout sur le compte des bureaucrates, méprisables fonctionnaires hypocrites qui considéraient d'un très mauvais œil “ces assistantes amenées à connaître mieux qu'eux des familles marocaines, sachant suffisamment l'arabe, et, de plus, tenues au secret professionnel.” Mais le mal est fait : mademoiselle Masson a fait des disciples parmi ses maigres troupes !
• Par Jean-Pierre Koffel
Ecrivain
.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.